Au nom du peuple français :
Par arrêts du 20 octobre, la Cour de cassation, chambre criminelle, vient donc de confirmer la condamnation par la cour d’appel de Colmar de 12 militants mulhousiens de la cause palestinienne pour appels au boycott de produits israéliens par port de vêtements marqués d’inscriptions et diffusion de tracts distribués dans un magasin de l’enseigne Carrefour en 2009 et 2010 : « Palestine vaincra, boycott d’Israël » et « Boycott des produits importés d’Israël, acheter les produits importés d’Israël, c’est légitimer les crimes à Gaza, c’est approuver la politique menée par le gouvernement israélien ».
La Cour de cassation confirme donc le recours à l’article 24, alinéa 8, de la loi sur la presse pour déclarer condamnables ces appels incitant les clients d’un magasin à ne pas acheter ces produits en raison de l’origine des producteurs et fournisseurs appartenant à une nation déterminée, en l’espèce Israël.
Elle confirme que la liberté d’expression peut être soumise à des restrictions ou encourir des sanctions dans une société démocratique, pour la défense de l’ordre et la protection des droits d’autrui et, dans ce cas présent, pour « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une race, une religion, une nation ».
Ces arrêts appellent de nombreuses questions :
- s’agissait – il de propos racistes ou antisémites répréhensibles, c’est-à-dire de propos visant des personnes et pouvant tomber sous le coup de la loi ? Non.
- s’agissait – il de dénoncer les producteurs ou fournisseurs parce qu’ israéliens ? Non.
- s’agissait – il de dénoncer un État et sa politique de colonisation, de discrimination, d’apartheid, d’ignorance délibérée des règles de droit international, de mépris de plus de 250 résolutions onusiennes condamnant cette politique ? Oui.
- s’agissait – il, comme l’avait soutenu l’avocat général à la cour d’appel, de discriminer les citoyens israéliens comme appartenant à la nation visée ? Non, ou alors il faut expliquer comment, puisque la population israélienne comprend plus de 20% de citoyens israéliens d’origine palestinienne – officiellement discriminés, eux, en Israël – participant à l’élaboration de ces produits et marchandises visés ! Non, ou alors il faut expliquer le caractère spécifique d’un État qui distingue selon sa propre législation de nombreuses « nationalités » dans sa population (juive, chrétienne, musulmane, druze…), nationalités mentionnées comme telles sur les documents d’identité que l’État israélien délivre.
Pour ces 12 militants il s’agissait donc bien, et uniquement, de sensibiliser des consommateurs à la situation en Palestine et de les inciter à des actions d’abstention d’achat entendues comme moyens de pression et de dénonciation d’actions d’un État.
Il s’agissait de l’expression d’un engagement citoyen politique visant à dénoncer une situation insupportable, injuste et facteur de guerres et non d’écrits relevant de l’antisémitisme ou de la haine de l’autre !
Au nom du peuple palestinien :
N’étant en aucun cas habilité à parler en son nom, qu’il me soit permis de citer simplement quelques propos très récents d’un éminent diplomate palestinien, Majed Bamya, plus spécialement chargé du dossiers des crimes de guerre israéliens auprès de la Cour Pénale internationale (tirés de sa page Face book relayée avec son accord par Médias 24) :
- « le B.D.S (boycott, désinvestissement, sanctions) : une campagne ayant largement contribué à la fin de l’apartheid, considérée de fait comme une campagne héroïque contre l’apartheid en Afrique du Sud. Par contre, quand cette même campagne vise l’apartheid israélien, elle est clairement assimilée à de l’antisémitisme. »
Au nom de la solidarité internationale et de notre propre liberté d’expression :
A l’heure de l’expression tragique d’une jeunesse palestinienne révoltée parce que désespérée par la poursuite de la colonisation en terres palestiniennes, par les exactions des colons toujours impunis, par l’impuissance persistante de la communauté internationale à imposer à Israël une reconnaissance de l’État palestinien, par les déclarations non contraignantes de l’Union européenne – en particulier celles relatives à des règles claires d’étiquetage des produits issus des terres volées aux Palestiniens et mobilisant des ressources naturelles de ces mêmes territoires – la poursuite de ces actions de mobilisation citoyennes s’impose plus que jamais, en particulier dans le seul État européen à criminaliser des appels au boycott pacifique, la France.
Le soutien à la cause palestinienne, à son combat pour la reconnaissance immédiate de l’ Etat de Palestine, le refus des restrictions à la liberté d’expression des citoyens français relèvent des mêmes impératifs de droit et de justice.
C’est une seule et même démarche que d’exiger l’interdiction d’importation des produits des colonies sur le territoire de l’U.E, de vouloir sanctionner la présomption d’illégalité des produits affichés « made in Israël » en l’absence de règles d’étiquetage contraignantes et claires, d’ appeler à la rupture des relations commerciales avec toutes les entreprises qui ont une activité, même partielle, dans les colonies ou de poursuivre les actions appelant les entreprises au désinvestissement dans les projets économiques impliquant de travailler avec les colonies – dont le succès de la campagne « Orange » est un exemple récent et important.
Boycott, désinvestissement, sanctions sont les moyens pacifiques dont disposent les citoyens pour rappeler l’État d’Israël à ses obligations de responsabilité et d’humanité, pour ne rien dire du Droit et des droits de l’Homme élémentaires.
Partout dans le monde ces actions se développent et commencent d’inquiéter sérieusement le gouvernement israélien qui tente par ses projets législatifs récents anti – BDS de les criminaliser et de les faire interdire, même lorsqu’elles se déroulent à l’étranger.
Pour citer de nouveau Majed Bamya : « La résistance à l’occupant est apparemment interdite sous toutes ses formes par le droit international pour le seul peuple palestinien ; en revanche elle est pleinement autorisée pour tous les autres peuples du monde ; les Palestiniens ont un traitement de faveur avec pour seul droit d’avoir recours à la négociation dans un processus de dialogue où Israël explique aux Palestiniens, l’arme au poing, toutes les raisons pour lesquelles elle ne peut mettre fin à la colonisation… ».
La position ambigüe du gouvernement français sur la reconnaissance de la Palestine comme État souverain, son maintien de textes permettant la criminalisation de ces actions B.D.S (circulaire Alliot Marie – Taubira), les jugements récents de la Cour de cassation, ne doivent pas arrêter la poursuite du boycott de toutes les productions et coopérations économiques illégalement conduites à partir des Territoires palestiniens occupés; c’est également le sens de la campagne « Made in illegality » qui se développe.
La solidarité avec les condamnés, la défense de la liberté d’expression, ici et maintenant, la poursuite du combat pacifique dans le cadre des campagnes « B.D.S » et « Made in illegality », sont des réponses qui s’ imposent à l’arrêt de la Cour de cassation et aux politiques dangereuses et criminelles de l’État israélien.
Ceux qui s’y associent ne sont pas pas « coupables » (pas encore?) de « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une race, une religion, une nation ».
Ils ne sont coupables que de contribuer, par leurs actions, à la recherche d’une paix qui dépend d’abord du respect des règles de droit international, des droits de l’Homme… quitte à encourir les foudres de notre justice
Christian Rubechi
Communiqué de presse
Condamnés parce que solidaires du peuple palestinien
La condamnation par la Cour de Cassation des 12 militants mulhousiens du Collectif Boycott 68 nous laisse abasourdis !
Ces militants, qui participaient en 2009 et 2010 à une campagne internationale « Boycott, Désinvestissement, Sanction », dénonçaient, par leur action, l’occupation de la Palestine par Israël, le vol des terres et la colonisation en Cis-Jordanie, le blocus, les guerres menées contre la population civile de Gaza et la violation de tous les droits fondamentaux du peuple palestinien. Ils appelaient l’opinion publique française à soutenir l’action menée par la société civile palestinienne, et, soutenue par de nombreuses associations pacifistes dans le monde et même israéliennes, l’action visant à obliger l’État d’Israël à respecter le Droit International.
Ainsi, en France, dans un climat de criminalisation des combats citoyens, il deviendrait impossible de dénoncer la politique de l’État d’Israël, État voyou qui bafoue depuis bientôt 70 ans le Droit International ? Après cette condamnation, il serait devenu impossible, aujourd’hui, de boycotter l’Afrique du Sud pour lutter contre l’apartheid ? Pourtant, dans les années 70 / 80, le boycott de l’Afrique du Sud mené contre cet État raciste a été un des facteurs essentiels qui ont mené à l’abolition de l’apartheid, victoire du progrès de l’humanité.
Partout en Europe, dans le monde, les campagnes BDS se multiplient en soutien au peuple palestinien. Et ce n’est pas ce jugement qui va les arrêter. La France devient, ainsi, le seul pays au monde, avec Israël, où l’appel au boycott des produits israéliens entraîne des poursuites pénales !
Les militants concernés, soutenus par leurs amis palestiniens et pacifistes israéliens, les organisations associatives, syndicales et politiques avec qui ils agissent, n’acceptent pas ce verdict, qui considère le boycott de produits comme une discrimination de personnes ! Ils tiennent à préciser que, contrairement à ce que souhaitaient les organisations pro-israéliennes, la cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, a écarté toute accusation d’antisémitisme.
Ils continueront, inlassablement, leur combat solidaire pour la Paix, la Justice et le Droit à l’autodétermination du peuple de Palestine.
Les militants mulhousiens solidaires du peuple palestinien condamnés (Collectif Boycott 68),
Coordination Mulhouse/Palestine (Association France Palestine Solidarité Alsace, REDA, Maison de la citoyenneté mondiale, Association JID, Comité BDS France Mulhouse, SPMO, LDH, Justice pour la Palestine, PCF68)