paroles

PAROLES DE CAMPAGNE

Les élec­tions sont pas­sées et, évi­dem­ment comme à chaque fois, tout va chan­ger. Tout le monde à « com­pris » le mes­sage des élec­teurs. Nous ana­ly­sons par ailleurs quelques enjeux qui découlent de ce suf­frage mais il nous sem­blait inté­res­sant de rele­ver quelques com­men­taires de femmes et d’hommes poli­tiques qui s’exprimaient après les élec­tions. C’est dans ces moments, devant la véri­té des chiffres, on se lâche un peu. Exa­mi­nons quelques-unes de ces déclarations.

Flo­ri­lèges écolos

Emma­nuelle Cosse, Europe Eco­lo­gie Les Verts : « les futurs pré­si­dents de région ne devront pas oublier qui leur a per­mis de rem­por­ter ces régions… ». Mais ce sont les élec­teurs, chère Emma­nuelle, les élec­teurs si, si… Ah , tu veux dire « il fau­drait me ren­voyer l’ascenseur et nous filer quelques stra­pon­tins »… ou com­ment ne pas tout perdre dans la débâcle. D’ailleurs, Mme Bélier, en ACAL, n’a pas atten­du : toutes les enve­loppes du pre­mier tour n’avaient pas été ouvertes que déjà elle fai­sait un appel du pied à M. Richert, avec des tré­mo­los dans la voix. « Il ne fau­dra pas que les vain­queurs d’aujourd’hui (nous) oublient demain ». Je suis sûr que le nou­veau pré­sident va bien créer un groupe de tra­vail dans le sous-groupe de la com­mis­sion Machin dans lequel San­drine pour­ra « militer »…

EELV n’en loupe d’ailleurs pas une : Cécile Duf­flot rap­pelle à Fran­çois Hol­lande qu’elle est dis­po­nible pour « un chan­ge­ment poli­tique ». Can­di­date en cas de rema­nie­ment, Cécile ? Son « amie » Bar­ba­ra Bom­pi­li lui rap­pelle que la place est déjà prise, par elle. Cin­glante, la Bar­ba­ra : « Un peu facile de tendre la main après avoir sac­ca­gé  cette pos­si­bi­li­té avant »… Oppor­tu­nistes, les Verts ? Enfin, où aller vous cher­cher cela…

Et à droite ? Pas mal non plus…

Bru­no Lemaire : …  « Les Fran­çais attendent (…) des visages nou­veaux, y com­pris à droite ». Mes­sage à M. Sar­ko­zy ? Otes-toi de là que je m’y mette ?

Phi­lippe Richert, les doigts de la vic­toire et le sou­rire benêt à la Une de L’Alsace : « Ils (les élec­teurs) ont vou­lu la vic­toire de la rai­son, du pro­grès, du ras­sem­ble­ment… » Dans sa fougue, il n’oublie pas de saluer nomi­na­ti­ve­ment les têtes de listes qui lui ont assu­ré leur sou­tien, dont Patrick Per­ron, du Front de Gauche… Ras­sem­ble­ment ou raco­lage ? Et M. Richert oublie que le pré­sident sor­tant en Alsace a per­du 5% des voix sur 2010 au pre­mier tour dans sa propre région ? Le pro­grès : les chiffres du chô­mage qui viennent de tom­ber montre que l’Alsace est dans la moyenne natio­nale… sauf dans les zones fron­ta­lières, mer­ci l’Allemagne et la Suisse…

L’inénarrable Jean Rott­ner, maire de Mul­house : « Gauche comme droite doivent se remettre en ques­tion (…) En tant que jeune élu (si, si, il l’a dit…) je par­ti­ci­pe­rai à ce renou­veau ». Il ne dit pas com­ment. En étant éven­tuel ministre d’un impro­bable gou­ver­ne­ment Sar­ko­zy en 2017 ? En reje­tant la fer­me­ture de l’Auberge de la Jeu­nesse à Mul­house, par exemple, ce serait là un vrai mes­sage de « renouveau »…

Le pom­pon, il fau­drait le décer­ner à M. Eric Strau­mann, le ci-devant pré­sident du conseil dépar­te­men­tal, fervent sou­tien de M. Richert. « J’inviterai (les par­le­men­taires) à por­ter un pro­jet de loi qui per­met­trait à notre région de retrou­ver ses contours géo­gra­phiques ». Ah bon, je ne savais pas que la loi a dépla­cé les Vosges dans l’Aube ? Il vou­lait peut être dire « contours admi­nis­tra­tifs ». Mais il fal­lait le faire avant, ça, M. Strau­mann. Il est vrai que le score d’Unser Land qui devient la 3e force poli­tique dans le Haut-Rhin doit le titiller. Car après les pré­si­den­tielles, il y aura les légis­la­tives, n’est-ce pas ? Alors, on peut dire n’importe quoi en sachant bien que la liste qu’il a sou­te­nue a exclu, d’entrée de jeu, tout retour en arrière. Vous avez dit « N’importe quoi » ?

M. Bockel, dans son rôle de sim­plet lucide, n’est pas mal non plus : « L’Alsace a dit clai­re­ment non au FN ». Tiens… En fin ana­lyste poli­tique qu’il est, il ne lui a pour­tant pas échap­pé qu’au deuxième tour, dans son agglo­mé­ra­tion, le FN pro­gresse en voix en pas­sant de 5.620 à 7.144, soit un bond de 27,12%… Ou bien prend-il les ves­sies pour des lanternes ?

Et, comme sou­vent dans ces cas d’enfumage à grande échelle, c’est Mme Arlette Gross­kost qui met les pieds dans le plat : « Hom­mage à Jean-Pierre Mas­se­ret qui per­met à la région Grand Est de ne pas être dans un duel sté­rile droi­te/ex­trême-droite »… Alors, on ne fait pas confiance à ses amis pour défendre les « valeurs » si sou­vent rap­pe­lées sans jamais être énon­cées, de la République ?

Ce serait presque don­ner rai­son à Nadia Hoog, d’Unser Land, qui met­tait tout ce beau monde dans le même sac : « Comme Richert, le FN et le PS, c’est la même chose, on vote blanc… Le FN, non, car c’est un par­ti jaco­bin comme les autres ». Il n’a que cela de par­ti­cu­lier le FN ?

La gauche : les champions…

Mais c’est quand même au sein de la gauche qu’on trouve les décla­ra­tions les plus stu­pé­fiantes à croire que des pro­duits illi­cites ont cir­cu­lé après le dépouille­ment des deux tours.

Per­nelle Richar­dot, celle qui est élue après avoir appe­lé à reti­rer la liste sur laquelle elle était et qui a voté pour son pré­ten­du adver­saire du pre­mier tour : « Le Bureau fédé­ral me demande à l’unanimité de sié­ger dans la nou­velle assem­blée régio­nale »… Elle, elle n’y est pour rien, pen­sez-donc… L’indécence, c’est pas son truc, elle-même n’aurait jamais accep­té d’être élue sur une liste qu’elle vou­lait dégom­mer… Mais elle ne peut résis­ter à la pres­sion de ses amis… Bonne fille, cette Per­nelle. Au point de flin­guer une future car­rière politique ?

Ailleurs aus­si, on trouve de belles perles : Didier Guillaume, séna­teur socia­liste de la Drôme : « Une belle soi­rée élec­to­rale pour la gauche »… Je vous assure qu’il l’a dit et expli­qué. La Drôme est dans la région Auverne-Rhône-Alpes où la gauche vient de prendre une veste mémo­rable et où Laurent Vau­quiez l’emporte sur un pro­gramme que le FN ne démen­ti­rait pas. Et il dit cela, le jour où la gauche est tota­le­ment absente, pen­dant six ans, de deux régions où elle était his­to­ri­que­ment bien implan­tée : Nord-Pas-de-Calais et Pro­vence… On a connu de belles soi­rées plus pro­bantes… A moins que la défaite de la gauche actuelle pré­pare la mise en place de la « nou­velle gauche revi­si­tée », comme on dirait dans Masterchef.

Jean-Luc Mélen­chon, au len­de­main du second tour : « Une catas­trophe a été évi­tée de jus­tesse »… Les yeux rivés sur les résul­tats élec­to­raux même Jean-Luc Mélen­chon ne semble pas voir la vraie catas­trophe qui vient de sur­ve­nir et qui en pré­pare d’autres : le FN a aug­men­té le nombre de ses voix entre les deux tours pour atteindre un niveau his­to­rique de 6.800.000 suffrages…

Pierre Laurent remarque fort jus­te­ment « Le pays est angois­sé par le chô­mage et la pré­ca­ri­té » et « que ce n’est pas avec cette poli­tique (celle du gou­ver­ne­ment) qu’on y arri­ve­ra »… Tout cela en ayant fait liste com­mune pour le second tour avec Claude Bar­to­lone, fervent sup­por­ter du gouvernement…

Et gar­dons pour la fin le « je vous ai com­pris » de Manuel Valls : « Nous tra­vaillons à de nou­velles mesures pour l’emploi qui seront dévoi­lés en jan­vier »… Enfin, il a donc com­pris le mes­sage avant tout social que lui envoient les élec­teurs ! Oui, tel­le­ment bien que le gou­ver­ne­ment refuse, dans la fou­lée, de don­ner un coup de pouce au SMIC ! Faut quand même pas pous­ser, on ne va quand même pas chan­ger tout ce qu’on a fait pour une banale affaire d’élections…

Michel Mul­ler