Le 2 juillet dernier, le Premier ministre demande à une mission parlementaire composée d’élus socialistes et Les Républicains d’Alsace et de Moselle, d’étudier l’incidence d’un des articles de la loi ANI (Accord national interprofessionnel) généralisant une complémentaire santé en entreprise, sur le Régime local complémentaire d’assurance maladie d’Alsace-Moselle.
Cette commission vient de remettre son rapport de 91 pages (dont 64 d’annexes). Les 27 pages d’analyse et de réflexion se terminent par une recommandation qui fait hurler ceux qui sont attachés au Régime local. Les quatre élus qui ont planché durant 6 mois (Philippe Bies, député PS du Bas-Rhin, Denis Jacquat, député Les Républicains de Moselle, André Reichardt, sénateur Les Républicains du Bas-Rhin et Patricka Schillinger, sénatrice PS du Haut-Rhin) conclut en effet leur rapport ainsi :
« En conséquence, la solution consistant à conserver des régimes locaux inchangés auxquels viendraient s’ajouter la complémentaire santé servie par les mutuelles, les instituts de prévoyance ou les sociétés d’assurance et cofinancée à hauteur d’au moins 50% par les employeurs conformément aux dispositions de la loi du 14 juin 2013, est celle que la mission estime juridiquement la moins risquée. »
Daniel Lorthiois, le président (syndicaliste de la CFDT) ne décolère pas : « Ce rapport recommande le statu quo, reprend Daniel Lorthiois, et Marisol Touraine, ministre de la Santé, des Affaires sociales et des Droits des femmes, a indiqué la semaine dernière qu’il n’y aurait aucune adaptation du RLAM au regard de la nouvelle loi. » Et d’annoncer franchement la couleur : « Cette décision de la ministre doit être analysée comme une disparition à petit feu du régime local.»
La majorité Les Républicains-PS de l’ACAL enterre le droit local !
Pourtant, avant les élections régionales, il ne se trouvait pas un élu de tous partis pour affirmer son opposition totale à la disparition du droit local. Y compris ceux qui sont les auteurs du rapport ! Alors qu’ils travaillaient depuis le mois de juillet 2015 et que leurs conclusions étaient déjà quasiment rédigées, ils continuaient d’affirmer qu’ils défendraient becs et ongles le régime local.
Pourtant, lors de nombreuses auditions, ces élus ont pu prendre note des différentes propositions d’organisations, d’associations, de syndicats, qui faisaient des propositions pour le maintien et le développement du régime local y compris dans le cadre de la loi ANI.
Le responsable régional de la CGT, Raymond Ruck, nous a fait part des réactions syndicales devant ce rapport.
- L’Alterpresse : Que pensez-vous du rapport de la mission parlementaire ? Vos revendications ont-elles été reprises ?
- Raymond Ruck : Le rapport oppose une fin de non recevoir aux revendications de l’intersyndicale. Nous sommes évidemment très mécontents. L’argument de l’éventuelle inconstitutionnalité d’une loi nous donnant satisfaction sert de prétexte pour évacuer nos exigences car, et les rapporteurs le reconnaissent eux-mêmes ils étaient plutôt enclin à nous donner satisfaction.
Ils ne souhaitent en aucune façon ouvrir un débat public car dès lors que la question est examinée sur le fond, il apparaîtrait que le recours à des complémentaires est d’un total illogisme… A moins qu’il s’agisse de conforter et de prévoir une augmentation de la part de la couverture santé réservée aux complémentaires conformément au dogme de l’économie capitaliste libérale.
- L’A : Fallait-il faire confiance à des « rapporteurs » mêmes alsaciens, pour sauver le régime local ?
- RR : Bien sûr que non ! L’objectif de ce rapport supplémentaire (car il s’agit du deuxième) est de rejeter nos revendications en en faisant supporter la responsabilité conjointe à l’opposition (Les Républicains) et à la majorité (le PS). D’ailleurs cela préfigure le contenu de la future alliance politique en gestation pour contrer le FN. Cela démontre à l’avance l’inanité du barrage républicain alors qu’il faudrait s’attaquer aux causes qui favorisent largement le vote en faveur de l’extrême droite.
L’Intersyndicale : Continuer à mobiliser !
- L’A : L’intersyndicale envisage-t-elle une nouvelle mobilisation et sous quelle forme ?
- RR : L’intersyndicale se reverra à l’issue de la période des fêtes. Tant qu’il est possible de se battre nous continuerons à agir. Il reste 6 mois, l’application de la loi du 14 juin 2013 ayant été reportée au 1er juillet 2016 en Alsace Moselle. Le conseil d’administration du régime local a décidé d’une campagne d’interpellation de tous les élus politiques de l’échelon municipal en allant jusqu’aux parlementaires des départements d’Alsace Moselle
- L’A : L’exécutif de la nouvelle région est-il un interlocuteur utile pour votre lutte ?
- RR : La nouvelle région comme d’ailleurs les anciennes n’a pas de compétences politiques sur le sujet. Mais évidemment si l’exécutif de la nouvelle région envisagerait de nous soutenir nous ne pourrions que nous en réjouir car le poids d’une collectivité de presque 10 % de la population française ne pourrait être négligée par le gouvernement. D’ailleurs Jean-Pierre Masseret pendant la campagne électorale nous a indiqué par message mail qu’il estimait que le futur président de la région ACAL devrait soutenir les revendications de l’intersyndicale.
Les premières trahisons des engagements pris lors de la campagne pour les Régionales touchent donc un des principaux acquis de l’Alsace et la Moselle. Il est clair que ce n’est pas du côté de l’exécutif régional et de son président Philippe Richert qu’il faut attendre la solution pour préserver et développer le régime local.
Il s’agit-là d’un test pour la population alsacienne qui a encore d’autres acquis à défendre dans un proche avenir et qui seront d’autant plus en danger que nous aurons perdu le Régime local.
Les syndicats semblent unis sur cette question même si les organisations ayant approuvé l’ANI (CFDT, CFTC, UNSA, CGC) sauront surmonter leurs contradictions et les éventuelles injonctions des états-majors parisiens. Les partis politiques qui ont fait part de leur attachement au régime local devraient rejoindre l’intersyndicale et les associations pour faire un front uni et faire appel à la population pour qu’elle se mobilise concrètement.
Et déjà d’inonder de messages les permanences des quatre larrons qui ont commencé à creuser la tombe d’un droit que les Alsaciens-Mosellans avaient conquis en 1886 et à continuer d’exister depuis, y compris pendant les heures les plus sombres que notre région a connu. Aux Alsaciens et Mosellans à présent de se faire entendre pour lui assurer un avenir malgré tout.
Michel Muller
Proposition d’un message à envoyer aux permanences des quatre députés ainsi qu’à tous les élus de la Région ACAL :
« Nous réfutons les conclusions de votre rapport sur le régime local complémentaire d’assurance maladie d’Alsace et Moselle qui préconisent le statu-quo lors de l’application du dispositif de la loi du 14 juin 2013 sur les assurances complémentaires. Ce statu-quo équivaut à la disparition progressive de ce droit local auquel les Alsaciens-Mosellans sont fortement attachés. Nous exigeons que tous les élus de la « grande région ACAL » s’engagent pour que des mesures soient adoptées garantissant la pérennisation réelle du droit local. L’application différé du dispositif pour l’Alsace et la Moselle au 1er juillet 2016 vous donne toute latitude pour présenter des propositions à Mme Touraine, Ministre des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des femmes, pour intégrer dans le régime alsacien-mosellan les mesures nécessaires pour se mettre en adéquation avec le texte de loi ».
A envoyer à:
Philippe Bies, député
Permanence : 41, avenue Jean-Jaurès – 67100 Strasbourg – Tél. 03.88.4457.78
Denis Jacquat, député
25, rue Cambout – 57000 Metz – Tél. 03.87.36.48.28 – Fax. 03.87.36.11.91
Courriel: djacquat@wanadoo.fr
André Reichardt, sénateur
6 rue d’Or – 67000 STRASBOURG – Tél/Fax : 03 88 26 07 49 –
Courriell : a.reichardt@senat.fr
Patricia Schillinger, sénatrice
1, rue de Hagenthal – 68220 HEGENHEIM – Tel : 03 89 67 02 01 – Fax : 03 89 70 09 31
Courriel : schillinger.senat@wanadoo.fr
Philippe Richert
Maison de la Région – 1 place Adrien Zeller – BP 91006 – 67070 Strasbourg Cedex
Tél : (+33) 3 88 15 68 67 – Fax : (+33) 3 88 15 68 15
Courriel: philippe.richert@region-alsace.eu
Merci à « l’Alterpresse » de nous donner ces infos importantes ! Je serai surpris qu’au niveau de la presse locale, le sujet soit traité de la même manière avec une possibilité d’envoyer un courri-el à ces chers élus, censés défendre les intérêts de leurs ouailles …
Comme disait feu Pasqua : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient » et sous couvert de « front républicain » qui se résume in fine à front république-rien (comme dit Torréton très justement), tous les coups tordus sont désormais permis. Il n’y a plus besoin de proposer quoi que ce soit au niveau politique. Il suffit désormais de sortir le « diable de confort », le FN de sa boîte et tout le monde crie au loup … ensuite, les arrangements entre les élites auto-proclamées vont bon train. Le peuple, tout le monde s’en tape. L’important c’est la lutte pour les places !
COMMUNIQUE DU PCF 68
Les marchands privés, soutenus par le PS et LR, veulent la peau du régime local de sécurité sociale et s’apprêtent si on les laisse faire à tuer le régime local de sécurité sociale. Comme nous l’avions dénoncé pendant la campagne électorale, un article paru le 22 décembre dans la presse confirme l’imminence du danger.
En effet, le rapport de la mission bipartisane LR/ PS conclut au refus des revendications de l’intersyndicale CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, UNSA, visant à faire du régime local, en application de la loi du 14 juin 2013, l’opérateur unique pour rembourser les prestations du panier de soins prévu par décret, et obtienne le versement d’une cotisation à la charge de l’employeur avec un taux couvrant les prestations versées aux salariés actifs.
Le rejet par la mission, des propositions de l’intersyndicale s’appuie sur des aspects juridiques d’ordre constitutionnel de pure forme et est surtout en cohérence avec la volonté de confier aux assurances complémentaires (mutuelles, assurances privées) le soin de rembourser une part de plus en plus importante des frais de santé et donc d’aggraver les inégalités en matière de santé dont sont déjà victimes nombre de nos concitoyens. Cette orientation conforme à l’ordre libéral est à l’opposé de nos objectifs de solidarité, d’universalité, d’unicité et de démocratie. Cette question est liée fondamentalement à la politique d’austérité et de régression sociale majeure conduite par le gouvernement au service des banquiers des financiers et des actionnaires
Le report de l’application de la loi du 14 juin 2013 de 6 mois en Alsace Moselle nous laisse encore la possibilité de continuer la bataille. Le conseil d’administration du régime local a décidé lors de sa séance du 24 novembre de mener une campagne de communication auprès des élus municipaux et de la population. L’intersyndicale informe les salariés (pétitions, débats).
La fédération du PCF68 soutient toutes ces initiatives de lutte pour que la sécurité sociale d’Alsace-Moselle vive et se développe hors du marché capitaliste. La santé n’est pas une marchandise, ni une pompe à fric ! Le PCF est favorable à l’unité de toutes les forces organisées, qui se reconnaissent dans les revendications de l’intersyndicale, pour agir et empêcher ainsi, une nouvelle régression dont nous serions tous les victimes.