cigogne

Lors d’une récente pré­sen­ta­tion  aux medias locaux Sud Alsace Tran­si­tion* a fait le point avec ses par­te­naires sur les prin­ci­paux pro­jets en cours et a annon­cé le forum « Alter­na­ti­ba » du 23  jan­vier ain­si qu’autre édi­tion du fes­ti­val des alter­na­tives le 3 juillet 2016, après le suc­cès mar­quant ren­con­tré par  celui de 2015.

Outre la Fabric’à Pro­jet, sorte de think tank alter­na­tif qui débat chaque mois à la Table de la Fon­de­rie (res­tau­rant soli­daire à Mul­house, rue du manège), l’épicerie par­ti­ci­pa­tive basée sur le concept de clients qui pos­sèdent des parts et donnent du temps béné­vo­le­ment pour  le fonc­tion­ne­ment de la struc­ture en valo­ri­sant la rela­tion sociale,  a été pré­sen­tée le pro­jet de créa­tion d’une mon­naie com­plé­men­taire, locale et soli­daire:

Ce pro­jet  paraît désor­mais sur le point de décol­ler (ce qui est bien le moins pour une mon­naie qui s’appellera  « Cigogne ») et quelques échan­tillons des futurs billets ont été remis aux participants.

Les objec­tifs affir­més de cette mon­naie seront  de sou­te­nir l’économie de proxi­mi­té et les emplois liés, de favo­ri­ser les cir­cuits courts pour réduire les impacts éco­lo­giques, de relier les acteurs ter­ri­to­riaux  locaux par dif­fé­rents pro­jets solidaires.

Ces objec­tifs ne sont pas minces et sup­posent des par­te­na­riats impor­tants : créer un réseau de com­mer­çants sou­hai­tant s’associer à la démarche et donc accep­tant cette mon­naie, s’inscrire dans un réseau d’approvisionnement local, pra­ti­quer des tarifs solidaires…bref agir pour une éco­no­mie cir­cu­laire et durable pour le Sud Alsace.

Les col­lec­ti­vi­tés publiques locales seront éga­le­ment sol­li­ci­tées pour être par­te­naires dans l’association sup­port de la « Cigogne ».

Uto­pie ?

Dans un article du 22 mai 2015 publié par le jour­nal «  Le Monde » Jéré­mie Lamothe qua­li­fiait cette uto­pie de réa­li­té pre­nant corps.

Inexis­tantes il y a cinq ans une tren­taine de mon­naies locales deviennent désor­mais réa­li­té et sont aujourd’hui uti­li­sées en France. Autant sont en pro­jet et de nom­breux pays connaissent des réa­li­sa­tions de mon­naies alter­na­tives et complémentaires.

C’est qu’autant qu’un ins­tru­ment finan­cier réel et limi­té, par défi­ni­tion, ces mon­naies deviennent de fait un mode d’affirmation ter­ri­to­riale autant que le sup­port de valeurs socié­tales (soli­da­ri­tés de proxi­mi­té, éco­no­mie à taille humaine, soli­da­ri­tés actives…), voire d’objectifs  politiques…

Et l’intérêt d’institutionnel « cré­dibles » s’affirme (Cré­dit muni­ci­pal de Nantes, rap­port ren­du à Carole Del­ga, secré­taire d’Etat char­gée du com­merce, pré­co­ni­sant le déve­lop­pe­ment de ces moyens de paiement…)

La défi­ni­tion même de l’outil « mon­naie locale » se pré­cise : mon­naies d’échange et non de cré­dit, conver­ti­bi­li­té en euros garan­tie, impos­si­bi­li­té d’épargner - a for­tio­ri de spé­cu­ler –  par néces­si­té de remise en cir­cu­la­tion rapide, effet d’accélération des échanges par des méca­nismes d’obsolescence pro­gram­més (mon­naies « fondantes ») .

Depuis en par­ti­cu­lier le krach finan­cier de 2008 l’essor de ces mon­naies est avé­ré. Le rôle de l’euro, ses moda­li­tés de ges­tion, les erre­ments de la zone moné­taire euro et les contraintes poli­tiques et sociales qu’elle implique, autant de fac­teurs qui favo­risent à l’évidence ces inno­va­tions locales, tra­duc­tions d’une volon­té de réap­pro­pria­tion citoyenne de proxi­mi­té et d’un contrôle limi­té mais réel par l’outil monétaire.

L’eusko, une des plus  impor­tantes mon­naies locales de France avec un réseau de 550 entre­prises par­te­naires et 370 000 eus­kos en cir­cu­la­tion, lan­cée en pays basque depuis deux ans, par­ti­cipe ain­si d’une réaf­fir­ma­tion régio­nale, aux dires  du co – pré­sident d’Euska Mone­ta (cité par Jéré­mie Lamothe).

Fraude fis­cale ?

Le Conseil éco­no­mique, social et envi­ron­ne­men­tal pré­co­nise dans un  rap­port ren­du le 15 avril plus de contrôles, compte tenu des opé­ra­tions en mon­naies locales pou­vant échap­per à toute forme d’impôts, de coti­sa­tion sociales, voire de décla­ra­tions de la part d’entreprises utilisatrices.

Le légis­la­teur est inter­ve­nu par la loi du 31 juillet sur l’économie sociale et soli­daire qui valide les mon­naies locales et com­plé­men­taires comme moyens de paie­ment (article 16).

Déjà le paie­ment avec carte numé­rique, par SMS ou Inter­net est en vigueur pour cer­taines mon­naies locales et limite le risque de fausse mon­naie et per­met de sécu­ri­ser le système.

A Nantes les musées, les acti­vi­tés cultu­relles, bien­tôt les par­kings, les trans­ports en com­mun pour­ront être réglés en mon­naie locale ; d’autres col­lec­ti­vi­té locales rejoignent le mouvement.

Des condi­tions ?

Et donc les par­ti­cu­liers en Sud Alsace devraient pou­voir bien­tôt ache­ter avec des bons d’achat maté­ria­li­sés en « cigognes » auprès des pro­fes­sion­nels adhé­rents du réseau local…

Les euros conver­tis en mon­naie locale (base pari­té) consti­tue­ront le fonds de garan­tie pla­cé dans une banque éthique  qui sou­tien­dra en outre les pro­jets par­ti­ci­pa­tifs s’inscrivant dans la charte fon­da­trice de cette mon­naie locale.

Certes sans cours légal et des­ti­nées à être échan­gées dans une zone res­treinte, ces mon­naies,  sont héri­tières des jetons de salaire et des jetons de com­merce émis au siècle der­nier, en par­ti­cu­lier après les défaillances de banques natio­nales à la suite de crises et pour répondre à des besoins de liquidités.

Ces mon­naies sont donc filles de notre époque de doutes, d’incertitudes, de replis, de ten­ta­tions autar­ciques, voire de crises natio­nales comme en Argen­tine en 2002.

Mais elles sont aus­si filles de reven­di­ca­tions et de réap­pro­pria­tions citoyennes, de défenses ter­ri­to­riales, d’affirmation de valeurs de soli­da­ri­té sociale, de déve­lop­pe­ment éco­no­mique rééqui­li­bré et recen­tré vers le local, d’emplois de proximité.

Et elles ne peuvent fonc­tion­ner qu’assises sur la confiance et la tolé­rance d’un pou­voir cen­tral qui tolère que d’autres que lui « battent monnaie ».

Mais si l’articulation entre ces mon­naies locales et la démarche citoyenne qui les ins­pire devait se dis­tendre elles per­draient toute uti­li­té, tout rôle social signi­fi­ca­tif ; elles ne seraient plus qu’un outil moné­taire folklorique…

Fai­sons donc confiance à la Cigogne dont nous avons besoin et à qui nous sou­hai­tons « envol et bon vol » !

Chris­tian Rubechi

*blog :www.sud-alsace-transition.org

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