Nous publions volon­tiers la lettre ouverte que Nadia Hoog, de la sec­tion Unser Land de Col­mar et une des per­son­na­li­tés émer­gentes dans le pay­sage poli­tique alsa­cien, a adres­sé aux Conseillers dépar­te­men­taux du Haut-Rhin. Cette lettre a le mérite d’exi­ger des élus de mettre en oeuvre les pro­messes élec­to­rales voire les pos­tures « régio­na­listes » qui ne sont jamais sui­vies d’actes concrets. Il y a là de quoi dyna­mi­ser l’ac­ti­vi­té cultu­relle en Alsace pour peu que les conseillers dépar­te­men­taux prennent cette ques­tion au sérieux. 

« Pour­quoi pro­té­ger l’Alsace ? Vous enten­dez régu­liè­re­ment dire : « Même au sein de l’ALCA, la culture alsa­cienne ne dis­pa­raî­tra pas, les Alsa­ciens seront tou­jours là, sa langue aus­si d’ailleurs ». C’est oublier qu’il y a des cri­tères objec­tifs pour mesu­rer la vita­li­té d’une culture, et tous les voyants sont au rouge.

La langue en pre­mier : ce n’est pas le nombre de locu­teurs qui assure son ave­nir mais leur âge, or  moins de 3% des enfants entrant en mater­nelle parlent alsa­cien. Ce qui signi­fie que si l’alsacien, comme le fran­çais en son temps, ne devient pas langue de l’école mater­nelle, il ne sera plus par­lé dans 30 ans. C’est oublier aus­si qu’une langue n’est pas un outil de tra­duc­tion mais un vec­teur de culture. La langue oriente notre façon de pen­ser et nous per­met d’accéder à des tré­sors cultu­rels qui forgent notre vision de la vie pour trou­ver des solu­tions aux pro­blèmes de l’avenir. Perdre une langue c’est appau­vrir sa pen­sée, perdre l’al­sa­cien c’est englou­tir un tré­sor millénaire.

Quelle culture ?

Quelle culture me direz-vous ? Ceux qui vous disent que la culture alsa­cienne ne dis­pa­raî­tra jamais parlent géné­ra­le­ment de chou­croute, de bret­zel et de vin blanc, accom­pa­gné de quelques mots gri­vois en alsa­cien pour don­ner le ton.

Soyons basiques : la culture fran­çaise s’apprend à l’école avec près de 10 heures heb­do­ma­daires obli­ga­toires. C’est nor­mal, me direz-vous, com­ment apprendre la lit­té­ra­ture, l’histoire, l’art et tout ce qui fait l’importance et la beau­té de la culture fran­çaise si ce n’est pas dans le pro­gramme sco­laire des enfants ? Peut-on réduire la culture fran­çaise à un pot-au-feu qu’on apprend avec sa mère ? Alors com­ment ima­gi­ner que la langue et la culture alsa­ciennes doivent se trans­mettre avec les grands-parents, entre l’épluchage des patates et des navets ? Soyons sérieux !

Par­lez-moi de l’Alsace et réci­tez-moi un poème de Claude Vigée, rap­pe­lez-moi quand Louis XIV a sou­te­nu les Sué­dois pour « net­toyer » l’Alsace, terre des Habs­bourg et en prendre pos­ses­sion ? Pré­sen­tez-moi  les œuvres majeures de la pein­ture rhé­nane au 15ème et 16ème  siècle ? Expli­quez-moi l’apport de l’Humanisme dans la construc­tion de la pen­sée euro­péenne ? Par­lez-moi de l’importance du trans­port flu­vial dans le déve­lop­pe­ment éco­no­mique du bas­sin rhé­nan ! Vous ne savez pas ?! Auriez-vous per­du votre culture… ?

Main­te­nant, vous avez le choix : vous rési­gner et conti­nuer à vous enivrer de paroles ras­su­rantes car bière et vin blanc coulent à flots, ou lut­ter pour construire l’Alsace de nos enfants, comme vous l’ont deman­dé les Alsa­ciens lors des der­nières élections.

Assu­mer vos responsabilités !

En tant qu’élus Alsa­ciens, vous êtes res­pon­sables de l’avenir de notre langue et de notre culture. Cette res­pon­sa­bi­li­té va s’exprimer pro­chai­ne­ment dans les prio­ri­tés bud­gé­taires que vous allez fixer cou­rant de ce mois. Le bud­get 2015 avait fixé à 0.001% la part allouée au bilin­guisme, une somme net­te­ment insuf­fi­sante au regard des besoins lin­guis­tiques du dépar­te­ment. Il est pré­vu de bais­ser davan­tage cette part, ce qui revient à tuer déli­bé­ré­ment le peu de classes bilingues exis­tantes et de dire clai­re­ment aux Alsa­ciens que vous n’êtes pas de ceux qui défen­dront l’Alsace. Ce n’est pas sur notre culture et encore moins sur des sommes aus­si ridi­cules qu’il faut faire des éco­no­mies. Au contraire, une poli­tique volon­ta­riste doit accor­der au moins 1 % de son bud­get à la langue régio­nale, et en par­ti­cu­lier au déve­lop­pe­ment des classes immer­sives et aux acti­vi­tés en alsa­cien. Vous ne pour­rez pas vous réfu­gier cette fois-ci der­rière le « c’est pas nous, c’est le gou­ver­ne­ment », car bien que l’on puisse entendre la baisse des dota­tions, c’est vous et vous seuls qui fixez les priorités.

L’identité de l’Al­sace, au sein de cette méga région, doit res­ter une prio­ri­té pour notre département.

Nadia Hoog