Le meeting organisé par le comité de soutien aux « Goodyear » (CGT 68, NPA, PCF 68, SYKP, LDH, MNCP, ATTAC, ATIK) en présence de Michaël Wamen, âme de la lutte des Goodyear, a rempli la salle du Lerchenberg, ce 21 avril à Mulhouse.
Un «meeting»de plus?
La présence en tribune d’une coordination de lycéens, étudiants, jeunes travailleurs, aux côtés du mouvement des chômeurs et précaires, du syndicat CGT d’une très grande entreprise locale (Peugeot) et d’un parti politique (PCF) laissait prévoir des discours et une approche différente de meetings trop souvent «grand messe».
L’intervention de Michaël Wamen a très vite confirmé qu’«il se passe quelque chose dans les profondeurs de ce pays»:
Il a rappelé les peines de plusieurs mois de prison ferme prononcées le 12 janvier contre des ouvriers «coupables» d’avoir défendu l’existence de leur entreprise, grande première depuis des dizaines d’année en France, mais aussi l’annulation des sept plans sociaux précédents de l’entreprise suite aux mobilisations des «Goodyear», à des interventions politiques et administratives, aux contentieux juridiques gagnés.
Il a répété que la suppression d’un site industriel important dans une région où les licenciés ne retrouveraient pas d’emplois était un sinistre social et humain, comme tant de régions et tellement de secteurs d’activités le vivent et l’ont vécu.
Et pointé que le montant des fortunes personnelles de 13 des participants au dernier forum de Davos excède la somme des P.I.B (produit intérieur brut) de plus de cent pays réunis, que cette inégalité inimaginable ne peut qu’être insupportable pour des milliards d’humains à qui est dénié le droit à vivre décemment….
Que les sociétés de reconversion industrielle, de conseil économique, d’expertise financière et de reclassement, mobilisées par les directions d’entreprise dans ces cas de suppressions massives d’emplois n’obtiennent souvent que des résultats dérisoires dans le reclassement de ceux qui perdent leur emploi…
Que le rôle dévolu aux responsables de sites industriels est désormais confiné à la gestion disciplinaire des salariés, sous autorité directe et exigeante d’un pouvoir financier mal localisé et arbitraire.
Il a dénoncé les pressions psychologiques systématiques sur les salariés pour qu’ils acceptent la suppression de leur outil de travail, les conséquences pour leur équilibre personnel, celui de leur famille, voire les risques psychologiques majeurs encourus et les vagues de suicides enregistrés dans ces contextes.
Mais au-delà de l’indignation l’orateur a livré ses analyses des enjeux:
Pour lui ce n’est pas l’impact économique de la fermeture de ce site sur les résultats d’un groupe mondial qui explique l’acharnement patronal.
Il fallait d’abord et avant tout que Goodyear fasse cesser l’humiliation, la ridiculisation de cette multinationale et donc demain d’autres.
Il fallait faire un exemple et démontrer l’inutilité d’une résistance des salariés trop efficace, incompatible avec les règles du jeu mondialisé d’un libéralisme total.
Mickaël Wamen, 37 fois mis à pied, 5 fois mis en examen – dont une fois pour «vol d’une enveloppe»-, mis en garde à vue, condamné par un tribunal correctionnel, qui a vu la section de recherche criminelle d’Amiens débarquer à son domicile en présence de sa famille, a fait le lien avec des éléments factuels du dossier Goodyear pour démontrer l’organisation de provocations, avec la complicité d’instances gouvernementales et de médias, au plus haut niveau.
Il fallait bien une violence ouvrière pour justifier la violence patronale, quitte à inventer la première et à la mettre en scène.
Par ailleurs son analyse du projet de loi El Khomry a eu le mérite d’identifier les objectifs prioritaires recherchés par ce gouvernement et un certain patronat: faciliter les licenciements économiques, ne permettre ni retards ni incertitudes, dans un contexte de mécano financier où désormais chaque seconde (milliseconde) peut permettre un mouvement financier, un gain espéré.
Il s’agit bien désormais d’un enjeu majeur pour des sociétés mondiales qui arbitrent leurs intérêts à ce niveau.
Le reste est là comme «bonus», si ça passe, voire comme appât pour des négociations patronat – syndicats.
Au-delà de la casse économique et sociale, de l’oubli de droits de l’homme fondamentaux, en particulier le droit syndical, de la destruction programmée d’un ensemble de lois protectrices du monde du travail, il faut aussi relever l’importance de son message politique:
Michaël Wamen a énuméré nombre de conflits sociaux en cours, sur tout le territoire, dans le secteur public comme dans le privé, les situations vécues de catégories sociales qui représentent des millions de personnes, des chômeurs et précaires aux étudiants, pour dire l’état d’un pays dont les bornes et repères, la structure, même s’affaissent, l’état d’un pays «qui va crever tout entier».
Il a parlé de« guerre totale» entre «ceux qui broient et ceux qui ne veulent pas être broyés».
Mais il a insisté sur l’importance de «remporter des victoires», de «gagner» et d’abord «pour marquer les esprits».
Il a appelé à l’unité la plus large, sans considération aucune de chapelles ou d’organisations, à la convergence et à la synergie des luttes sans esprit de boutique.
Un mode d’emploi a été proposé: un calendrier et quelques journées de mobilisations totales «tous ensemble», à l’initiative des syndicats principalement – pas ceux qui signent des «accords de merde» a – t – il précisé à de multiples reprises – dans la rue, par la grève en particulier, pour créer un impact médiatique fort, pour expliquer, convaincre, entraîner.
Et de citer évidemment le mouvement «Nuits debout» qui commence de s’organiser aussi à Mulhouse et dans la région, parmi d’autres modes de convergence des luttes et d’expressions démocratique à inventer.
Et les «tous ensemble» ont été repris avec enthousiasme par la salle, debout.
Il a évoqué «un tournant politique, quelque chose de nouveau», le besoin d’une «expression politique a construire sur ces mobilisations» dans le contexte d’un état d’urgence qui n’en finit pas de durer et d’être reconduit sous couvert de lutte «antiterroriste»; il a dénoncé l’illusion d’un Front national «qui n’a jamais eu l’intention de défendre le monde du travail » et «l’enfumage» des primaires.
Il a dit son implication totale dans ce combat, ses rencontres avec les lycéens, les étudiants, les salariés, les retraités, ses déplacements en Espagne – où 8 salariés ont été condamnés à 67 ans de prison cumulés pour leurs actes de résistance (empêcher un avion de décoller).
Il a répété sa détermination totale et sa volonté «d’aller jusqu’au bout».
Nombreux ont été les participants à vouloir le remercier lorsqu’il a quitté la tribune.
Ce n’était pas un meeting de plus!
Christian Rubechi
J’y étais, et j’ai admiré sans réserve le courage et les qualités humaines de cet inlassable combattant de la dignité des travailleurs. Quelques jours auparavant, j’étais à st Amarin à écouter ce qu’Antoine Deltour avait à nous dire des pratiques de la finance mondialisée…Que leur lucidité et leur détermination sans faille soient contagieux, car c’est grâce à eux que nous avons des raisons d’espérer !
Pourquoi laisser un commentaire alors que celui que j’avais posté a disparu? J’ose croire qu’il n’y pas censure?