Le stockage dans l’ancienne mine de potasse de Wittelsheim (près de Mulhouse) de nos déchets ultimes – site unique en France pour ce type de déchets – suite à la fermeture programmée des Mines de potasse d’Alsace (Mdpa) fut présenté comme « impératif national ». L’arrêté d’exploitation du Préfet du Haut – Rhin signé en 1997 a lancé l’opération qui devait permettre également la restructuration économique de bassin potassique.
Les manifestations, actions citoyennes diverses, initiatives de collectivités locales, d’élus, furent nombreuses au cours de ces années pour dénoncer la dangerosité du projet, en particulier les risques de contamination à terme de la plus grande nappe phréatique d’Europe, la nappe rhénane.
Du moins, les représentants du collectif d’associations, avec le soutien des syndicats de mineurs, ont lutté pour que la commission de suivi du site (Clis) reste « le lieu de débat et de consensus » voulu par le décret du 7 février 2012 relatif aux commissions de suivi de site.
Mais désormais la commission du suivi du site de Stocamine n’est plus.
Une bombe à retardement
Lors de sa réunion du 8 juin et suite au refus du préfet d’inscrire à l’ordre du jour deux points demandés par le collège des associations, les syndicats, des élus de la population, les représentants du collège des associations ont quitté la séance.
Le préfet a refusé en effet leur demande d’une expertise indépendante du coût du déstockage total et le chiffrage du coût global du déstockage partiel des déchets incluant les travaux de confinement avec barrages et la surveillance du site à long terme par rapport aux mesures à prendre en cas de pollution de la nappe phréatique, ainsi que le schéma de répartition des responsabilités.
Il est vrai que dans ce dossier la menace confirmée sur la nappe phréatique, le non respect de la loi sur la réversibilité de l’enfouissement des déchets toxiques, la prise en compte réelle des risques par les autorités publiques responsables depuis plus de dix ans, n’ont jamais pesé vraiment dans le débat et les décisions.
Il est vrai aussi que la « bombe à retardement alsacienne » (Antonin Sabot, le Monde du 28/02/2014) mobilise désormais moins l’attention.
Des perspectives lourdes de conséquences
Pourtant les cavités où dorment le mercure, l’arsenic, le cyanure, l’amiante qui constituent les 44 000 tonnes de déchets industriels ultimes non recyclables et hautement toxiques, sont désormais de moins en moins accessibles, des galeries commençant de s’effondrer.
Pourtant les 250 postes sur le site qui devaient être crées ne l’ont pas été.
Pourtant les scientifiques ont souligné les dangers de ce type de stockage.
Pourtant le respect des dispositions légales sur la réversibilité du stockage en cas de nécessité et l’extraction possible des déchets, déjà mises à mal par le trop fameux « amendement Sordi », député maire de Cernay, devient de fait théorique, les parois, le plafond et le sol des galeries se refermant à raison de 2cm par an.
Pourtant, et surtout, le chef de projet de Stocamine pour l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) estime à trois cents ans le délai avant que l’eau ne noie la mine et ne parvienne, chargée d’éléments toxiques, à la nappe phréatique; ce sont 100 000 m³ d’eau rentrent chaque année dans la mine par les parois extérieures des quinze puits.
Le confinement sécurisé par des bouchons de bentonite devant les puits permettrait pour certains experts de retarder de sept cents ans la sortie de la saumure contaminée. Les éléments les plus dangereux, notamment le mercure, « atteindraient alors la nappe phréatique à un débit très faible, à des niveaux de concentration inférieurs aux normes réglementaires (Pierre Toulhoat, directeur scientifique de l’Ineris).
Pourtant le déstockage total des déchets ne devrait pas présenter de risques pour les travailleurs, si l’on en croit Marco Buser, géologue suisse spécialiste reconnu des déchets spéciaux et nucléaires.
Michèle Rivasi, députée européenne en visite sur le site le 15 mars 2015, rappelait qu’outre les mensonges sur la réversibilité du site et sur la nature même des déchets stockés – indiquant qu’on comprenait mal l’incendie de 2002 si les déchets étaient de l’amiante – soulignait que ressortir partiellement les déchets comme l’a décidé récemment la Ministre concernée (les seuls déchets arséniés et mercuriels soit 5% du total, quantité désormais encore réduite puisqu’aux dernières nouvelle les dits déchets « mercuriels » qui ne contiendraient pas de mercure, selon de nouvelles analyses effectuées en 2015 – « miracle de la science » selon le propos d’un responsable du collectif
Chacun comprendra bien sûr que passé le temps des promesses, des semblants de concertation, des expertises réelles, est venu le temps de la brutalité financière et du mépris de nombre de politiques pour des risques potentiels qui ne sont pas à l’horizon de leur prochaine échéance électorale.
….Et surtout l’enfouissement des déchets à Wittelsheim et de trop longs débats pour pallier absolument à ce risque industriel majeur pourrait donner des idées à d’autres collectifs, alimenter la mobilisation citoyenne sur d’autres luttes pour le respect de l’environnement, voire de la planète. On pense évidemment au projet Cigeo de stockage des déchets nucléaires.
44 000 tonnes de déchets
La lutte se poursuit avec l’appui de quelques députés européens et en particulier par rapport aux dispositions de la directive cadre « eau ».
Manifestement les rappels à l’ordre de la Cour des Comptes du 16 juin 2014 qui dénonçait les « graves conséquences de l’attentisme des pouvoirs publics concernant ce centre de stockage » et son chiffrage de «l’inaction des pouvoirs publics » à un minimum de 45 million d’euros fin 2012 compte tenu des frais déjà induites (frais de personnel, charges d’entretien des structures, de la mine…) n’ont pas impressionné un pouvoir politique qui préfère apparemment la solution du déplacement de 15 256 colis puis leur remise en place après en avoir récupéré quelques milliers, selon le pourcentage définitif de déchets à remonter qui sera retenu – 12% aux dernières nouvelles) d’ici 10 ans, terme théorique programmé de l’action.
Incompétence et frilosité politique, obstination technocratique, manipulation de textes légaux, ignorance délibéré des risques majeurs pour les populations en cas de pollution de la nappe phréatique (pas si mais quand…).
Dans leur déclaration du 8 juin de ne plus vouloir se prêter à un simulacre de consultation les membres du collège des associations CSS Stocamine ont dit « ne pas vouloir se rendre complices d’un crime contre les générations futures ».
Ils ont évidemment raison et la mobilisation citoyenne, des deux côtés du Rhin, doit maintenant retrouver toute sa voix, toutes ses voix.
Stocamine est une affaire d’État et même d’États, l’Allemagne étant directement concernée.
Nous ne pouvons pas laisser se refermer les accès aux déchets toxiques qui menacent à terme la nappe phréatique rhénane.
Les 44 000 tonnes de déchets doivent être déstockés en totalité.
Christian Rubechi