Oui …

Majorité de plus de 55% des suffrages pour le projet de transfert de l’actuel aéroport de Nantes vers Notre-Dame-des-Landes, ce dimanche en Loire-Atlantique.

Fin donc possible de l’interminable feuilleton par cette consultation sans pouvoir de décision mais au résultat aussitôt traduit par l’adjudant chef qui fait fonction de premier ministre de la France : exécution, fin de l’occupation de la zone, début des travaux.

Mais…

Comme le précise le communiqué commun des différentes composantes du mouvement anti aéroport « le cadre, le processus et le contenu de cette consultation étaient fondamentalement biaisés. Celle – ci était basée sur une série de mensonges d’État et radicalement inéquitable. Il ne s’agissait pour nous que d’une étape dans la longue lutte pour un avenir sans aéroport à Notre- Dame – des- Landes. Cette lutte se poursuit dès ce soir. Nous savons que les attaques du gouvernement et des pro- aéroport vont se renforcer. De notre côté nous n’allons pas cesser pour autant d’habiter, cultiver et protéger ce bocage. »

Rappelons que le périmètre de la consultation, déterminé arbitrairement par l’État, prive de parole les habitants des très nombreuses collectivités concernées non situées dans le périmètre départemental et dont les habitants auront à contribuer au financement de l’aéroport.

Rappelons aussi l’absence d’informations précises sur les coûts, les impacts, les solutions alternatives à ce transfert.

Rappelons également les conditions d’un débat public de pure forme, les avis de scientifiques ignorés, les manipulations et documents non divulgués (avis de la direction de l’aviation civile – DGAC-, notamment), les nombreux conflits d’intérêts et connivences entre grands groupes et État (Vinci en particulier et la liste, fournie, des anciens hauts fonctionnaires ayant eu à traiter de ce dossier qui sont aujourd’hui au service de sociétés directement impliquées dans ce projet, comme dans d’autres grands projets d’aménagement territorial).

Et n’oublions pas enfin les procédures judiciaires encore en cours (pour non respect d’une directive européenne en particulier)…

Il faut absolument lire Françoise Verchère, ancienne élue locale et opposante résolue au projet qui a détaillé tous les mécanismes de ce qu’elle nomme « la fabrication d’un mensonge d’Etat » http://etatsetempiresdelalune.blogspot.fr/2016/01/un-document-evenement-sur-notre-dame.html

[N.d.l.r à propos du nom du site: vers 1650 Savinien de Cyrano de Bergerac écrivit  « L’autre monde ou les États et Empires de la Lune et les Etats et empires du soleil ». Cyrano – futur modèle de celui d’Edmond Rostand – réussit à monter dans la lune grâce à l’évaporation des gouttes de rosée].

Mais pour la première fois en France des citoyens ont pu se prononcer sur un grand projet d’infrastructure affectant l’environnement, alors même que l’État le déclare d’utilité publique.

Nombre d’autres Grands projets inutiles de ce type sont en cours et contestés par des populations (Lignes à grand vitesse Poitiers – Limoges, Bordeaux – Bayonne, Lyon – Turin, Center Parc….), mais au fil des années (un demi-siècle!…) Notre- Dame- des Landes est devenu une lutte emblématique pour tous ceux qui posent les questions du milieu de vie, de la biodiversité, du respect des équilibres naturels, de l’économie des terres et paysages, de l’extension continue des sols artificialisés quand l’équivalent d’un département disparaît tous les dix ans sous le béton avec des conséquences majeures pour le climat (cf.Jade Lindgaard, Médiapart du 26 juin).

Pourtant…

Hier, à Mulhouse comme dans nombre de villes françaises, quelques militants « écologistes » organisaient sur la voie publique une consultation citoyenne symbolique “pour ou contre l’aéroport” en solidarité avec les organisations qui mènent la lutte depuis des années sur le site de Notre – Dame – des Landes: le « non au transfert de l’aéroport » a été massivement majoritaire.

A Notre – Dame – des Landes, ce qui est en jeu est la redéfinition de l’intérêt général pour qu’il intègre des dimensions devenues fondamentales pour nos sociétés: le rapport à notre milieu de vie, au territoire, à une certaine agriculture productiviste, à l’emprise de la « finance » sur l’aménagement du territoire et, bien sûr, les garanties d’une véritable expression démocratique sur ces enjeux de grands travaux d’infrastructures qui peuvent menacer les équilibres climatiques.

La France des aéroports, des barrages, des autoroutes inutiles, du mépris de l’environnement et du climat, des équipements géants de tourisme, du chantage à l’emploi induit pour justifier des grands travaux, la destruction de terres protégées, l’ignorance des expertises qui dérangent, la complaisance de médias qui assimilent « Zadiste » et « casseurs », le développement d’intérêts financiers de grands groupes et leur osmose avec un État déconsidéré, a-t-elle donc triomphé ?

Dimanche 26 juin les habitants de Loire – Atlantique ont dit oui à ce référendum, et l’écologie comme la démocratie ont perdu une bataille.

Mais la cause de l’environnement et celle de l’intérêt général ont déjà gagné.

C.R.