On com­mence à connaître TAFTA, cet accord entre les USA et l’Union Euro­péenne qui se négo­cie en toute opa­ci­té et qui devrait, dans les années à venir, mettre en cause des normes en vigueur qui auraient des réper­cus­sions néga­tives dans le domaine envi­ron­ne­men­tal, social et démo­cra­tique dans les pays euro­péens. Mais l’issue de ces négo­cia­tions est encore loin­taine entre autres car une par­tie de la popu­la­tion dans les pays euro­péens et aux USA se mobi­lisent contre cet accord.

On connaît moins CETA, un accord entre le Cana­da et l’Union euro­péenne qui reprend 80% des dis­po­si­tifs TAFTA et qui devrait être signé par la Com­mis­sion euro­péenne en octobre prochain.

Le pro­ces­sus en cours

En 2013, l’UE et les États-Unis ont enta­mé des négo­cia­tions en vue de conclure un accord de par­te­na­riat trans­at­lan­tique sur le com­merce et l’investissement ou TAFTA. Ce serait l’un des accords de libre-échange et de libé­ra­li­sa­tion de l’investissement les plus impor­tants jamais conclus, repré­sen­tant la moi­tié du PIB mon­dial et le tiers des échanges commerciaux.

Plus de 3 mil­lions de per­sonnes ont signé « Ini­tia­tive Citoyenne Euro­péenne auto-orga­ni­sée » contre le TAFTA et le CETA (accord EU/Canada).

Mais déjà entre mai 2009 et sep­tembre 2014, l’Union euro­péenne (UE) et le Cana­da ont négo­cié un accord de libre-échange du même type, l’Accord éco­no­mique et com­mer­cial glo­bal (AECG, en anglais “CETA”).

Au même titre que le pro­jet de “Par­te­na­riat” trans­at­lan­tique actuel­le­ment en cours de négo­cia­tion entre les Etats-Unis et l’UE (TAFTA/PTCI), et que l’Accord de par­te­na­riat trans­pa­ci­fique (PTP/TPP), le CETA/AECG est un accord com­mer­cial et d’investissement dont les négo­cia­tions se sont dérou­lées dans une par­faite opacité. 

Loin des regards des peuples euro­péens et cana­diens, la Com­mis­sion euro­péenne, au nom des 28 Etats membres de l’UE, et le gou­ver­ne­ment cana­dien sont sur le point de scel­ler cet accord. Confor­mé­ment aux vœux des lob­bies des mul­ti­na­tio­nales qui en sont à l’origine, il vise à déman­te­ler toute forme de “bar­rière au com­merce et à l’investissement” afin de “flui­di­fier” les échanges entre les deux rives de l’Atlantique.

Plus concrè­te­ment, il s’agit de :

sup­pri­mer les der­niers droits de douane entre les deux zones éco­no­miques, notam­ment dans l’agriculture ;

– “har­mo­ni­ser” les régle­men­ta­tions des deux côtés de l’Atlantique, ce qui se tra­duit bien sou­vent par l’assouplissement maxi­mal des lois et des normes qui pro­tègent la san­té publique, les tra­vailleurs, les consom­ma­teurs ou encore l’environnement ;

confé­rer des droits excep­tion­nels aux mul­ti­na­tio­nales afin d’assurer la mise en œuvre effec­tive, voire aller au-delà des deux objec­tifs précédents.

Comme les autres accords en cours de négo­cia­tion, le CETA/AECG est un pro­jet d’accord de libre-échange pilo­té par les lob­bies indus­triels et finan­ciers nord-amé­ri­cains et euro­péens qui voient dans toute régle­men­ta­tion exis­tante ou future un obs­tacle à leurs affaires. Et ce sont nos modes de vie, nos choix démo­cra­tiques et la capa­ci­té des Etats et des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales à pro­té­ger notre san­té, notre envi­ron­ne­ment et nos droits qui sont mena­cés par ce pro­jet d’accord.

Élar­gir la mobilisation

Depuis 2014, les zones hors TAFTA se sont mul­ti­pliées par­tout en Europe : le mou­ve­ment est par­ti­cu­liè­re­ment actif en Alle­magne, en Autriche et en Bel­gique. De nom­breuses mani­fes­ta­tions y sont orga­ni­sées par­fois impres­sion­nantes comme le 10 octobre 2015 à Ber­lin où une foule de 250.000 per­sonnes exi­geaient l’arrêt des négo­cia­tions tant avec les États-Unis qu’avec le Cana­da. Une autre mani­fes­ta­tion d’envergure s’est dérou­lée à Hanovre lors de la visite du pré­sident US Barack Oba­ma qui est venu « vendre » une signa­ture rapide de l’accord lors de sa tour­née européenne.

De nom­breux ras­sem­ble­ments ont eu lieu en France éga­le­ment et un mou­ve­ment de villes qui se déclarent « hors TAFTA » a pris une cer­taine dimension.

En Alsace citons les villes de Kay­sers­berg, Mans­pach , Soultz et Rie­di­sheim pour le Haut-Rhin et de Bisch­willer (docu­ment dis­po­nible ici) et Saales pour le Bas-Rhin. Cette liste est cer­tai­ne­ment incom­plète mais nous sou­hai­tons qu’elle se ral­longe au mieux grâce à nos lec­teurs qui pour­ront s’inspirer de la déli­bé­ra­tion d’une de ces communes.

La région Wal­lo­nie vient de prendre un déli­bé­ré inter­di­sant au gou­ver­ne­ment belge de rati­fier l’accord et se déclare éga­le­ment zone hors CETA.

Ces déci­sions sont impor­tantes pour faire pres­sion sur les « experts » qui négo­cient mais sur­tout pour évi­ter une signa­ture en cati­mi­ni de l’accord CETA (avec le Cana­da donc) en octobre pro­chain. Car avec cet accord, il serait presque inutile d’avoir un autre avec les USA. En effet, les mul­ti­na­tio­nales US pour­raient très bien pas­ser par le Cana­da pour béné­fi­cier de la sup­pres­sion de normes sociales, envi­ron­ne­men­tales et démo­cra­tiques pour faire leurs affaires. D’où la cam­pagne menée par le mou­ve­ment asso­cia­tif euro­péen sur le thème « blo­quons le Che­val de Troie ».

Se décla­rer « hors TAFTA » ne suf­fi­ra mal­heu­reu­se­ment pas pour ne pas en subir les effets. Car un accord euro­péen s’applique auto­ma­ti­que­ment sur tout le ter­ri­toire sans qu’un pays, une région, une ville puisse y déroger.

Douze orga­ni­sa­tions de la socié­té civile viennent de lan­cer une péti­tion pour deman­der à Fran­çois Hol­lande de mettre un terme aux accords trans­at­lan­tiques CETA et TAFTA.

Dans le contexte pré­sent, il importe de par­ti­ci­per mas­si­ve­ment à cette péti­tion. Vous pou­vez la signer à : https://france.attac.org/se-mobiliser/le-grand-marche-transatlantique/article/tafta-ceta-demandez-a-francois-hollande-de-mettre-un-terme-aux-accords

Il reste pour­tant un sérieux pro­blème à résoudre : la mécon­nais­sance de l’existence même de l’accord CETA et la proxi­mi­té de sa signa­ture. Il n’y a donc pas de temps à perdre. Tous ceux qui ont conscience que CETA est tout aus­si catas­tro­phique que TAFTA pour notre ave­nir devraient en faire une prio­ri­té dans la série de mobi­li­sa­tions en cours.

Jean-Jacques Grei­ner

Petite expli­ca­tion concer­nant les sigles:

Le pro­jet de par­te­na­riat trans­at­lan­tique entre l’Union euro­péenne et les États-Unis est appe­lé Taf­ta (Trans­at­lan­tic Free Trade Agree­ment), PTCI (Par­te­na­riat trans­at­lan­tique de com­merce et d’investissement), TTIP (Trans­at­lan­tic Trade and Invest­ment Part­ner­ship ) ou encore grand mar­ché trans­at­lan­tique selon les langues utilisées.

L’accord entre l’Union euro­péenne et le Cana­da est appe­lé AECG (Accord éco­no­mique et com­mer­cial glo­bal) ou Ceta (Com­pre­hen­sive Eco­no­mic and Trade Agreement).

A noter :

L’Alterpresse68 a invi­té Paul-Emile DUPRET conseiller du groupe de la gauche unie du par­le­ment euro­péen pour une émis­sion « Un autre son de cloche » enre­gis­trée dans les locaux tech­niques du par­le­ment à Stras­bourg. Cette émis­sion peut être écou­tée ici.