« Personne ne quitte sa maison à moins que sa maison ne soit devenue la gueule d’un requin. Tu ne cours vers la frontière que lorsque toute la ville court également, avec tes voisins qui courent plus vite que toi. » (Warsan Shire, poétesse somalienne).
Une quarantaine de militants associatifs du collectif Urgence Welcome, des citoyens, ainsi que quelques étudiants réfugiés de Syrie, rassemblés ce vendredi 30 juin devant les marches du Temple Saint Jean, place de la Réunion à Mulhouse, pour renouer avec la tradition des « Cercles de silence[1] » mensuels.
Mais il ne s’agit plus désormais d’exprimer par le silence indignation ou compassion quant aux conditions de demandeurs d’asile retenus en Centres de rétention : la gravité des situations vécues par les personnes déplacées, réfugiés, demandeurs d’asile, les dizaines de milliers de noyades en Méditerranée, le quadruplement des demandes d’asile depuis 2013 au sein de l’Union européenne (1,2 million en 2015) entraînent un changement majeur d’échelle et de conséquences humanitaires.
Ainsi pour les quelques 360 000 Syriens, le quadruplement des Afghans, la multiplication par sept des Irakiens en demande de la protection de l’Union européenne – dont plus de 80 000 personnes sollicitant l’asile en France et 567 primo – arrivants demandeurs d’asile en 2015 dans le Haut – Rhin – les mesures d’accueil en hébergement, mesures d’accompagnement et d’enregistrement des demandes, la persistance de campements indignes, sont elles totalement insuffisantes.
La nécessaire solidarité des citoyens
Dans une Europe frileuse la France ne respecte même pas ses engagements dans ces domaines et oublie trop souvent les Conventions internationales qu’elle a pourtant signées…et la sous – traitance de ces questions à des partenaires comme la Turquie n’est pas une réponse.
Avec leurs mots les participants au Cercle de parole ont dit tout cela ce vendredi : « la solidarité est nécessaire », « la société civile est puissante quand elle se mobilise », « nous répondons plus vite et mieux que des administrations dépassées et inconséquentes », « en Allemagne les conditions d’accueil et les procédures administratives sont connues et efficaces, pas chez nous », « des élus locaux commencent à se mobiliser et nous les en remercions », « en France c’est le foutoir administratif pour tous ceux qui ont besoin d’allocations sociales, réfugié ou pas », « la recherche de boucs émissaires dans notre société est inacceptable « , « les citoyens sont accueillants, le gouvernement non » « en Italie des pêcheurs n’osent plus sortir en mer, ils ne veulent plus remonter des filets avec des cadavres dedans »…
Ils ont pointé les incohérences de réglementations kafkaïennes qui n’ont d’autres finalité que de décourager, d’éviter toute intégration et notamment par le travail (le cas cité de ces parents obtenant un titre de séjour provisoire au titre de la santé et des soins nécessaires en France mais interdits de travail dans l’immédiat….et ils ont des enfants).
Des propositions de participants aussi : « favoriser une liberté de circulation, « certains arrivent mais d’autres veulent repartir » « reparler du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, promesse électorale oubliée comme tant d’autres », « construire une vraie politique de l’accueil », « mettre en place un plan national d’accueil global des exilés assurant leur prise en charge dès leur arrivée (logement, soins, accompagnement social) » « faciliter la délivrance de visas dans le pays de départ pour les candidats à l’asile en France, en Europe, pour éviter des drames et ne plus favoriser les réseaux de passeurs »…
Le relais par les pouvoirs publics de cette dynamique d’accueil et de solidarité, au – delà de la gestion de crise de court terme, est désormais demandé pour que ces demandeurs d’asile soient pris en compte comme il se doit : ce sont nos futurs concitoyens et nous construirons avec eux une société commune.
Appel d’air, invasion ? Plus de 2 millions d’habitants en Alsace pour … 1900 demandeurs d’asile en 2015, très souvent qualifiés, compétents, motivés pour s’intégrer.
Il y aura d’autres cercles de paroles et le prochain est déjà fixé (1er août au même endroit à 17h).
Pour tous les participants l’heure est à une mobilisation accrue et élargie. Les appels à la mobilisation des bénévoles et des salariés d’associations doivent être à la hauteur des enjeux : que cessent les drames humanitaires et que notre société soit plus ouverte et solidaire.
De la même poétesse quelques autres vers lus par un des participants : « Et personne ne quitte sa maison à moins que ta maison ne te chasse vers le rivage, à moins que ta maison ne dise à tes jambes de courir plus vite, de laisser tes habits derrière toi, de ramper à travers le désert, de traverser les océans, noyé, sauvé, avoir faim, mendier, oublier sa fierté. Ta survie est plus importante ».
C.R
[1] [N.D.L.R.]Le mouvement des cercles de silence a été lancé en 2007 pour « protester contre l’enfermement systématique des sans-papiers dans les centres de rétention administrative en France ». Les participants se retrouvent (en général un soir par mois) pour observer une heure de protestation silencieuse, disposés en cercle sur une place publique. Le mouvement revendique 180 cercles. Mais ici, à Mulhouse, les participants ont voulu tenir un « cercle de parole », l’indignation silencieuse n’est plus suffisante…