Les « élites » élues ne savent plus où elles vont, même en matière de transport. Comme à chaque rentrée, la question du financement des transports scolaires ressurgit. Cette année plus encore que les précédentes, ça part dans tous les sens. Mais il n’y a pas grand monde, hélas, pour emprunter la voie du bon sens élémentaire qui consisterait à instaurer la gratuité.
Les Mulhousiens ont nagé dans le bonheur
Il y a un an, en août 2015, « M+ », l’hebdo municipal mulhousien, s’émerveillait : « Heureux collégiens et lycéens mulhousiens ! Pour la deuxième année consécutive, la Ville prend en charge 60% du coût de l’abonnement annuel tram et bus Soléa pour les collégiens et lycéens de moins de 22 ans ». « M+ » précisait : « 5 000 jeunes ont bénéficié l’an passé de la mesure qui fait passer l’abonnement total de 180€ à 72€ ».
Si on comprend bien, le « bonheur » des collégiens et lycéens mulhousiens date de la rentrée 2014. Leurs familles économisaient alors 108€ par enfant. Est-ce qu’elles payaient ces 108€ avant 2014 ?…
Et est-ce que la séance du conseil M2A (l’agglomération mulhousienne) du 24 mars 2016 a mis fin à ces deux ans de « bonheur » ? Oui, si on en croit Denis Rambaud, chargé des transports de M2A, qui a affirmé lors de cette séance : « les 11 000 jeunes de l’agglomération seront traités de la même manière » (« L’Alsace » du 26 mars 2016). Officiellement, les conseillers M2A ont décidé d’ « homogénéiser » les tarifs. Une « homogénéisation » en forme de régression, puisque, pour 700 familles réparties dans plusieurs communes de M2A, il sera exigé le paiement d’un abonnement annuel de 183 euros (de 180€ on est passé à 183€) pour chaque enfant. Alors que, jusqu’ici, l’élève bénéficiait de tickets gratuits pour se rendre dans son établissement scolaire. Ces nouvelles exigences – auxquelles échapperaient une quarantaine de ces 700 familles – ont été sèchement notifiées aux intéressées en juin dernier par courrier. Et tant pis si cela doit faire des dégâts dans des budgets modestes.
Certes, cet abonnement annuel donne un droit de circulation illimité sur tout le réseau Soléa pour le jeune qui en est titulaire, qu’il se contente, ou non, de l’utiliser en période scolaire pour se rendre dans son établissement. Mais il s’agit là d’une forme de vente forcée – peut-être aussi un moyen pour tenter de réduire la fraude ? – qui permet de renflouer un peu les caisses de Soléa d’un montant d’environ 110 000 euros au détriment de ces 700–40 = 660 familles.
À quand un abonnement Soléa « Pass Poupon » ?!
110 000 euros ?! Un montant dérisoire au regard de la dette énorme du budget transport de M2A (plus de 120 millions d’euros) dont, bien sûr, les édiles mulhousiens évitent soigneusement de parler. Serait-ce cette dette qui les rend dingues ? Il y a un an, ils se sont déjà couverts de ridicule en décidant de « [revoir] la gratuité du transport pour les enfants [qui est passée] de 6 à 4 ans ». (« M+ » du 27 août 2015)… A quand l’abonnement Soléa « Pass Poupon » exigible dès la sortie de la maternité ?!
Tout récemment, on vient de découvrir que contrairement à ce qu’a affirmé Denis Rambaud au conseil M2A de mars dernier, l’ « homogénéisation » des tarifs pour les 11 000 jeunes concernés dans l’agglo s’arrêterait en réalité à la frontière de la ville centrale… C’est ce que laisse apparaître un article paru dans « L’Alsace » du 27 août 2016 où une mère d’élève de Morschwiller-le-Bas se plaint de devoir payer plus de deux fois le tarif mulhousien.
Est-ce que, par ses propos ambigus, l’élu responsable des transports voulait cacher aux résidents des autres communes que seuls les jeunes de Mulhouse continuent de nager dans le « bonheur » en ne payant que le tarif réduit de l’abonnement annuel ?… C’est à dire qu’ils ne paieraient que 73,20€ (on est passé de 72 à 73,20€) au lieu des 183€ exigés des non-Mulhousiens ?…
Et il n’y a pas que les élus de la ville de Mulhouse qui font n’importe quoi : il faut savoir en effet que le 24 mars dernier la totalité (moins une abstention, quand même) des conseillers M2A a voté cette mesure d’ « homogénéisation » qui n’en serait pas une. Y compris les représentants des 15 communes où résident les 660 familles qui ont à y perdre. La liste de ces 15 communes (sur un total de 33) qui ont le sens du sacrifice n’a évidemment pas été rendue publique. Et il est probable que lorsque des décisions allant dans le sens de la gratuité ont été prises il y a quelques années, l’unanimité requise par le Président de séance a aussi été globalement respectée… (voir à ce sujet les propos de Pierre Freyburger décrivant pour L’Alterpresse68 le fonctionnement de M2A et les méthodes de son président, J.M. Bockel).
Le Département 68 serait un havre de gratuité
Mais réjouissez-vous braves gens : quand c’est le Département du Haut-Rhin qui établit les tarifs, miracle, c’est totalement gratuit pour les collégiens qui ont recours aux transports scolaires. C’est du moins ce qu’on apprend à la lecture d’un article des « DNA » du 18 juin 2016. En dépit de la « crise », le CD 68 et son Président seraient parvenus en effet à sauver l’essentiel : « Malgré les contraintes budgétaires, le Département a maintenu la gratuité du transport scolaire pour les collégiens. Les familles de lycéens bénéficient d’un soutien à hauteur de 65% du montant total [des frais engagés]. » Il suffit d’en faire la demande (de préférence avant le 30 juillet) sur le site internet de la collectivité présidée par E. Straumann.
Mais alors, quand on habite Mulhouse et son agglomération, pourquoi se coltiner toutes les mesquineries, augmentations et exceptions imaginées par le Président Bockel et ne pas profiter des largesses du Président Straumann ?… En fait, la générosité de ce dernier ne s’étend pas sur tout le territoire du Haut-Rhin : en bon communicant, il a « oublié » de préciser que votre demande de soutien financier au Département n’aboutira que si vous n’habitez pas dans l’agglomération mulhousienne ou colmarienne. La raison : ces agglos ont exigé d’obtenir la maitrise du transport scolaire qu’elles ont confié à leur société spécialisée respective, Soléa et Trace (le même cas de figure se présente dans le Bas-Rhin pour les agglos de Strasbourg, Haguenau/Schweighouse et Sélestat).
En principe, au regard de la législation, le transport des collégiens et des lycéens est une charge qui incombe au Département. Mais, joyeuseté d’une décentralisation inadaptée, il a fallu légalement contourner la loi (!). Afin de prévenir d’éventuels conflits et réguler le dispositif, le Département et l’agglo mulhousienne ont été invités à signer une convention en septembre 1993. C’était exigé par la réglementation : il fallait transposer localement (c’est à dire sous le niveau départemental d’abord envisagé par la loi) les termes du Code de l’Education pour définir les modalités et les montants du subventionnement transférés à l’autorité qui reçoit délégation pour la gestion du transport scolaire. En raison, notamment, des modifications incessantes des périmètres de diverses baronnies, cette convention de 1993 passée entre le Département et l’agglo mulhousienne a dû être corrigée plusieurs fois.
Au bout de 20 ans, en juillet 2013, on en est au 5ème avenant (ce document est ici). On y rappelle que : « le Conseil Général verse annuellement une dotation forfaitaire à M2A qui permet aux élèves de bénéficier sur le réseau Soléa d’une carte de libre circulation à tarif réduit (abonnement Pass Junior). Soléa continue par ailleurs à appliquer la gratuité sur son réseau scolaire Tribus aux collégiens de moins de 16 ans domiciliés à plus de trois kilomètres du collège ». Comme quoi, le « bonheur » de certains collégiens mulhousiens pouvait être antérieur à l’année 2014, contrairement à ce que laisse entendre le numéro d’août 2015 de « M+ ». Mieux : ce « bonheur » a même débordé largement débordé dans le passé le périmètre de la ville de Mulhouse pour atteindre d’autres communes de M2A.
Une générosité inscrite dans la règlementation
Un autre passage de l’avenant de juillet 2013 mérite attention : « Cette dotation [celle que verse annuellement le Département à M2A] sélevait à 1 084 313,49 € pour lannée 2012. Elle est indexée sur la population scolaire urbaine et les taux d’actualisation des marchés départementaux. » Quelques lignes plus loin, on apprend que pour compenser la prise en charge (nouvelle) des secteurs de Lutterbach, Habsheim et Brunstatt, M2A recevra annuellement près de 230 000 euros supplémentaires.
En 2013, M2A a donc encaissé plus de 1,3 million d’euros en provenance du Département pour financer les déplacements des collégiens de l’agglo mulhousienne. Mieux : les termes de la convention de 1993 contraignent le Président Straumann à faire preuve, année après année, d’une générosité constante à l’égard du Président Bockel. En effet, le Code de l’Education prévoit que « soit assurée la compensation intégrale des moyens nécessaires à l’exercice de la compétence transférée ». Le dispositif prévoit même une indexation automatique qui tient compte du nombre d’élèves, de l’inflation et de l’évolution des coûts demandés par les entreprises départementales de transport.
Autrement dit – une fois transférées – les sommes que le Département consacraient à assurer la gratuité du transport pour les collégiens dans un secteur donné doivent suffire à assurer la même gratuité dans le même secteur une fois que ce dernier est pris en charge par M2A. Bref, le Code de l’Education a été rédigé pour faire en sorte que les élèves et leur famille ne soient pas victimes de discriminations suite aux sautes d’humeur, choix arbitraires et autres querelles de pouvoir des petits barons de territoires générés par la décentralisation.
La digue n’est plus efficace. Pourquoi ?
Mais, sous la pression idéologique du système, ces petits barons se sont vus en concurrents et ont agi comme tels, renforçant ainsi les tares de la logique libérale. Tant et si bien qu’aujourd’hui, dans le Haut-Rhin comme dans d’autres départements en France, la fragile digue administrative bidouillée par le législateur ne joue pratiquement plus son rôle.
Dans le 68, au point où on en est, des questions concrètes se posent :
Est-ce que le Président Bockel favorise la ville dont il a été le maire au détriment d’autres communes de M2A ?…
Ne réussissant pas, néanmoins, à sauver la gratuité pour les collégiens de sa zone d’influence, est-ce que ses talents de gestionnaire sont vraiment à la hauteur de ceux du Président Straumann qui réussit, lui, avec des moyens équivalents, à accorder cette gratuité sur son champ d’intervention ?…
Ou est-ce qu’il faut voir dans la manière très particulière de déterminer les tarifs au sein de M2A un effet de la dette considérable qui plombe le budget transport ?…
Ou est-ce que le Président du Département ne verse plus à M2A toutes les sommes prévues par la convention de 1993 et ses avenants ?… Le Département reçoit-il toujours, d’ailleurs, ces sommes en provenance de l’État dans le cadre de la dotation de décentralisation mise en place dans les années 80 ?…
Ou est-ce que les deux Présidents ont convenu de n’en faire qu’à leur tête en s’asseyant sur les règles d’équité, certes adoptées d’un commun accord, mais terriblement désuètes pour des libéraux forcenés qui voudraient « oublier » que « le service des transports scolaires constitue (…) un service public administratif dont l’accès est soumis au respect du principe d’égalité », comme le rappelle un texte officiel ?…
Il va falloir que ces questions leur soient posées fortement et collectivement pour que les deux Présidents daignent y répondre…
Du Département à la Région
Un pro de la com’ sait qu’il ne faut pas s’embarrasser de détails. « L’Alsace » du 26 août 2016 cite E. Straumann : « Pas d’économie dans l’éducation ! » proclame-t-il fièrement, en ajoutant crânement : [et ce] en dépit d’une baisse de dotation de l’État d’un montant de 14 millions d’euros ».
Il s’exprimait en présence de la Rectrice d’Académie (celle de Strasbourg), en visite médiatique de rentrée, le 25 août, au collège de Lutterbach. L’auteur de l’article de « L’Alsace » entretient la confusion en ajoutant : « la gratuité des transports scolaires est maintenue dans le Haut-Rhin jusqu’à ce que cette compétence passe à la nouvelle région Grand Est ». S’agit-il là aussi d’une citation des propos d’E. Straumann qui tiendrait à se présenter comme le Président généreux de tous les élèves haut-rhinois, ceux des villes (qu’il n’aide plus) comme ceux des champs ; ceux des collèges comme ceux des lycées (qu’il aide moins) ? La rédaction de l’article ne permet pas de le savoir.
Toujours est-il qu’en vertu de l’application de la loi NOTRe, d’ici quelques mois, c’est le Président de la région Grand-Est qui va hériter de la gestion du transport de tous les collégiens et de tous les lycéens. On n’ose pas imaginer qu’Eric Straumann se réjouisse à l’idée de refiler le mistigri à P. Richert… En tout cas, voilà le Roi du Grand-Est quasiment contraint de prévoir à son budget scolaire de quoi faire aussi bien que le baron du Département du Haut-Rhin. Lequel a quand même réussi à garantir pour l’année 2016–2017 la gratuité complète du transport des collégiens dans les zones rurales du 68 (mais pas celle des lycéens). Et il n’est pas le seul, dans le Grand-Est, à avoir réussi cette performance.
Sachant que la gratuité n’est plus garantie dans de nombreuses agglos (comme la mulhousienne et la colmarienne). Sachant d’autre part que dans le domaine du transport des lycéens de fortes disparités existent d’un territoire ou d’un département à l’autre (mais en général sans gratuité complète), comment s’y prendre pour faire passer sous la responsabilité du Grand-Est, sans accrocs, l’intégralité du dispositif et ses incohérences ?
Combien de conventions va devoir signer P. Richert ? Va-t-il seulement en signer ? Et, si oui, va-t-il jouer les forçats du stylo en les signant territoire par territoire, agglo par agglo, catégorie d’élèves par catégorie d’élèves ?! Pour l’instant, il s’accroche comme il peut à ses préceptes et méthodes centristes en déclarant mollement, à l’occasion de la rentrée qu’il a effectuée flanqué de deux Recteurs(1) : « Pas d’harmonisation à marche forcée ! »… Du moins pas tout de suite : il faut éviter de gêner son favori Sarkozy avant l’élection de mai 2017.
F. Bierry, Président du CD du Bas-Rhin, est, lui, plus enclin que son homologue haut-rhinois à aller au-devant des desiderata inavouables du Président du Grand-Est. Sans état d’âme particulier, F. Bierry vient en effet de décider de supprimer la gratuité des transports scolaires pour les catégories d’élèves bas-rhinois où elle était encore en vigueur, collégiens compris. Peu lui chaut les effets de sa décision sur le budget déjà ratatiné de certaines familles, comme le souligne un article paru début juillet 2016 sur le blog de l’Union des Etudiants Communistes Strasbourg (UEC Strasbourg) et repris par la « Feuille de chou » : « Transport scolaire payant pour les collégiens : une nouvelle attaque contre l’égalité » (un autre article, paru dans « Rue89 Strasbourg » donne des détails sur les conséquences financières de la mesure pour les familles).
La gratuité ? C’est pas gagné !
En renonçant provisoirement à « l’harmonisation à marche forcée », P. Richert a concédé également que si la compétence des transports scolaires passe à la grande région au 1er janvier 2017 « les façons de fonctionner seront intégralement respectées » (« L’Alsace » du 3 septembre 2016).
S’il devait tenir sa promesse, le Président de la grande région assumerait donc à partir du 1er janvier 2017 le subventionnement de la gratuité là où elle aura été maintenue jusqu’à cette date par les anciens gestionnaires (en général des départements, des agglos ou des communes). Pour combien de temps ? Un an ou deux, laisse-t-il entendre, façon implicite de reconnaître qu’il est hors de question pour lui de pérenniser la gratuité là où elle est actuellement en vigueur (notamment dans deux départements sur les dix de la grande Région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine).
On ne peut pas s’en étonner quand on connaît le profil idéologique du personnage, ses façons de faire et l’encadrement politique strict dont il fait l’objet : au sein du bureau exécutif du Grand Est qui contient 4 personnes au total, et où quasiment tout se décide, on lui a imposé la présence de deux membres éminents de la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy : Jean Rottner (Maire de Mulhouse) et Valérie Debord (Porte parole des Républicains). Il a intérêt à bien se tenir.
Le « Canard Enchaîné » a signalé dans son édition du 10 août 2016 que – sous la pression de gouvernement et de la direction de la SNCF qui limitent les moyens – P. Richert, en accord avec le Premier ministre, a décidé d’ « anticiper les directives européennes » et « d’ouvrir les lignes régionales à la concurrence ». Le Grand-Est va donc s’efforcer de jouer un rôle d’avant-garde en matière de privatisation du rail. Une ambition, on en conviendra, pas vraiment compatible avec la défense du concept de gratuité des transports en commun.
S’agissant de ce concept, il faut reconnaître qu’il est mal, mollement, ou pas du tout défendu. Et pourtant, dans le cas qui nous occupe ici, revendiquer la gratuité totale relève autant du bon sens élémentaire que de l’application de valeurs fondamentales touchant à l’éducation et à l’avenir de la jeunesse. On notera, d’ailleurs, que même les politiciens de droite ci-dessus cités ont mauvaise conscience : ils présentent encore la gratuité des transports scolaires plus ou moins comme une bonne chose. Peut-être que l’article 13 de la constitution de 1946 : « La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture » hante encore quelques esprits ?
Et, soulignons-le encore une fois, cette revendication de gratuité totale des transports scolaires relève du bon sens élémentaire quand on voit la pagaille qui règne actuellement et le cortège d’injustices qu’elle provoque. P. Richert – comme d’ailleurs ses homologues des autres régions françaises – pourrait pratiquer « l’harmonisation à marche forcée » dans des délais très brefs et probablement sans rencontrer de sérieuses résistances chez les usagers s’il décide d’instaurer la gratuité complète de tous les transports scolaires(2), dans tous les secteurs et pour toutes les catégories d’élèves.
Pour cela, il faudrait, bien sûr, au minimum, une mobilisation d’une partie des plus concernés, à savoir les usagers et leur famille. Pratiquement, cela ne semble pas très compliqué : il suffirait que des familles s’organisent pour refuser de payer. Idéologiquement, c’est moins évident, tant l’imprégnation des croyances libérales est forte. Les valeurs qui dominent l’article 13 de la constitution de 1946, tout comme celles qui sous-tendent le Code de l’Éducation se sont estompées et ne pourront réapparaître dans les esprits que sous l’effet de luttes collectives. Des luttes qui ne pourront prendre de l’ampleur que si les mystifications libérales sont fortement et régulièrement dénoncées. Non ! L’austérité n’est pas une solution et n’est pas nécessaire. Oui ! Les moyens existent(3).
Chez les élus, majoritairement, une forte opposition à la revendication de gratuité est prévisible : en « responsabilité », dans leur fonction, ils se sentent obligés de gérer l’austérité en hommes et femmes « responsables »… Sans compter qu’idéologiquement, au-delà de la revendication de gratuité de tous les transports scolaires, ils voient poindre, effrayés, les rouges et les partageux qui vont revendiquer l’extension du champ de la gratuité à de nombreux domaines. Ce qui, pour beaucoup d’élus (mais pas que), représente un risque de fragilisation d’un système économique auquel, finalement, ils tiennent beaucoup.
C’est si vrai que même les élus locaux amenés à suivre de près l’organisation des transports en communs ne reconnaissent que rarement que le prix payé par l’usager compte peu. C’est le financement public qui joue un rôle important. Par recherche d’une plus grande rationalité dans la gestion, depuis toujours. Pour préserver l’environnement, depuis quelques années.
Qui sait que le département du Bas-Rhin, par exemple, a financé jusqu’ici 92% du coût du transport scolaire ?(4) Qui sait que ce pourcentage de financement public correspond à peu près à celui que consentent la plupart des collectivités qui ont pris en charge ce service public ?
Qui sait que le billet payé par l’usager des transports en commun locaux (disponible pour toute la population) ne finance en moyenne que 18% du coût global, hors région parisienne ? L’usager d’Ile de France paie, lui, un peu plus en achetant son billet ou son abonnement, puisque cela permet de couvrir environ 25% du coût global de son transport.
Mais ne divulguez pas trop ces données, par compassion pour les élus qui espèrent, par leur grande discrétion sur le sujet, conjurer le retour des soviets.
B. Schaeffer
Le 5 septembre 2016
Notes :
1) La Rectrice de l’Académie de Strasbourg et le tout nouveau Recteur du « Grand Est » sont sur la photo ; apparemment les deux autres recteurs manquaient à l’appel. Ont-ils au moins une excuse ?
2) Masseret, le candidat socialiste aux dernières élections régionales avait mis en avant dans son programme la gratuité complète des transports scolaires dans le Grand-Est. Il a même chiffré sa promesse : entre 45 et 60 millions d’euros sur la totalité de la durée du mandat. Élu au conseil régional, il devrait donc bien accueillir les familles revendiquant la gratuité qui lui demanderaient un soutien. Mais on sait ce que valent les promesses socialistes… Pour citer deux exemples de plus : la première secrétaire du PS Haut-Rhinois, la mulhousienne Cléo Schweitzer, élue du Grand-Est sur la liste Masseret, est aussi conseillère M2A. On ne l’a pas entendue quand, le 24 mars 2016 (voir ci-dessus), le conseil M2A a décidé une régression en matière de transport scolaire. Répétons-le : cette mesure a été votée à l’unanimité moins une abstention : celle d’un conseiller communautaire M2A de Wittenheim (il n’est pas au PS et s’oppose à son maire). Quant au maire de Wittenheim, le socialiste Antoine Homé, élu lui aussi sur la liste Masseret à la grande région, vice-président de M2A, il a accepté, comme Cléo Schweitzer, la décision d’augmentation des tarifs pour 660 familles.
3) Voir à ce sujet les actions conduites entres autres par le CP68 pour suggérer un financement de la gratuité des transports : Gratuité = Très Haut Niveau de Service ! (septembre 2013) ; Dettes publiques et gratuité des transports (mai 2013) ; Nouvelle atteinte à la gratuité des transports scolaires (en 2012, le CG68, qui était alors présidé par Charles Buttner, avait envisagé de supprimer la gratuité, mais y a finalement renoncé). Ces articles sont parus dans la catégorie « dette publique » de la revue A CONTRE COURANT. Un autre type de financement est à trouver dans la lutte contre la fraude fiscale. Voir l’article : En Alsace, des élus locaux tétanisés face aux délinquants fiscaux (paru récemment dans L’Alterpresse68).
4) Pour le Bas-Rhin, comme dit dans l’article, cela vient de changer, puisque F. Bierry va prélever 2,8 millions d’euros dans la poche des parents d’élèves pour l’année 2016–2017, abaissant ainsi le pourcentage en charge du Département autour de 85%. Richert l’a sûrement remercié, tout comme il peut remercier d’autres collectivités de la grande région qui viennent aussi d’anticiper ses souhaits.
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