Photographies de Martin Wilhelm
Des militants mulhousiens organisaient le 18 octobre à 16 heures devant la fontaine de la place des Victoires, leur mobilisation pour une hausse des salaires, ainsi que la défense du droit constitutionnel de grève. Ils répondaient ainsi à un appel national.
On y a compté jusqu’à 350 personnes, dont notamment des représentants de la CGT, FO, FCPE, FSU, UNSA, FA, Sud éducation, le syndicat étudiant CSTE, La voix lycéenne, le NPA, et quelques gilets jaunes.
Ils étaient plus de 1500 à Strasbourg. Entre 110 000 et 300 000 manifestants au niveau national.
On y luttait pour défendre le pouvoir d’achat, la retraite, lutter contre la précarité sociale, ou encore dénoncer le sort matériel des étudiant-es.
La manifestation, déclarée en préfecture comme statique, s’est muée en marche revendicative d’environ 45 minutes à travers les rues de la ville.
De la « manifestation non déclarée » à la chasse aux « meneurs »
Puisque le rassemblement s’est transformé en « manifestation non déclarée », une procédure a été engagée à l’encontre de deux garçons considérés par la police et le journal L’Alsace comme des « meneurs », lesquels seront déférés prochainement devant le tribunal judiciaire.
Compte tenu nos observations, le réflexe de la jeunesse et des manifestants fut spontané, et ne constituait en rien une atteinte ou menace à l’ordre public.
Il se trouve que l’organisateur n’a pas pensé à déclarer son rassemblement en manifestation (plutôt qu’en rassemblement statique), ne serait-ce que pour permettre à une partie des participants de s’exprimer librement en formant un cortège.
La liberté de manifestation est un droit fondamental en France. Pourtant, elle tombe sous les coups d’une loi scélérate, qui oblige chaque organisation manifestante à une déclaration préalable en préfecture ou en mairie.
Ainsi que le rappelle « Amnesty International », le droit international rappelle que le droit de manifester ne devrait pas être soumis à autorisation préalable, car devoir demander une autorisation pour manifester ses opinions a un effet dissuasif trop fort et limite donc l’exercice de cette liberté fondamentale.
Les manifestations sur la voie publique sont donc présumées légales. Mais le droit français joue sur les mots.
Une manifestation n’a pas besoin d’être autorisée pour être légale, mais sa déclaration est quant à elle obligatoire. Et puisque cette déclaration est d’ordre public, et détermine l’autorisation de manifester, son absence (bien que la loi soit silencieuse à ce sujet !), rend la manifestation factuellement illégale…
Au demeurant, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 affirme, dans son article 11, que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Sans que la manifestation soit expressément citée dans cet article, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 4 avril 2019, considère que le « droit d’expression collective des idées et des opinions » découle de l’article 11.
En conséquence, le droit de manifester est un droit fondamental, qui ne devrait donc pas faire l’objet d’une « autorisation ».
Pourtant, sans le sésame déclaratoire, l’organisateur d’une manifestation s’expose aux effets de l’article 431–9 du Code pénal, qui punit de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende :
- le fait d’avoir organisé une manifestation sur la voie publique n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration préalable
- le fait d’avoir organisé une manifestation sur la voie publique ayant été interdite dans les conditions fixées par la loi
- le fait d’avoir établi une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur l’objet ou les conditions de la manifestation projetée
C’est sans doute ce dernier aspect qui sera objet d’incrimination sur ces deux jeunes manifestants…
Mise à jour du 26 octobre : Le syndicat « CSTE » et « La voix lycéenne » nous font savoir qu’aucun de leur militant n’a été arrêté.