Nous publions ici le second volet d’un article plus appro­fon­di consa­cré au Nica­ra­gua, après celui consa­cré à l’é­mer­gence du comi­té haut-rhi­nois, créé à Lut­ter­bach dans les années 80. Cet article est paru ori­gi­nel­le­ment dans la revue men­suelle Pour l’Emancipation Sociale d’octobre 2016 – n° 27. 

Alors que les ori­gines des inéga­li­tés sociales dans le monde remontent à l’aube des civi­li­sa­tions, le capi­ta­lisme et l’impérialisme n’ont rien fait pour les jugu­ler, si ce n’est l’inverse. Seuls des pro­grès sociaux, impo­sés ici et là, auront per­mis durant les 60 der­nières années de réduire tant soi peu les criants man­que­ments, prin­ci­pa­le­ment dans le domaine sanitaire. 

Pre­nons l’espérance de vie à la nais­sance dans le monde : celle-ci s’est accrue depuis 1950. Tan­dis que les femmes et les hommes nés au début de cette décen­nie pou­vaient espé­rer vivre en moyenne 46,9 ans, celles et ceux nés entre 2005 et 2010 peuvent atteindre en moyenne l’âge de 68,7 ans : une avan­cée de plus de 20 ans. Les popu­la­tions des régions en déve­lop­pe­ment ont vu leur espé­rance de vie aug­men­ter net­te­ment : de 41,6 ans dans les années 1950 à 67 ans aujourd’hui, soit un peu plus de 25 années.

Mais les moyennes ne comblent pas les dis­pa­ri­tés de classe. Dans les pays riches, on peut vivre deux fois plus long­temps que dans les pays pauvres : 82,7 ans au Japon contre 44 ans en Sier­ra Leone. La France est par­mi les plus éle­vés avec 80,9 ans. Pour­tant les dis­pa­ri­tés de classe quel que soit l’hémisphère fera la dif­fé­rence. Au sein même de ces pays riches, ces der­nières années laissent appa­raître un recul de cette lon­gé­vi­té, notam­ment en France… 

Pen­chons-nous sur le Nica­ra­gua (Amé­rique Cen­trale), réper­to­rié « moyen » entre les plus et les moins confor­tables en termes de taux de mor­ta­li­té. Selon l’Organisation Mon­diale de la San­té (OMS) en 2015, l’espérance de vie à la nais­sance sera de 78 ans pour les femmes et 72 ans pour les hommes. Le taux de mor­ta­li­té infan­tile (TMI) (1) est de 19,65/1000, alors qu’il est de 4 en France ; « hono­rable », com­pa­ré à l’Angola : 96 pour mille !! L’Afrique est en effet le conti­nent dont la souf­france sani­taire et sociale demeure catastrophique ! 

De l’alternance poli­tique à l’alternance sociale

Au pays des vol­cans (2), le retour de Daniel Orte­ga (FSLN) (3) à la pré­si­dence de la répu­blique en 2006 a per­mis des évo­lu­tions posi­tives en termes de poli­tique de san­té. Pour preuve : en 2000, l’espérance de vie à la nais­sance (H & F) était de 68,4 ans, et le TMI de 34,8/1000.

Lorsque D. Orte­ga et les san­di­nistes quit­tèrent le pou­voir en 1990 pour le lais­ser aux libé­raux, ceux-ci creu­sèrent à nou­veau un fos­sé béant des inégalités. 

Pen­dant que les Etats-Unis sub­ven­tionnent ses agri­cul­teurs à des niveaux record, la doc­trine impo­sée au Nica­ra­gua a été celle du rigou­reux mar­ché libre. Exemple avec l’a­gri­cul­ture : l’ample réseau de coopé­ra­tives créées durant la révo­lu­tion (1979 à 1990) s’est effon­dré, dû à l’impossible com­pé­ti­ti­vi­té en l’absence d’ac­cès aux cré­dits, aux coûts de pro­duc­tion sans cesse crois­sants et au gel ou à la chute des prix… Jus­qu’en 2000, le café était la prin­ci­pale source de devises étran­gères du pays, du XIX° siècle à la révo­lu­tion. La migra­tion vers les villes qui en a résul­té n’a fait qu’exa­cer­ber les pro­blèmes sociaux… 

En 2002, des cen­taines de familles de pay­sans appau­vries ont cam­pé le long des routes durant des mois pour deman­der du tra­vail. A Mata­gal­pa – la 4ème cité du pays et la capi­tale du café – des niveaux de mal­nu­tri­tion ont été fatals… Depuis, 56 % de la popu­la­tion sur­vit en ville (ou en bidonville).

Les hôpi­taux étaient habi­tuel­le­ment dépour­vus des médi­ca­ments essen­tiels (au sens de l’OMS) et les soins n’étaient plus gratuits.

L’école n’étant plus gra­tuite non plus, la déser­tion s’était extrê­me­ment accrue. Les nom­breux reculs sociaux ont consti­tué une stag­na­tion du TMI durant toutes ces années.

Les drogues sont doré­na­vant un fait majeur et abor­dable, du crack peut être ache­té dans la rue pour 1 dol­lar. Les délits mineurs sont com­mis presque tou­jours en rela­tion avec la drogue. Drogues et dis­sol­vants se sont trans­for­més en mode de vie pour une par­tie d’une jeu­nesse dés­œu­vrée… Les néo­li­bé­raux doivent cer­tai­ne­ment admi­rer leur esprit entre­pre­neur tan­dis que les néo-conser­va­teurs approuvent sans doute la pas­si­vi­té induite par les drogues. 

Et cete­ra, et cetera… 

En 2006, le taux d’analphabétisme était remon­té à 35 % dans les cam­pagnes et à près de 20 % dans les villes, alors qu’il avait chu­té à moins de 6 % en 1990. Rap­pe­lons qu’en 1979, lorsque Somo­za fut chas­sé, le TMI dépas­sait 40/1000 et que plus de la moi­tié de la popu­la­tion ne savait ni lire, ni écrire. 

A tra­vers l’ALBA (4) et l’important sou­tien du Vene­zue­la, D. Orte­ga a donc déci­dé de s’attaquer à la pau­vre­té en menant des pro­grammes socio-pro­duc­tifs et de micro­cré­dits pour sti­mu­ler l’économie fami­liale et des petits pro­duc­teurs. Ont aus­si été pro­gram­més la cam­pagne Faim zéro et la construc­tion de loge­ments… Orte­ga a aus­si fixé des condi­tions cadres per­met­tant aux grands pro­duc­teurs et aux entre­prises en tous genres d’investir dans le pays (5). Il a déve­lop­pé les infra­struc­tures, en par­ti­cu­lier dans le domaine de l’énergie, des télé­com­mu­ni­ca­tions et des routes. Actuel­le­ment, plus de 80 % de la popu­la­tion ont accès à l’électricité. La dépen­dance au pétrole est pas­sée de 80 % à moins de 40 %, grâce à des pro­jets géo­ther­miques et hydro-élec­triques et, dans les cam­pagnes, pho­to­vol­taïques. Par ailleurs, l’Etat tente de recréer une cohé­rence du sys­tème de san­té : tout en béné­fi­ciant du sec­teur pri­vé, il a déve­lop­pé un sys­tème de pré­voyance pour les sala­riés, gar­dé et redy­na­mi­sé le sec­teur public et gra­tuit, auquel 60 % de la popu­la­tion a recours. Il a ren­du l’éducation publique gratuite…

Les don­nées économiques

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S’il fal­lait cari­ca­tu­rer la poli­tique éco­no­mique et sociale du FSLN, elle serait ana­logue à la sociale démo­cra­tie : com­battre petit à petit les inéga­li­tés sociales (mais sans reva­lo­ri­sa­tion sala­riale notable), choyer le patro­nat et être le bon élève du FMI et de la Banque Mondiale. 

5ème éco­no­mie de l’isthme centre-amé­ri­cain, le Nica­ra­gua (129 000 km²) repré­sente 7,1 % du PIB de la région, avec 12,3 Mds de dol­lars en 2015, et près de 15 % de sa popu­la­tion : 6,3 mil­lions. Le pays a main­te­nu, depuis les années 2000, un taux de crois­sance annuel proche de 4 % (soit le plus éle­vé de l’isthme). Pour 2016, les pré­vi­sions tablaient sur le main­tien d’un rythme éle­vé de crois­sance autour de 4,5 %. Les trans­ferts des migrants (vivant aux Etats-Unis) ont atteint 1,1 Mds de $ (9,3 % du PIB), et « com­pensent » l’évasion fis­cale dont le taux est d’importance simi­laire. La dette publique repré­sen­tait 44,3 % en mars 2016. La consom­ma­tion a repré­sen­té 78,9 % du PIB en 2015, loin devant les inves­tis­se­ments : 30,3 %. Rap­pe­lons que le pays de San­di­no béné­fi­cie de Petro­ca­ribe (6). Mal­gré ces avan­cées, le Nica­ra­gua demeure le 2ème pays le plus pauvre du conti­nent et des Caraïbes der­rière Haï­ti, en termes de PIB/habitant : 1 965 $/2015 (36 248 $ par fran­çais) (7). Plus de la moi­tié de la popu­la­tion vit sous le seuil de pau­vre­té et le chô­mage affecte 7,8 % des tra­vailleurs (8). Le sec­teur agri­cole repré­sente 15 % du PIB, tout en étant la 1ère indus­trie à l’export (sucre, café, conserves de pois­son et de pro­duits de la mer…). Le tou­risme méri­te­rait de se déve­lop­per car le pays est magni­fique, acces­sible aux petites bourses, et le moins violent de la région.

L’indispensable soli­da­ri­té

Sans la soli­da­ri­té, le Nica­ra­gua serait cruel­le­ment retar­dé dans le domaine de la san­té, que cela soit en termes de pro­grès tech­nique, de moyens humains et bud­gé­taires ou d’accès au droit à la san­té pour tous et toutes. A cette fai­blesse, il est essen­tiel de rap­pe­ler que la région est habi­tuel­le­ment vic­time d’ouragans, d’inondations, d’éruptions vol­ca­niques, par­fois de séismes et conti­nuel­le­ment de chan­ge­ments cli­ma­tiques. En 2014, la séche­resse a pri­vé les popu­la­tions de récoltes béné­fiques. Ces catas­trophes natu­relles sanc­tionnent tout type de pro­grès maté­riels, (mais pas moraux, les nicas sont d’un tem­pé­ra­ment opti­miste et com­ba­tif), elles aggravent la pau­vre­té et la vul­né­ra­bi­li­té des ter­ri­toires sinistrés.

En 2015, le bud­get du Minis­tère de la San­té (Min­sa) s’élevait à 9 % du PIB, dont l’essentiel est par­ta­gé entre 4 types d’hôpitaux : l’hôpital public, gra­tuit, l’hôpital pour les patients cou­verts par une pré­voyance, l’hôpital pri­vé (à Mana­gua) ; ultra­mo­derne, équi­pé des tech­niques les plus per­for­mantes et d’un per­son­nel au top – à faire pâlir nos hôpi­taux fran­çais – et dont la clien­tèle est prin­ci­pa­le­ment nord-amé­ri­caine ; para­doxe décon­cer­tant per­met­tant une source de devises. Enfin, l’hôpital mili­taire, inau­gu­ré en 2014, lui aus­si ins­tal­lé à la capi­tale, accueille les mili­taires et les patients lambda.

Mais seules les grandes villes en pos­sèdent un, soit 6 ou 7 au total. Les villes plus petites béné­fi­cient uni­que­ment d’un « centre de san­té », d’une petite cli­nique, équi­pée par­fois d’un simple bureau et d’une petite salle de soins, en prin­cipe gra­tuit. Le Nica­ra­gua détient 1 méde­cin pour 2 700 hab. (1 pour 300 en France et 1 pour… 50 000 en Tanzanie).

La soli­da­ri­té pro­vient de divers hori­zons géo­gra­phiques et ins­ti­tu­tion­nelles : ONU (Unes­co, PNUD (9), des Etats, des ONG : les cari­ta­tives, celles dites tiers-mon­distes, les comi­tés de sou­tien « poli­ti­sés » (en très net recul), etc. Celle-ci emprunte diverses contri­bu­tions : aides finan­cières, maté­riels médi­caux divers, médi­ca­ments, soignants…

Après la décen­nie des res­tric­tions bud­gé­taires dans les ser­vices de san­té, d’é­du­ca­tion et d’aide sociale, les com­mu­nau­tés de base et les ONG ont repris une bonne par­tie de ces tâches. Leurs actions sont finan­cées avant tout par la soli­da­ri­té internationale. 

La soli­da­ri­té, la ten­dresse entre les peuples (10)

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Mais nombre d’entre elles n’ont pas aban­don­né les « oubliés » de la crois­sance pour autant. Par exemple, le Comi­té de Sou­tien au Nica­ra­gua 68 (CSN), qui, depuis 32 ans, s’investit pour appor­ter toute l’aide selon ses moyens dans des pro­jets, qui furent aus­si divers que variés les 10 pre­mières années. Depuis 19 ans, le CSN sou­tien l’ONG nica­ra­guayenne Pro­sa­lud (lit­té­ra­le­ment « Pour la San­té »). Un pro­jet de san­té ini­tié et co-déve­lop­pé par Antoon Bon­gaerts, méde­cin belge, ins­tal­lé au pays de San­di­no depuis 1984, par altruisme et par amour pour cette région et ses habitants.

Pro­sa­lud est fon­dé en 1997, dans la conti­nui­té de l’engagement en 1990 d’Oxfam Bel­gique. Sa mis­sion et ses prin­cipes géné­raux : pro­mou­voir le droit inté­gral aux soins de san­té de qua­li­té et de droits égaux pour la popu­la­tion défa­vo­ri­sée ; payables par tous – hor­mis celles et ceux qui sont dans l’incapacité ; com­plé­men­taire au sys­tème public ; inté­grer les dif­fé­rents pro­jets dans les mêmes ter­ri­toires. Dans ce but l’ONG déve­loppe une forte ins­ti­tu­tio­na­li­té, met sur pied des modèles de soins de san­té alter­na­tifs, en alliance avec des par­te­naires ayant la même approche, en com­plé­ment au sys­tème de san­té public et en col­la­bo­ra­tion avec les com­mu­nau­tés villageoises.

Mis­sion Prosalud

Durant les pre­mières années, l’ONG avait bâti une casa mater­na (mai­son mater­nelle) à Ciu­dad Dario – ville jume­lée alors avec Lut­ter­bach (68) depuis 1985. Depuis, la mis­sion a décu­plé. Doré­na­vant, Pro­sa­lud a deux poly­cli­niques (à C. Dario & Ter­ra­bo­na). L’ONG a éga­le­ment aujourd’hui 101 points de vente de médi­ca­ments, bap­ti­sés phar­ma­cie sociale, répar­tis sur deux dépar­te­ments, cou­vrant un poten­tiel de 500 000 per­sonnes et tenus par des bénévoles. 

Les dif­fé­rentes missions : 

- Pro­gramme médi­ca­ments essen­tiels : au nombre de 150 médi­ca­ments, 40 à 60 % moins chers que les tarifs en phar­ma­cie com­mer­ciale, auto­suf­fi­sance budgétaire. 

- Les poly­cli­niques : pour une por­tée de plus de 50 000 habi­tants ; qua­li­té et digni­té humaine ; ser­vices inté­graux, notam­ment en soins den­taires, etc. ; fonds d’aides aux plus pauvres ; auto­suf­fi­sant à 80 %. Le but n’est pas de concur­ren­cer le Min­sa, bien au contraire, l’association tra­vaille avec le ser­vice public et d’autres ONG, afin de répar­tir, de coor­don­ner, de par­ta­ger les connais­sances et les moyens quant à cou­vrir au maxi­mum les ter­ri­toires concernés.

- Les mala­dies chro­niques : groupes d’entraide pour patients chro­niques, avec accom­pa­gne­ment médi­cal com­plé­men­taire (dia­bète, asthme, car­diaques…) ; édu­ca­tion à la san­té des jeunes…

- Pré­ven­tion et contrôle contre le can­cer du col de l’utérus : groupes d’entraide, notam­ment dans les vil­lages éloi­gnés ; for­ma­tion à l’éducation sexuelle et à la contraception…

- Pro­jet Cora­zones Uni­dos pour enfants han­di­ca­pés : prise en charge ambu­la­toire ; aides tech­niques ; diag­nos­tique, consul­ta­tions ad-hoc, médi­ca­tion ; chi­rur­gie ; groupes de parents et sen­si­bi­li­sa­tion au sein de la communauté.

- Pro­jet Fun­da-Men­tal ; sou­tien aux malades men­taux : prise en charge psy­cho­so­ciale et psy­cho­thé­ra­peu­tique ambu­la­toire ; indi­vi­duel­le­ment ou en groupe ; pré­ven­tion et édu­ca­tion par la for­ma­tion ; recru­te­ment d’un psychologue…

- Prise en charge socio-éco­no­mique de patients TBC (tuber­cu­lose, lèpre des mon­tagnes) vivant dans une misère extrême dans les contrées éloignées. 

- A cela s’ajoutent la lutte indis­pen­sable contre les patho­lo­gies cli­ma­tiques ou de la misère : mala­ria, chi­kun­gu­nya, dengue, zika, sida, choléra…

Mais la tâche est rude, les popu­la­tions les plus dans le besoin sont sou­vent celles qui sont les plus éloi­gnées, dans les cam­pagnes, et donc des struc­tures sociales. De plus, les moyens bud­gé­taires de l’Etat, lar­ge­ment insuf­fi­sants, freinent les ambi­tions sani­taires et sociales. La réus­site du pro­jet Pro­sa­lud dépend de l’accès aux soins, aus­si les com­mu­nau­tés de base des vil­lages et des quar­tiers par­ti­cipent acti­ve­ment aux for­ma­tions, pré­ven­tions, dépis­tages, sou­tiens, sen­si­bi­li­sa­tions, béné­vo­lat… En com­plé­ment, la for­ma­tion et l’accompagnement de cen­taines de sages femmes, de pro­mo­teurs de san­té, d’infirmiers sont concré­ti­sés depuis 1997.

Une nou­velle cli­nique est qua­si opé­ra­tion­nelle, salles de soins, d’accouchement (les femmes mettent habi­tuel­le­ment au monde à domi­cile), salle de for­ma­tion, labo, café­té­ria… Enfin, les deux poly­cli­niques ont fait l’acquisition d’un véhi­cule pour le trans­port des malades.

Sou­te­nir Prosalud

De la créa­tion d’une modeste Casa mater­na à un large éven­tail aujourd’hui, épau­lé par des dizaines de béné­voles et de pro­fes­sion­nels d’une part et d’autre part, grâce à la sen­si­bi­li­sa­tion des ONG à l’étranger, qui durant des décen­nies ont œuvré pour une soli­da­ri­té dans la durée, l’accès au droit à la san­té a per­mis à des mil­liers de patients et patientes durant près de 20 ans de béné­fi­cier de soins, cepen­dant que l’Etat n’est pas en capa­ci­té à l’assumer, en par­ti­cu­lier pour les pro­blèmes liés aux han­di­caps ou aux mala­dies men­tales. Cela, grâce aux sou­tiens du Comi­té Nica­ra­gua de Lom­mel (Bel­gique), de la Fon­da­tion Damien, du CALJ, et plus modes­te­ment du CSN (11) et de nom­breuses asso­cia­tions, alors que les besoins se chiffrent pour 2017 à 105 000 euros. 

Un FSLN néoconservateur

Reste une entorse de taille au droit à la san­té et à la sécu­ri­té phy­sique, psy­chique et morale des femmes. L’avortement est consi­dé­ré comme une infrac­tion pénale en toute cir­cons­tance. Le nou­veau Code pénal de 2008 pré­voit de longues peines d’emprisonnement pour les femmes et les ado­les­centes qui tentent l’IVG. La pri­son existe encore pour les pro­fes­sion­nels de la san­té qui pra­ti­que­raient cette IVG. Se pose aus­si un grave pro­blème légal pour l’accès aux soins obstétricaux (…). 

En 2014, la Consti­tu­tion du pays a été modi­fiée, per­met­tant au pré­sident Orte­ga de se repré­sen­ter indé­fi­ni­ment ! Les pro­chaines élec­tions géné­rales (pré­si­den­tielles, légis­la­tives, muni­ci­pales) se tien­dront début novembre. En pole posi­tion : D. Orte­ga, can­di­dat à sa suc­ces­sion ; son épouse Rosa­rio Murillo, au poste de vice-pré­si­dente (rôle qu’elle s’est déjà appro­priée offi­cieu­se­ment). Selon les der­niers son­dages d’opinion, le couple jouit de la sym­pa­thie et de l’approbation de plus de 70 % des votants. Ain­si, après trois man­dats du com­man­dante Daniel, et tout comme aux pré­cé­dentes échéances, celui-ci béné­fi­cie d’un plé­bis­cite. Pour le conser­ver, trois axes sont défi­nis : agir pour une poli­tique sociale consé­quente ; entre­te­nir des liens étroits avec l’Eglise (de Rome) ; assu­rer le capi­tal pri­vé et res­pec­ter à la lettre les direc­tives du FMI et des créan­ciers. Tra­duc­tion : une poli­tique sociale-démo­crate sans démo­cra­tie poli­tique ; mépris des reven­di­ca­tions fémi­nistes, éco­lo­giques et envi­ron­ne­men­tales, assu­jet­tis­se­ment des syn­di­cats de tra­vailleurs, répres­sion pour toutes contes­ta­tions poli­tiques et sociales, etc.

Somo­za père & fils consi­dé­raient le Nica­ra­gua comme leur pro­prié­té, usant d’un pou­voir dic­ta­to­rial tyran­nique. On ne peut pas en dire autant du couple Orte­ga. Pour­tant, asseoir son pou­voir sur des « tra­di­tions » obs­cu­ran­tistes en maniant effi­ca­ce­ment la carotte et le bâton, de pré­fé­rence à vie, relève bien d’un conser­va­tisme cau­dilliste. Par ailleurs, les sectes reli­gieuses pul­lulent dans tout l’hémisphère, les sur­en­chères entre toutes ces sectes et celle de Rome brillent par leur conser­va­tisme rétro­grade et réac­tion­naire, influen­çant clai­re­ment la poli­tique pré­si­den­tielle. On est très loin de l’esprit de la théo­lo­gie de la libération.

(1) Défi­ni­tion de Taux de mor­ta­li­té infan­tile : l’indicateur donne le nombre de décès de nour­ris­sons de moins d’un an dans une année pour 1 000 nais­sances vivantes. Ce taux est uti­li­sé comme un des para­mètres du niveau de san­té dans un pays.

(2) Pas moins de 25 vol­cans (en acti­vi­té inter­mit­tente) se répar­tissent sur toute la sur­face ouest du Nica­ra­gua, de la fron­tière nord à la fron­tière sud.

(3) FSLN : Front San­di­niste de Libé­ra­tion Natio­nale. Celui-ci ren­ver­sa le dic­ta­teur Anas­ta­sio Somo­za le 19 juillet 1979, après 42 années de régime des­po­tique et tyran­nique : Somo­za père, puis fils.

(4) Alliance Boli­va­rienne pour les Amé­riques : Cuba, Vene­zue­la, Boli­vie, Nica­ra­gua, la Domi­nique, Anti­gua-et-Bar­bu­da, Equa­teur, Saint-Vincent-et-les-Gre­na­dines, Sainte-Lucie, Saint-Chris­tophe-et-Nié­vès et la Gre­nade (dans l’ordre d’adhé­sion) plus deux États membres obser­va­teurs : Haï­ti et le Suri­name. Le Hon­du­ras en a été exclu après le coup d’Etat qui ren­ver­sa le pré­sident Manuel Zelaya en 2009.

(5) En tout genre et n’importe com­ment : le capi­tal chi­nois – qui pour son propre compte – construit un canal inter­océa­nique, qui doit détruire et expro­prier (voir le n°13 d’avril 2015 de votre revue préférée).

(6) Petro­ca­ribe : pétrole véné­zué­lien qui per­met de finan­cer les achats de pétrole à des condi­tions avan­ta­geuses ; envi­ron 4,7 Mds $ depuis 2008 sous forme de prêts conces­sion­nels pri­vés à long terme non inclus dans l’endettement de l’Etat, soit une moyenne de 500 Mil­lions $ par an qui a ten­dance à bais­ser, comme en 2015 avec 340 Millions.

(7) Pour une com­pa­rai­son rai­son­nable, il convient de prendre en compte le coût de la vie : mul­ti­plier par 4 le Pib nica­ra­guayen ou divi­ser le Pib français.

(8) Notam­ment sans allo­ca­tion-chô­mage et avec la moi­tié des femmes dont le « des­tin » demeure « l’animation du cercle fami­lial », les taux de deman­deurs d’emploi res­tent aléatoires.

(9) Pro­gramme des Nations Unies pour le Développement.

(10) Dixit Tomàs Borge, cofon­da­teur du FSLN en 1961 avec Car­los Fon­se­ca, mort en avril 2012 à l’âge de 82 ans.

(11) Comi­té Nica­ra­gua Lom­mel : CC De Adel­berg, Adel­berg­park 1, 3920 Lom­mel ; toon.jansen@lommel.be. Comi­té Amé­rique Latine Jura : http://www.lecalj.com/le-calj/ le CSN 68 : nicaragua68@laposte.net

Source : les 3 comi­tés cités ci des­sus, le FMI, l’Observatoire des inéga­li­tés, l’OMS.

Jano Celle le 26 octobre 16.