A l’initiative de plusieurs dizaines de députés, organisés autour de Sylvain Maillard (député LREM), 8 députés alsaciens soutiennent une résolution visant officiellement à renforcer la lutte contre l’antisémitisme, en tendant à confondre, autant que faire se peut, antisémitisme et antisionisme.
Il s’agit de Martine WONNER, Thierry MICHELS, Bruno STUDER, Bruno FUCHS, Jacques CATTIN, Éric STRAUMANN, Frédéric REISS et Antoine HERTH.
Il parait évident que la percée des forces nationaliste s’accompagne partout en Europe d’une poussée de la xénophobie, du racisme et de l’antisémitisme. Si l’immense majorité des français voient dans les Juifs nos parfaits égaux, certains continuent à partager des préjugés à leur égard, y compris en se prévalant, indûment, de la critique antisioniste.
De sorte que l’on recense plusieurs centaines d’actes de violences antisémites, et la mort de onze citoyens français de confession juive depuis 13 ans.
Si le combat contre l’antisémitisme et contre le racisme doit être mené continument avec force, des politiciens en profitent cependant pour instrumentaliser ces problèmes, en menant un jeu dangereux. Hypothéquant sans scrupule les règles les plus élémentaires de la démocratie, et le respect du droit international, pour satisfaire toutes sortes de calculs ou d’arrière-pensées.
Ainsi le député Maillard. Il est président du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur l’antisémitisme, et vice-président du groupe d’amitié France- Israël.
Il participait le 28 mai 2019, avec les députés Meyer Habib et Claude Goasguen, à une réunion avec le président du Conseil régional de « Samarie ». Appellation officieuse, qui renvoie de fait à la désignation des colonies qu’occupent illégalement l’État d’Israël, en territoire Cisjordanien, c’est-à-dire palestinien, en dépit du respect du droit international. Ce que la France condamne pareillement depuis 1967.
Après une première tentative avortée le 18 février, Maillard est désavoué par Macron, et critiqué par Richard Ferrand, Président de l’Assemblée nationale, pour qui : « Prendre une loi qui pourrait laisser entendre que critiquer la politique d’Israël pourrait être assimilé à un délit va poser des problèmes, (créer une) discussion interminable qui, à la fin, pourrait nuire à la juste cause qu’est la lutte contre l’antisémitisme. » Ajoutant : « notre arsenal législatif est tout à fait au point »
Volte-face le surlendemain de la part de Macron, au dîner du CRIF, qui annonce que la France va « appliquer » la définition de l’antisémitisme adoptée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (AIMH), dont des « exemples » douteux font valoir que « l’antisémitisme peut se manifester par des attaques à l’encontre de l’État d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive. Cependant, critiquer Israël comme on critiquerait tout autre État ne peut pas être considéré comme de l’antisémitisme. »
Exemple d’autant plus douteux qu’Israël est devenu en juillet 2018 un « Etat-Nation juif », et un « foyer national du peuple Juif » par sa loi fondamentale (alors que le pays ne possédait pas jusqu’alors de constitution), aux dépens de la minorité arabe de citoyenneté israélienne (20%) et de certaines normes démocratiques.
Conséquence immédiate de l’application de la résolution en droit français : comment dès lors critiquer la « collectivité juive » qu’est devenue officiellement Israël, sans être condamnable pour fait d’antisémitisme ?
Pourra-t-on librement affirmer ou rappeler que cet État occupe et colonise depuis plus de cinquante ans des territoires conquis par la force, en violation d’une multitude de résolutions de l’ONU, sans être susceptible de tomber, là encore, sous le coup de la loi ?
Sylvain Maillard n’en démord pas, et soumet à nouveau son texte « visant à lutter contre l’antisémitisme », le 26 mai. L’exposé des motifs attribue notamment la hausse des actes antisémites à l’expression de « l’antisionisme ». Le seul article que comporte la résolution vise à faire la promotion de la « définition » de l’AIMH, que nous évoquions plus haut, et qu’il « approuve sans réserve ».
Dans son rapport 2018, voici ce qu’écrivait à ce propos la Commission nationale consultative des droits de l’Homme:

Le débat sur le texte prévu le 29 mai a été pour le moment reporté.
Mais il reviendra bientôt à nouveau sous la forme d’une simple résolution non contraignante (sinon une proposition de loi), qui risque à tout le moins d’alimenter une jurisprudence potentiellement menaçante pour la liberté d’expression.
Faut-il rappeler aux députés alsaciens, comme à tous les autres, que nous ne sommes pas disposés à nous laisser bâillonner au profit d’une poignée de moralistes cyniques, cautionnant les pires exactions de politiciens israéliens irresponsables et pyromanes !
D’autant plus depuis l’adoption de la loi fondamentale de juillet 2018 en Israël, qui ouvre la voie à des politiques racistes, suprémacistes et discriminatoires à l’égard des palestiniens.
Mais jusqu’à quand, Messieurs et Mesdames les député-e‑s, sera-t-il permis aux ressortissants du « pays des droits de l’Homme » de pouvoir l’écrire librement ?