Que n’a‑t-on entendu durant les manifestations contre la loi Travail contre les organisations syndicales s’opposant au projet ! La presse quasi-unanime, toutes formes confondues, avait annoncé que la CGT, trop revendicative et donc incomprise des salariés ( !) perdrait sa place de première organisation syndicale française au profit de la si sage et compréhensive CFDT qui allait récolter l’adhésion unanime du monde du travail. 

Pata­tras, une fois encore, les augures se sont trom­pées : après les élec­tions dans les très petites entre­prises dont les résul­tats viennent de tom­ber, la CGT reste, et de loin, la pre­mière orga­ni­sa­tion syn­di­cale dans les TPE.

Avec 25,12 des suf­frages, la CGT a donc été pla­cée en tête par les sala­riés des TPE (très petites entre­prises) qui avaient été appe­lés à voté durant la pre­mière quin­zaine de jan­vier 2017. Suivent la CFDT avec 15,49%, talon­née par Force Ouvrière (13,01%), puis l’UNSA (12,49% +5%), la CFTC (7,44% +1), la CGC (3,38% +1).

Dans ce qu’on appelle le « Grand Est », avec un taux de par­ti­ci­pa­tion un peu plus éle­vé qu’au plan natio­nal, la CGT est éga­le­ment en tête avec 21,63% des suf­frages expri­més, la CFDT seconde avec 16,36% et FO, avec 13,34% est devan­cé par l’UN­SA avec ses 13,89%. La CFTC, quant à elle, fait un score plus impor­tant que sur le plan natio­nal, avec 13,10%.

Faible par­ti­ci­pa­tion, recul des trois grandes confédérations

A part, les « petits » syn­di­cats (UNSA, CFTC, CGC) qui pro­gressent, aucune autre orga­ni­sa­tion n’a pour­tant de quoi pavoiser.

La CGT se féli­cite certes de res­ter à sa place, mais elle recule de 4% par rap­port aux élec­tions pré­cé­dentes. Dans sa décla­ra­tion, elle le recon­naît impli­ci­te­ment : « Ces résul­tats confèrent de grandes res­pon­sa­bi­li­tés à la CGT, qui, forte de ce résul­tat, réaf­firme son enga­ge­ment auprès des sala­riés des TPE pour, avec eux, exi­ger des avan­cées réelles en matière sociale. La CGT mesure les efforts de déploie­ment à réa­li­ser pour mieux repré­sen­ter les sala­riés des TPE, leur don­ner plus de place encore dans le syn­di­ca­lisme CGT, le syn­di­ca­lisme de tous les salariés. »

Quant à la CFDT, sa décep­tion se mesure à la lec­ture de son com­mu­ni­qué : « Ces élec­tions ont mal­heu­reu­se­ment souf­fert du report de la période de vote et de l’envoi tar­dif du maté­riel. Mais ce taux est aus­si la confir­ma­tion que ce type de scru­tin, où les sala­riés votent sur sigle, n’est plus viable. La mécon­nais­sance du syn­di­ca­lisme dans les Très petites entre­prises doit éga­le­ment poser ques­tion. » Avan­cer des rai­sons tech­niques pour jus­ti­fier les 4% qu’elle perd elle aus­si, per­met de ne pas s’interroger sur le fond pour­quoi sa stra­té­gie syn­di­cale n’a pas été fructueuse.

Ce qui doit inter­ro­ger tout les syn­di­cats, c’est bien la par­ti­ci­pa­tion ridi­cu­le­ment faible de 7,35% en recul de 3% sur 2012 alors que la situa­tion sociale s’est encore ten­due en France et aurait dû jouer en faveur des syn­di­cats. Jean-Claude Mailly s’interroge sûre­ment avec per­ti­nence sur  « le rejet des ins­ti­tu­tions par­mi les­quelles sont ran­gées, à tort, les prin­ci­pales orga­ni­sa­tions syn­di­cales ». Le pré­sident de l’UNSA, Luc Bérille, qui gagne 5%, y voit lui, la recon­nais­sance « d’un syn­di­ca­lisme utile, pas idéologique »…

Où en est la démo­cra­tie sociale ?

Pas moins de… 31(!) orga­ni­sa­tions étaient en lice! Outre les orga­ni­sa­tions natio­nales et inter­pro­fes­sion­nelles au nombre de 12, des « syn­di­cats » régio­naux ou pro­fes­sion­nels bri­guaient éga­le­ment les suf­frages. 17 sur 31 n’ont pas recueilli 1% des voix! On dirait que le syn­di­ca­lisme fran­çais trouve que moins on a de syn­di­qués et plus nom­breuses doivent être les syndicats!

Les syn­di­cats sont des acteurs avant tout de la démo­cra­tie sociale. Char­gés de faire entendre la voix des sala­riés, de faire évo­luer le modèle sociale en leur faveur, les syn­di­cats ont plu­tôt été conduits, pour les uns à négo­cier, pour les autres à com­battre, des reculs sociaux. La démo­cra­tie sociale est tota­le­ment inopé­rante et le gou­ver­ne­ment de gauche, tout comme le MEDF, imposent leur stra­té­gie et ne laissent aux syn­di­cats pas d’autres choix que de s’y conformer.

A tel point que la syn­di­ca­li­sa­tion est en constant recul, sur­tout par­mi la jeu­nesse. Les sala­riés pré­caires, pauvres, qui sont de plus en plus nom­breux, n’ont pas le sen­ti­ment qu’ils ont leur place dans des syn­di­cats qui paraissent être conçus pour les seuls tra­vailleurs à sta­tuts. Les « nou­veaux sala­riés, ceux de l’ubérisation, pré­fèrent se doter de struc­tures propres qui peinent encore à trou­ver une ligne de conduite lisible.

Fin mars, quand serons connus les résul­tats des élec­tions dans les grandes entre­prises, nous ver­rons plus clairs sur le posi­tion­ne­ment des syn­di­cats et du syn­di­ca­lisme en France. Per­sonne, vrai­ment per­sonne, ne pour­rait se satis­faire de voir le syn­di­ca­lisme fran­çais conti­nuer à s’affaiblir. Ni les sala­riés, bien évi­dem­ment, mais le gou­ver­ne­ment et le patro­nat non plus, car la démo­cra­tie sociale, pilier indis­pen­sable d’une socié­té démo­cra­tique, ne sau­rait exis­ter sans une repré­sen­ta­tion sala­riale bien implan­tée dans le monde du tra­vail. Pour­tant, quand on voit le peu d’empressement qu’ont mis les pou­voirs publics, les médias, à popu­la­ri­ser le scru­tin dans les TPE, ont peut dou­ter de leur volon­té de dyna­mi­ser l’expression des travailleurs.

Michel Mul­ler