Les actes exercés par quatre policier à Aulnay-sous-Bois sont révoltants et relèvent de la barbarie. Quatre pour contrôler un gamin sans histoire, dans les rues de cette banlieue parfois un peu turbulente, cela fait déjà beaucoup. Mais cette violence ! Les coups pleuvaient drus et cela se termine par un viol, un des policiers ne trouvant rien d’autre à faire que d’enfoncer sa matraque télescopique dans l’anus du jeune garçon. Grièvement blessé, sûrement marqué à vie physiquement et psychologiquement.

L’affaire est tel­le­ment sor­dide que tout le monde, même le maire très droi­tier, ancien poli­cier et diri­geant du syn­di­cat Alliance, Bru­no Bes­chiz­za, condamne l’acte et sou­tien la famille.

La jus­tice à deux vitesses

Les poli­ciers ont été mis en exa­men, l’un pour viol, et les trois autres pour vio­lences volon­taires en réunion. Ils ont éga­le­ment été sus­pen­dus et pla­cés sous contrôle judi­ciaire. Aucuns n’a été incar­cé­ré : pour­tant le viol est pas­sible des assises. Drôle de man­sué­tude : comme quoi la jus­tice, elle aus­si, fonc­tionne appa­rem­ment à deux vitesses.

Mme Le Pen ne voit pas de bavures, « mon prin­cipe de base c’est le sou­tien aux forces de police et de gen­dar­me­rie », dit-elle, avec un mou­ve­ment de men­ton mussolinien.

Le fameux syn­di­cat poli­cier Alliance, lui «  s’interroge sur ces mises en exa­men déci­dées sous la pres­sion média­tique et rap­pelle que la pré­somp­tion d’innocence s’applique à tous, et de la même façon aux poli­ciers dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonc­tions.  Jusqu’à preuve du contraire, Alliance Police Natio­nale apporte son sou­tien à nos quatre col­lègues mis en exa­men et inter­dits d’exercer. »

Voi­là ce qui carac­té­rise les syn­di­cats cor­po­ra­tistes : la défense des inté­rêts de ses seuls adhé­rents, ce qui conduit auto­ma­ti­que­ment à une pos­ture réac­tion­naire et d’exclusion de l’autre. On com­prend son pen­chant pour les idées de droite, de pré­fé­rence les plus extrêmes.

Il est vrai que le poli­cier bar­bare serait « effon­dré et explique qu’il s’agit d’un acci­dent ». Ben voyons, la matraque s’est éga­rée dans l’anatomie du jeune homme dont le pan­ta­lon est tom­bé tout seul, peut être avait-il oublié ses bre­telles ? Que l’Ins­pec­tion géné­rale de la police natio­nal (IGPN) reprenne ces bali­vernes incroyables montrent bien que être contrô­lé par ses pairs auto­rise toute les dérives, même les plus viles…

Lamen­table et indigne

Nier l’évidence à ce niveau est lamen­table et indigne. Evi­dem­ment, nous n’allons pas ici clouer au pilo­ri tous les poli­ciers. Pour­tant, des études et des chiffres interpellent.

Une enquête du Défen­seur des droits révèle que « les jeunes hommes per­çus comme noirs ou arabes» ont «une pro­ba­bi­li­té 20 fois plus éle­vée que les autres d’être contrô­lés que l’en­semble de la popu­la­tion. Selon la même étude, ils seraient davan­tage tutoyés (40% contre 16% de l’en­semble), insul­tés (21% contre 7% de l’en­semble), ou bru­ta­li­sés (20% contre 8% de l’ensemble).

Cette affaire à Aul­nay sur­vient 6 mois exac­te­ment, jour après jour, où à Beau­mont-sur-Oise, Ada­ma Trao­ré est mort étouf­fé par les gen­darmes venus l’arrêter et aujourd’hui encore sa famille se bat pour savoir la véri­té : mais le pro­cu­reur ne semble pas pressé.

50% pour le Front national!

La police et la gen­dar­me­rie relève de l’autorité poli­tique, elles sont sous leur contrôle. Elles sont, il est vrai, en pre­mière ligne des vio­lences de toutes sortes. On leur a réduit les moyens et on leur en demande de plus en plus. Mais elles ne peuvent faire tout et n’importe quoi : leur cré­di­bi­li­té et leur auto­ri­té ne se mesurent pas à la vio­lence qu’elles sont capable de déve­lop­per. En disant, comme le font les ministres de l’Intérieur suc­ces­sifs, ceux de la droite comme les socia­listes, qu’ils couvrent la police, que l’état d’urgence per­met d’écorner l’état de droit, ils ne rendent pas ser­vice, ni à la police, ni à la société.

Le CEVIPOF, le centre de recherche de Sciences-Po, a fait part d’une étude démon­trant que plus de la moi­tié (51,5%) des poli­ciers et des mili­taires inter­ro­gés vote­raient pour le Front natio­nal alors qu’il n’é­tait « que » de 30% en 2012. On ne va pas ici faire une ana­lyse socio­lo­gique de cette ano­ma­lie. Mais des res­pon­sables poli­tiques devraient en tenir compte et faire preuve de la même rigueur envers les bavures poli­cières que pour les autres violences.

Obte­nir le rejet de la loi sur la légi­time défense

Faire de la déma­go­gie comme le font MM. Caze­neuve et Le Roux en vou­lant faire pas­ser un pro­jet de loi assou­plis­sant la légi­time défense pour la police et la gen­dar­me­rie en les auto­ri­sant à faire usage de leur arme quand une per­sonne s’enfui pour se sous­traire à un contrôle, est irres­pon­sable. Et vou­loir l’étendre aux poli­ciers muni­ci­paux comme le veut la majo­ri­té du Sénat (sauf les Eco­lo­gistes et les Com­mu­nistes) est dou­ble­ment irresponsable.

Cela aus­si méri­te­rait d’être dans la rue et ne pas lais­ser les seules asso­cia­tions orga­ni­ser les mani­fes­ta­tions. Si aucune idée de fond ne sur­git de ces expres­sions d’indignation, ce qui émer­ge­ra de ces mobi­li­sa­tions sera la « haine du flic ». Dont le Front Natio­nal sera le seul bénéficiaire.

De nom­breux socio­logues le clament depuis long­temps : la vio­lence appelle à la vio­lence. Si la seule réponse du gou­ver­ne­ment, c’est de ren­for­cer l’armement des poli­ciers et leur don­ner un « droit de tuer », ce sera inévi­ta­ble­ment l’escalade ! Se demande-t-on pour­quoi en Grande-Bre­tagne où la police n’est pas armée, il y a moins de vio­lences qu’aux Etats-Unis où non seule­ment la police mais éga­le­ment les citoyens dis­posent d’armes par­fois très puissantes !

Là encore, nous ne pou­vons que déplo­rer que le gou­ver­ne­ment qui se réclame de la « gauche », n’a trouve que des solu­tions conser­va­trices, réac­tion­naires et rétro­grade pour le pro­blème de la sécurité.

Et ce serait bien que, dans la cam­pagne élec­to­rale, on parle plus de la volon­té de la récon­ci­lia­tion de la police et des citoyens. Quand la police com­mence à faire peur à ceux qu’elle est cen­sée pro­té­ger, une grande par­tie de la démo­cra­tie fout le camp !

Michel Mul­ler