Le Conseil d’agglomération avait adopté le 24 mars 2016 deux délibérations dont les effets méritent une attention particulière:

La pre­mière déli­bé­ra­tion pré­voit une sub­ven­tion à l’as­so­cia­tion E‑Nov Cam­pus dans le cadre du pro­jet KMØ , pro­jet de créa­tion d’une cité dédiée au numé­rique et repo­sant sur le concept de fer­ti­li­sa­tion croi­sée entre l’in­dus­trie et le numé­rique sus­cep­tible de créer emplois et activités.

Ce pro­jet est tour­né vers le déve­lop­pe­ment de star­tups inno­vantes et se loca­lise dans le Vil­lage Indus­triel de la Fon­de­rie. Il implique une créa­tion et une réha­bi­li­ta­tion  immo­bi­lière par la  SCI KMØ .

E‑nov Cam­pus, asso­cia­tion à but non lucra­tif, qui a déjà accom­pa­gné et/ou por­té de nom­breux pro­jets numé­riques en émer­gence, fonc­tionne sur des finan­ce­ments divers (dont la Région Alsace, la Chambre de Com­merce et d’In­dus­trie du Sud Alsace) ain­si que par la vente de prestations.

La déli­bé­ra­tion détaille les mon­tants de la sub­ven­tion plu­ri­an­nuelle accor­dée par la m2A, les bud­gets pré­vi­sion­nels et les condi­tions des ver­se­ments, dont la pro­mo­tion du ter­ri­toire de la m2A sur tous les sup­ports de com­mu­ni­ca­tion de l’association.

La seconde déli­bé­ra­tion de la com­mu­nau­té d’ag­glo­mé­ra­tion pré­voit l’adhé­sion au Tech­nion France, asso­cia­tion char­gée de pro­mou­voir, pour une coti­sa­tion sym­bo­lique,  le Tech­nion israé­lien d’Haï­fa qui est la plus ancienne uni­ver­si­té d’Is­raël (envi­ron 14 000 étu­diants répar­tis dans 18 facul­tés allant de l’in­for­ma­tique à la méde­cine, les nano­tech­no­lo­gies, le génie élec­trique et civil…).

70% de ses anciens élèves sont des fon­da­teurs ou diri­geants de star­tups high-tech et son excel­lence aca­dé­mique, sa qua­li­té mon­dia­le­ment recon­nue n’est pas discutées.

Glo­ba­le­ment la France est le deuxième par­te­naire éco­no­mique du Tech­nion de Haï­fa et l’as­so­cia­tion Tech­nion France y ini­tie des col­la­bo­ra­tions diverses (aca­dé­miques, indus­trielles, scientifiques…).

Les mis­sions annuelles au Tech­nion à Haï­fa, dont celles des élus alsa­ciens et des acteurs  locaux concer­nés que la presse locale relate, contri­buent à ces dynamiques.

Mais de quelles réserves, inter­ro­ga­tions, voire dénon­cia­tions, sont donc sus­cep­tibles ce par­te­na­riat, ces pro­jets de déve­lop­pe­ments éco­no­miques dont la m2A a par ailleurs cruel­le­ment besoin?

C’est qu’un Tech­nion peut en cacher un autre: les acti­vi­tés du Tech­nion israé­lien concernent sou­vent des domaines de recherche inté­res­sant direc­te­ment l’ar­mée pour des appli­ca­tions utiles aux forces  d’oc­cu­pa­tion de la Palestine.

Der­rière la per­for­mance tech­nique, les tech­no­lo­gies de pointe, il y a donc sou­vent  des  tech­no­lo­gies mili­taires et sécu­ri­taires  au ser­vice de l’oc­cu­pa­tion israé­lienne des Ter­ri­toires conquis en 1967 et à leur colonisation.

En décembre 2015 des asso­cia­tions et mou­ve­ments de sou­tien à la Pales­tine (dont l’as­so­cia­tion France Pales­tine Soli­da­ri­té, l’U­nion Juive Fran­çaise pour la Paix, le mou­ve­ment Boy­cott Dés­in­ves­tis­se­ment Sanc­tions, l’As­so­cia­tion des Uni­ver­si­taires pour le Res­pect du Droit Inter­na­tio­nal en Pales­tine) l’a­vaient rap­pe­lé lors d’un col­loque de Tech­nion France… pour se voir inter­dits d’ex­pres­sion publique par les forces de l’ordre appe­lées en ren­fort par la direc­trice du Tech­nion France.

Depuis des années de nom­breuses actions de pro­tes­ta­tions contre les col­la­bo­ra­tions avec cette uni­ver­si­té israé­lienne ont été conduites, en France comme dans de nom­breux pays (pour la France citons des actions d’u­ni­ver­si­taires, la lettre au Col­lège de France, des péti­tions pour s’op­po­ser aux accords conclus avec l’E­cole Poly­tech­nique et le Technion.…).

Tech­nion a pu être pré­sen­tée comme « pépi­nière majeure d’é­tu­diants-sol­dats israé­liens ». Nombre de films mili­tants  – y com­pris dis­tri­bués en cir­cuits com­mer­ciaux à Mul­house  – ont dénon­cé ces col­la­bo­ra­tions tech­niques  et tech­no­lo­giques dont les habi­tants des Ter­ri­toires occu­pés peuvent appré­cier au quo­ti­dien les effets (arme­ments divers et guerre de Gaza, sys­tèmes de sur­veillance au long du mur, sys­tèmes d’es­pion­nage et de sur­veillance, tech­no­lo­gie des drones tueurs employés à Gaza, bull­do­zer sans pilote D9 uti­li­sé pour détruire des habi­ta­tions et bâtiments …).

Peut – on rap­pe­ler que ce par­te­na­riat avec le Tech­nion s’ins­crit dans un contexte de droit inter­na­tio­nal, encore confor­té il y a quelques semaines par une réso­lu­tion du Conseil de sécu­ri­té de l’O­NU, peut rele­ver de dis­po­si­tions à carac­tère obli­ga­toire propres à l’U­nion euro­péenne, des recom­man­da­tions du Minis­tère des Affaires étran­gères fran­çais pros­cri­vant ou sou­li­gnant  les risques juri­diques d’ac­tions éco­no­miques concou­rant direc­te­ment ou indi­rec­te­ment à l’oc­cu­pa­tion et à la colo­ni­sa­tion des Ter­ri­toires pales­ti­niens occupés?

Peut- on rap­pe­ler que les finan­ce­ments euro­péens des pro­grammes « Hori­zon 2020 » excluent les appli­ca­tions militaires?

Si de grandes entre­prises israé­liennes peuvent en béné­fi­cier, pour des pro­jets de recherche déve­lop­pe­ment pré­sen­tés comme civils (mais qui ne le sont pas tou­jours: pro­duits dits « à double usage » tels sys­tèmes sans pilote, robo­tique, nano­élec­tro­nique, tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion, détec­teurs, sto­ckage d’éner­gie, pho­to­nique, impri­mantes 3D, bio­mé­trie…) la fron­tière est mince entre l’é­li­gi­bi­li­té et l’i­né­li­gi­bi­li­té à ces financements.

Les star­tups « m2A » s’ins­cri­ront-elles dans les limites du Droit et du sou­ci du res­pect de droits humains fon­da­men­taux ?

Ou s’inscriront- elles dans une volon­té de coopé­ra­tion uni­ver­si­taire tous azi­muts avec un Etat dont la poli­tique de colo­ni­sa­tion est de plus en plus mon­dia­le­ment condam­née? L’ob­jec­tif – esti­mable – de créa­tion d’emplois à haute valeur ajou­tée doit-il être atteint à n’im­porte quel prix?

Les pre­mières ques­tions en ce sens récem­ment posées par l’as­so­cia­tion France Pales­tine Soli­da­ri­té à Madame Chris­tine Gan­gloff – Zie­gler, pré­si­dente de l’U­ni­ver­si­té de Haute – Alsace, n’ont reçu aucune réponse.

Il est vrai que cette Uni­ver­si­té pré­fère évi­ter tout débat sur la Pales­tine, comme l’a­vait déjà démon­tré Mon­sieur Gerald Cohen – membre de KMØ et fon­da­teur d’e-nov Cam­pus -, alors doyen de la Facul­té des sciences éco­no­miques, sociales et juri­diques à Mul­house, qui avait refu­sé toute pos­si­bi­li­té d’ex­pres­sion publique dans les locaux uni­ver­si­taires sur des sujets liés à la Pales­tine et où devaient s’ex­pri­mer d’autres uni­ver­si­taires (dont des israéliens).….

Pou­vons-nous espé­rer un peu de trans­pa­rence dans le sui­vi de ces col­la­bo­ra­tions déli­cates, voire de ces « liai­sons dangereuses »?

Les élus com­mu­nau­taires de la m2A rem­pli­ront- ils leur mis­sion de contrôle éthique, finan­cier, de confor­mi­té au droit des pro­jets de starts ups aidés? 

Des citoyens conscients devront sans doute y contri­buer, sou­cieux quant à eux du res­pect du Droit mais aus­si de l’i­mage du ter­ri­toire de la m2A, confor­mé­ment à un des enga­ge­ments de la déli­bé­ra­tion E‑Nov Cam­pus rela­tif à la pro­mo­tion de ce territoire.

A suivre.….

Chris­tian Rubechi