Ils étaient là, en ce samedi 18 novembre, rue du Sauvage à Mulhouse, pour alerter les citoyens sur les dangers de l’accord de commerce entre le Canada et l’Union européenne. Le « Collectif de vigilance et de combat contre les traités commerciaux inégaux » a ouvert la discussion avec les passantes et passants pour dénoncer sur le fond et la forme, ce traité qui est entré en application d’une manière totalement illégale.

CETA DISCUSSION

Sur le pont en toute occa­sion: on est militant(e) ou on ne l’est pas!

Négo­cié entre 2009 et 2014, dans une totale opa­ci­té, le CETA (Com­pre­hen­sive Eco­no­mic and Trade Agree­ment)  com­porte des risques impor­tants pour de nom­breux aspects de notre vie : le cli­mat, l’emploi, les ser­vices publics, l’agriculture, l’environnement, la san­té, l’alimentation, la culture. Et implique de graves entorses à la démocratie.

Le texte pré­voit la sup­pres­sion des der­niers droits de douane entre le Cana­da et l’Europe, notam­ment dans l’agriculture. Il offre ain­si aux mul­ti­na­tio­nales d’imposer leurs pro­duits qua­si­ment sans contrôle. Ain­si, le trai­té ne pré­voit pas de véri­fier les condi­tions sociales faites aux salarié(e)s dans la pro­duc­tion, ouvrant la voie à un dum­ping social sans frein qui pour­ra avoir de lourdes consé­quences sur l’emploi. Il en va de même pour les normes sani­taires qui sont pro­fon­dé­ment dif­fé­rentes entre le Cana­da et la plu­part des pays euro­péens. Ain­si l’utilisation des OGM est auto­ri­sée au Cana­da et grâce à ce trai­té, des pro­duits OGM pour­ront se retrou­ver dans nos assiettes.

On parle sou­vent du « sau­mon Fran­ken­stein », éle­vé dans des condi­tions lui per­met­tant d’atteindre un poids de com­mer­cia­li­sa­tion en un an (alors qu’il en faut deux pour un sau­mon « nor­mal »), mais cela peut se décli­ner avec beau­coup d’autres produits.

Mais, pen­sez-vous, il sera pos­sible d’attaquer ces mul­ti­na­tio­nales si leurs agis­se­ments sociaux ou envi­ron­ne­men­taux ne cor­res­pondent pas à notre légis­la­tion ? Que nen­ni, car il est pré­vu, à terme, de mettre en place des Com­mis­sions de litiges d’interprétation de l’accord. Ces Com­mis­sions pour­ront condam­ner un Etat car sa loi pour­rait être contraire aux dis­po­si­tions de l’accord CETA. Est-ce donc cela la démo­cra­tie du « marché » ?

CETA CECILE 2

Cécile Ger­main: convaincre les passants!

Appli­ca­tion immé­diate… sans déci­sion du Parlement !

Sur pro­po­si­tion de la Com­mis­sion, le trai­té fut adop­té par le par­le­ment euro­péen le 15 février 2017 par 408 voix pour, 254 contre et 33 abs­ten­tions. Notons que seuls 26 des 74 dépu­tés euro­péens fran­çais ont approu­vé le texte.

Ce vote a per­mis l’entrée en vigueur pro­vi­soire du trai­té dès avril, alors que cha­cun des Par­le­ments natio­naux devaient encore s’exprimer. Même le pré­sident Emma­nuel Macron notait que ce trai­té « a été conçu à l’écart du pro­ces­sus démo­cra­tique, dans une forme de déci­sion qu’il nous fau­dra chan­ger en Europe pour l’avenir ». Mais, ça c’était avant…

Car le CETA est entré en vigueur en France le 21 sep­tembre der­nier… déci­sion du même M. Macron. Pour en déci­der ain­si, il s’est appuyé sur un rap­port ren­du par une com­mis­sion indé­pen­dante le 8 sep­tembre émet­tant un avis favo­rable… mais rele­vant qu’en matière de viandes par exemple, « rien n’est pré­vu en ce qui concerne l’alimentation des ani­maux (uti­li­sa­tion de farines ani­males et de maïs de soja OGM, rési­dus de pes­ti­cides…) ; l’utilisation des médi­ca­ments vété­ri­naires (notam­ment des anti­bio­tiques) en éle­vage ; le bien-être des ani­maux (éle­vage, trans­port et abat­tage) ». Appa­rem­ment, notre pré­sident n’a pas jugé cela suf­fi­sam­ment grave pour s’opposer à l’application du CETA en France.

C’est, entre autres, des appré­cia­tions de ce type qui  génèrent une vive oppo­si­tion à l’application de ce trai­té. La contes­ta­tion est forte dans de nom­breux pays, gênant cer­tains gou­ver­ne­ments qui auraient vou­lu rati­fier au plus vite. En France, l’opinion publique est majo­ri­tai­re­ment contre ces trai­tés. En Alle­magne, ce sont plus de 300.000 per­sonnes qui ont mani­fes­té contre ce trai­té. En Wal­lo­nie, le Par­le­ment régio­nal (qui a un véri­table pou­voir de blo­quer la rati­fi­ca­tion par la Bel­gique toute entière) exige des contre­par­ties pour l’approuver.

Rien n’est donc jouer. Ce trai­té peut encore être reje­té et rené­go­cié : même dans une Europe cen­tra­li­sa­trice, les par­le­ments natio­naux gardent encore la pos­si­bi­li­té de reje­ter un accord qui devrait s’imposer dans leur pays.

C’est pour­quoi de nom­breuses orga­ni­sa­tions, dont le « Col­lec­tif de vigi­lance et de com­bat contre les trai­tés com­mer­ciaux inégaux » appellent à l’organisation d’un réfé­ren­dum sur le sujet. Ce qui aura deux avan­tages cer­tains : réta­blir un pro­ces­sus démo­cra­tique digne de ce nom et ouvrir le débat sur le conte­nu du CETA et don­ner aux citoyens le moyen de savoir ce qui va se pas­ser avec l’application défi­ni­tive de ce traité.

Michel Mul­ler