parce que cela commence à bien faire!

Depuis quelques mois, il ne se passe pas de jour sans que nous ayons des nouvelles terribles.
Ça fait au moins trente ans que la situation sociale de ce pays se détériore à bas bruit, en compagnie d’autres pays jadis prospères et sur la voie du progrès social, la dégradation des uns servant de prétexte à justifier et amplifier celle des autres…Les Jeux Olympiques de la Régression Sociale en quelque sorte…Plus Cynique, plus Crade, plus Sordide, telle est la nouvelle devise de nos Maîtres du Monde du moment…

Après des décen­nies de résis­tance, on s’est habi­tués peu à peu à voir les gens perdre leur emploi, puis avoir du mal à joindre les deux bouts, et main­te­nant à dor­mir dans la rue et men­dier tout ce qu’au­tre­fois ils pou­vaient légi­ti­me­ment se pro­cu­rer en échange de leur travail.

Le visage hideux de ce monde soi-disant civi­li­sé, où comme le disait Leo Fer­ré pré­mo­ni­toi­re­ment, on voit « les den­telles flot­tant au nez de la misère » ne choque plus per­sonne, en tout cas pas les médias tenus en laisse par des mil­liar­daires impu­dents, mais, plus grave, par des ministres en exer­cice qui, après des années de minau­de­ries cau­te­leuses, se lâchent aujourd’­hui et encou­ragent par leurs paroles ignobles la majo­ri­té des citoyens à se lais­ser aller à l’é­goïsme et au cynisme les plus indé­cents, regar­dant de haut leurs sem­blables plus mal­heu­reux qu’eux et leur fai­sant la leçon..

Quelles que soient les contor­sions de lan­gage et les jus­ti­fi­ca­tions pseu­do- phi­lo­so­phi­co-éco­no­miques, un être humain qui n’a pas de toît, un enfant qui ne peut pas vivre son enfance, un étran­ger chas­sé de par­tout qui est un intrus où qu’il aille, une femme expo­sée à toutes les vio­lences et bru­ta­li­tés, un indi­vi­du que la faim et l’in­sé­cu­ri­té tor­turent, un sala­rié qui perd son tra­vail pour satis­faire la rapa­ci­té de quelques « créa­teurs d’emploi », la bonne blague ! sont le signe d’une socié­té malade, gra­ve­ment malade, au point qu’elle ne se rend même plus compte de son état et passe son temps à se gar­ga­ri­ser de grands prin­cipes pour exor­ci­ser sa lâche­té et jus­ti­fier sa rapacité.

A quoi sert de décla­rer la guerre aux vio­lences faites aux femmes, sur le lieu de tra­vail et le domi­cile, si tant d’entre elles sont obli­gées de vendre leur corps pour man­ger ou trou­ver un toît ? A quoi sert de décla­rer la guerre au chô­mage, si l’on s’en prend à celles et ceux qui en sont les vic­times ? A quoi sert de décla­rer la guerre au ter­ro­risme, si on laisse gran­dir toute une géné­ra­tion dans le mépris, le soup­çon et le déni ?

Il semble que tout le monde dans ce pays ( à l’ins­tar de bien d’autres régions pros­pères du monde, je le concède ), a per­du de vue que la fina­li­té d’une civi­li­sa­tion est la recherche du bien public, et non la satis­fac­tion d’in­té­rêts pri­vés à coups d’exo­né­ra­tion fis­cale et de morale élas­tique envers les frau­deurs, fai­sant sem­blant de croire que la confis­ca­tion de l’argent par quelques pré­da­teurs n’est pas la cause pre­mière de tous ces scan­dales innom­mables, et regardent ailleurs quand on leur met le nez sur ces évi­dences peu ragoûtantes…

Ces grands dis­traits laissent détour­ner leur atten­tion par une cra­vate qui manque, une che­mise qui dépasse ou un maillot de foot non spon­so­ri­sé par le club des ado­ra­teurs de Lio­nel Mes­si pour ne pas avoir à répondre de leur non-assis­tace à per­sonne en dan­ger, comme ces voyous en garde‑à vue qui sou­tiennent qu’ils n’é­taient pas sur les lieux du crime alors qu’ils appa­raîssent sur les camé­ras de surveillance …

Il faut que le corps social se réveille. Il faut que celles et ceux qui s’é­chinent jour après jour pour que cette épave de civi­li­sa­tion ne sombre pas tout-à-fait se ren­contrent, s’u­nissent et mettent sur le métier un pro­jet d’or­ga­ni­sa­tion sociale basé sur le par­tage, la fra­ter­ni­té et la satis­fac­tion des besoins vitaux de toutes et tous, en com­men­çant par les plus fra­giles et les plus exposés.

Il n’est plus pos­sible de conti­nuer à vivre dans cet air irres­pi­rable, de plus en plus irres­pi­rable, à cause de quelques beaux esprits qui n’ont que la pré­ser­va­tion de l’en­vi­ron­ne­ment à la bouche, mais trouvent des excuses à toutes les catas­trophes, du moment qu’elles ne les touchent pas, et qui en ren­voient la res­pon­sa­bi­li­té à celles et ceux qui en sont victimes…

Est-ce que les mots ont encore un sens ? Est-ce que le lan­gage arti­cu­lé sert encore à décrire la réa­li­té, ou a‑t-il lui aus­si été pri­va­ti­sé par ceux qui peuvent en détour­ner le sens pour pri­ver la mul­ti­tude de ce qui lui reste comme arme pour défendre son droit à l’exis­tence dans la digni­té ? Fau­dra-t-il une fois de plus que les bombes prennent le relai des mots pour que ces grands incons­cients com­prennent qu’ils ont lar­ge­menbt dépas­sé les limites ?

Que ceux qui trouvent que j’exa­gère m’ex­pliquent que tout ça n’est pas grave, qu’on peut dor­mir dans la rue en France au XXIe siècle parce que per­sonne n’y peut rien, parce que c’est comme ça, parce qu’on n’a pas d’argent pour ça, parce que si on est capables de construire des tours de 1000 mètres de haut qui résistent aux trem­ble­ments de terre, on ne sait pas com­ment faire pour mettre les mal logés à l’a­bri sans que ça énerve la classe moyenne qui a peur pour la valeur de son Sam’­suf­fi, parce que ce n’est pas ma fonc­tion de fonc­tion­naire de réflé­chir à tout ça, voyez le gui­chet d’à côté… Et puis les classes, ça n’existe pas, tout le monde le sait…

Tout ça est furieu­se­ment moderne, enfin plu­tôt « post-moderne » disent ceux qui ont le sou­ci de faire sau­ter les réfé­rences tem­po­relles, parce qu’à y bien réflé­chir, tout ça sent furieu­se­ment le XIXème siècle, avec en plus l’âcre odeur de pous­sière, de rance et de moi­si.. Il ne manque même pas les visites aux poten­tats pour leur vendre les mer­veilles tech­no­lo­giques dont ils ont besoin pour faire tenir leurs sujets tran­quilles et bom­bar­der leurs voi­sins, en toute huma­ni­té fra­ter­nelle, et qui aident nos indus­triels à amor­tir les frais de fabri­ca­tion de ces mêmes mer­veilles fort utiles à faire tenir tran­quilles les classes dan­ge­reuses bien de chez nous …

Retour sur inves­tis­se­ment, le mot favo­ri de nos mar­chands de canons et de nour­ri­ture frelatée…Dangereuses pour qui, d’ailleurs , ces classes qui paraît-il, n’existent pas ?

On se demande ce qu’on apprend dans ces « grandes » écoles où les plus intel­li­gents, les plus agiles, les plus appre­nants d’entre nous béné­fi­cient de l’en­sei­gne­ment spon­so­ri­sé par nos impôts, de toute la culture accu­mu­lée depuis des mil­lé­naires, et sont ensuite char­gés de prendre les déci­sions qui orga­nisent la vie quo­ti­dienne de nous autres, gens de peu, gens de rien, juste bons à nous lever le matin pour trois poi­gnées de caca­huètes, et à qui ont vient encore de recu­ler l’âge de départ à la retraite, de rabo­ter les points d’in­dice, le RSA, l’A­PL, les allo­ca­tions diverses et variées que tant d’entre nous doivent qué­man­der faute de trou­ver un tra­vail décent…

C’est à croire que nos appre­nants n’ont pas appris grand chose à part bien se tenir à table et dire poli­ment des choses abo­mi­nables comme « je ne suis pas le Père Noêl » quand les sans-bou­lot et sans ave­nir lui demandent jus­tice et protection …

Tout ce qui concerne le bien-être du peuple est tou­jours trop cher, ma chère, il ne faut pas se lais­ser atten­drir, vous savez comme ils sont rou­blards, ces pue-la-sueur…

Tout ça pour voir la mer sillon­née de yachts pri­vés grands comme des paque­bots croi­sant des bar­casses de for­tune où s’en­tasse toute la misère du monde…

Mais, un exemple au hasard, l’ex­ploi­ta­tion à bas prix de res­sources minières pour le pro­fit de grandes com­pa­gnies n’y est pour rien, qu’est ce que vous allez cher­cher là ? Bol­che­visme attar­dé et popu­lisme actua­li­sé que tout cela, mon bon !

Et nos beaux esprits nour­ris de grandes idées ne voient pas le problème…

Et moins encore la solu­tion, ils ne sont pas allés à la  Grande Ecole pour sou­la­ger la misère publique, mais pour trou­ver des for­mules caba­lis­tiques qui mul­ti­plient les pro­fits comme Jésus mul­ti­pliait les petits pains au cho­co­lat, il faut au moins ça pour méri­ter la médaille Fields !

Je ne sais pas où en sera l’Hu­ma­ni­té dans 1000 ans, si elle ne fait pas la bêtise de se sui­ci­der à force de salo­per son seul espace vital, mais je ne crois pas que notre époque lais­se­ra le sou­ve­nir d’un impé­ris­sable som­met de civilisation.
Je sais bien que ça n’ar­rê­te­ra pas la rage des­truc­trice de nos aimables élites qui se prennent pour Dieu depuis qu’ils ont inven­té la bombe ato­mique, déchif­fré l’ADN et ins­tau­ré la déma­té­ria­li­sa­tion des tran­sac­tions finan­cières, mais de savoir que la pos­té­ri­té les regar­de­ra avec hor­reur et incré­du­li­té me venge, quelque part dans l’espace-temps…
A moins que les riens, les sans-dents et les fai­néants, mais pas-sans-coeur et sans ‑cer­veau, se réveillent enfin de ce cauchemar…
Mais c’est là une autre his­toire, qui reste à écrire…

Dédé Bar­noin