« Nous ne sommes pas des pro-nucléaires ! Notre seule démarche est de garantir aux usagers et aux entreprises une énergie de qualité et en quantité suffisante. Une énergie propre qui s’inscrit dans les objectifs de la COP21 de lutter contre le réchauffement climatique ». Jean-Luc Cardoso, délégué syndical CGT de la Centrale de Fessenheim a fait part des propositions de son syndicat pour assurer l’avenir après la fermeture de l’entreprise.
Aux côtés d’Arnaud Anthoine, secrétaire général de l’Union départementale CGT, le syndicaliste de Fessenheim a acté que la décision de la fermeture de la Centrale est à présent inéluctable à court terme et il met en évident, lors de cette conférence de presse, les conséquences économiques et sociales qu’il faudra assumer.
Pour cela, la CGT se dit prête à participer dans le Comité de pilotage qui doit être mis en place. « Même si son rôle est encore flou, nous y siègerons pour défendre nos propositions de développement de l’outil industriel et d’emplois pour les salariés de la centrale et des sous-traitants ». Entre 5.000 et 6.000 emplois sont concernés pour lesquels il faudra trouver des solutions.
Un gâchis industriel
Revenant sur la décision de fermeture, la CGT dénonce « un gâchis industriel, un non-sens économiques, un non-sens social et un non-sens environnemental ».
Jean-Luc Cardoso pointe essentiellement la compensation de la production de la Centrale de Fessenheim : « La centrale de Fessenheim a été implantée pour répondre aux besoins en énergie d’une région comme l’Alsace, grande consommatrice entre autres du fait de l’activité industrielle importante ». La production de Flamanville, qui doit prendre le relais de celle de Fessenheim, ne pourra pas assumer ces besoins car, contrairement à une idée reçue, l’électricité ne se transporte pas sans déperdition, l’effet « Joule » comme le rappelle le syndicaliste.
On pourra certes remplacer une partie par des énergies renouvelable (éolien, solaire, géothermie, hydraulique) mais cela ne suffira pas pour atteindre la production de Fessenheim. Rappelant également que la géothermie a été abandonnée à Bâle. En outre, le risque est grand de voir une détérioration de la qualité de l’énergie produite : la multiplication des installations numériques dans l’industrie comme chez les particuliers, nécessite une électricité avec une tension stable car toute distorsion peut avoir des effets négatifs sur le fonctionnement de l’ensemble des installations « connectées ». La production éolienne ou photovoltaïque est sujette à ces problèmes de tension car elle ne peut être assurée en continuité car soumise à des impératifs naturels (absence de vent, de soleil…). Jean-Luc Cardoso craint un effet négatif dans des entreprises qui pourraient subir des effets de ces variations et pourraient être prêtes à s’installer ailleurs, là où la qualité de l’énergie leur sera garantie.
Comment compenser la perte de production ?
La CGT propose d’intégrer dans la recherche de solution, la production énergétique à Fessenheim pour assurer les 200 MW qui manqueront in fine pour répondre aux besoins actuels. Ce qui représenterait la différence entre la production de Flamanville 3, 1.600 MW et celle actuellement de Fessenheim à hauteur de 1.800 MW. Des recherches sont en cours pour une production propre d’énergie car le syndicat considère que l’appel à des énergies fossiles comme le charbon ou le pétrole ne peuvent être utilisées. Encore moins le lignite comme cela se fait en Allemagne.
EDF dispose avec Fessenheim, d’une installation qui pourrait être équipée d’une centrale à cycles combinés au gaz naturel (CCG) permettent d’améliorer le rendement énergétique tout en divisant par trois les émissions d’oxydes d’azote (NO2) et de quasiment supprimer les émissions d’oxydes de soufre (SO2) par rapport aux moyens de production « classiques » au charbon notamment.
Certes, cette technologie réduit les émissions mais ne le supprime pas totalement comme cela est le cas de la production nucléaire. A la question, « voulez-vous continuer à produire à partir du nucléaire », Jean-Luc Cardoso se défend d’une position « pro-nucléaire » de son syndicat : « Nous considérons qu’il ne faut évacuer aucune technologie à priori et qu’il faut continuer à développer la recherche pour trouver des systèmes de production d’énergie propre ». Le site de Fessenheim, avec tous ses atouts dont des compétences humaines indéniables, devrait s’inscrire dans cet objectif.
Des propositions pour préserver, voire développer l’emploi
Jean-Luc Cardoso énumère alors les propositions de son syndicat pour réindustrialiser le site et assurer des emplois.
D’abord la formation : assurer sur le site une formation de haut niveau pour préserver les compétences des salariés devra faciliter leur réinsertion vers de nouvelles activités. La centrale dispose de salariés possédant des compétences qui pourraient trouver des débouchés dans de nombreuses filières.
La CGT propose également de faire de Fessenheim, un Centre d’expérimentation du démantèlement des installations nucléaires. EDF a acquit une compétence certaine en la matière (d’autres réacteurs sont en train d’être démantelés) mais la recherche doit sans cesse améliorer les procédures. Ainsi, l’utilisation et la maîtrise de la robotique pour atteindre les endroits à forte exposition radioactive permettraient de remplacer les interventions humaines.
D’autre part, les centrales nucléaires ne sont pas les seuls utilisateurs de réacteurs. Souvent le grand public l’ignore, mais les hôpitaux, les cabinets de radiologie, les Universités, possèdent des installations nucléaires pour leur activité ou la recherche. Le centre d’expérimentation de Fessenheim en coopération avec la Commission à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables pourrait assurer la mise en œuvre de projets tels que des petits réacteurs pouvant équiper par exemple les navettes spatiales pour leur garantir l’indispensable énergie dont elles sont besoin. Ces recherches sur la miniaturisation pourront également trouver des débouchés pour d’autres utilisations.
Autre proposition : installer à Fessenheim, une « Force d’action rapide pour le nucléaire, chimique et pétrochimiques », à l’échelle européenne, pouvant intervenir instantanément là où il y a des risques industriels et environnementaux, tant pour les prévenir que pour les traiter en cas d’accident.
Le démantèlement provisionné, pas la réindustrialisation
Si EDF a provisionné le coût du démantèlement, elle n’est pas pour autant dotée de moyens pour assurer la réindustrialisation du site.
Indispensable pour les salariés mais également pour les collectivités locales qui profitent de retombées fiscales pas négligeables (47 millions pour l’année 2016, dont près de 6 millions pour le département du Haut-Rhin, 6,6 millions pour la seule commune de Fessenheim et ses 2.400 habitants, 1,7 millions pour l’intercommunalité). Le seul moyen pour éviter une catastrophe sociale, dans laquelle il faut intégrer le risque de voir s’effondrer l’immobilier, rappelle Arnaud Anthoine, c’est d’assurer l’implantation d’activités industrielles au-delà de ce qu’EDF doit assurer. La CGT y veillera, appellera les collectivités territoriales à l’action…
Une première réunion du Comité de pilotage devrait avoir lieu mi-avril : l’occasion pour la CGT de développer ses propositions et d’appeler toute les parties à leurs responsabilités.
Michel Muller