Le collectif des Associations Unies 68 (AU68)* lance du 9 au 14 avril, la 2e édition de « Osez la solidarité, la semaine impertinente des associations ». Ce moment fort de la solidarité dans notre département avait rencontré un franc succès en 2017, AU68 veut renouveler cette année en choisissant un thème sensible : les jeunes.
Ceux-ci sont frappés plus que la moyenne de la population, par la précarité de l’emploi, du logement, de la formation… Cette semaine est destinée à interpeller les pouvoirs publics, les élus, les médias et les citoyens et à élaborer des propositions pour apporter à la jeunesse des raisons de croire en un avenir meilleur.
Photo DNA
Autour d’Odile Fournier (Fondation de l’abbé Pierre), Raymond Kohler (Fédération des acteurs de la solidarité FAS), Noëlle Casanova (Ligue des Droits de l’Homme), Loïc Richard (Union professionnelle du logement accompagné UNAFO), André Barnoin et Lucas Martinez (Mouvement national des chômeurs et précaires MNCP) ont tour à tour fait part des engagements de leurs associations respectives dans cette semaine.
Odile Fournier a su rappeler fort opportunément que déjà en 1981, le sociologue Bernard Schwartz avait constaté, dans un rapport destiné au premier ministre Pierre Mauroy, « Ce qui unit les jeunes c’est leur exclusion de la société ». 37 ans après ce constat et malgré quelques améliorations, le taux de pauvreté est toujours supérieur chez les 18–29 ans (19%) que dans l’ensemble de la population (14%). Le taux de chômage des jeunes actifs de moins de 25 ans a fortement augmenté en 40 ans en passant de 7% à 24%. La part des jeunes ayant un accès rapide et durable à l’emploi a reculé de 72% à 62%. Ce développement de la précarité se retrouve également dans l’accès au logement.
Noëlle Casanova considère, avec la Ligue des Droits de l’Homme, que « la jeunesse nous semble une sorte de miroir grossissant de la société actuelle. »
Mais pas question pour AU68 d’en rester à un constat, voire une dénonciation. Le programme de la semaine en atteste.
Une interpellation générale par des initiatives multiples
La rencontre avec Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky qui devait présenter, le 9 avril, son ouvrage « La voix de ceux qui crient » rendant compte de ses rencontres avec les migrants qui « n’est pas une figure transitoire de notre société » a été reportée en raison des problèmes de transports en ce jour de grève des cheminots. Noëlle Casanova rappelle que l’auteure aborde la question du lien social et politique et celle de la place de l’étranger dans la France du XXIe siècle. Parmi ces femmes et hommes demandeurs d’asile, la jeunesse est fortement représentée cherchant un lieu inviolable où se refugier pour se doter d’un avenir qu’elle pense plus assuré que dans leur pays d’origine.
Mardi 10, la matinée sera consacrée, au Campus de la fonderie, de 9 h à 12 h, à la présentation du rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France dans lequel figure la thématique « Un logement d’abord… pour les jeunes » par Manuel Domergue, directeur des Etudes à la FAP. Odile Fournier rappelle que la ville de Mulhouse a été retenue comme cible dans le cadre du plan gouvernemental « logement d’abord » pour une mise en œuvre accélérée. Un bilan s’impose…
L’après-midi du 10 avril sera consacrée aux « Ateliers impertinents solidaires » durant lesquels des propositions seront élaborée en partant d’expériences et d’actions menées sur le territoire. Raymond Kohler rappelle que les associations sont à la base d’initiatives multiples et qu’il faut aussi se « montrer positif ». Il en va ainsi dans l’action des associations contre l’exclusion scolaire ou bien dans les passerelles créées entre le monde de l’entreprise et associatif.
Chômage et pauvreté
André Barnoin constate que même les jeunes au travail glisse dans la pauvreté et la Fédération de l’Abbé Pierre rappelle ces statistiques : En France, parmi les 16 à 25 ans qui travaillent moins de 30% sont en Contrat à durée déterminée, le taux de précarité dans l’emploi est de 50% des jeunes de 15 à 24 ans
A Mulhouse, 22% de chômage pour les jeunes entre 20 et 24 ans et 42% des actifs entre 15 et 25 ans sont au chômage. Un jeune mulhousien sur 3 n’a aucun diplôme
Cinq thématiques vont être traitées dans des ateliers dont les résultats vont être soumis à des responsables politiques et institutionnels lors d’une table ronde clôturant la journée.
Jeudi 12, une conférence-débat organisée par la Société d’histoire et de géographie à Mulhouse dans le cycle « Pauvres et pauvreté à Mulhouse », Salle de la Décapole, place de la Réunion à 18 h 30, permettra à la sociologue Odile Fournier de traiter ce paradoxe d’une France pays riche dans lequel la pauvreté gagne du terrain et les inégalités de revenus s’accroissent. Qu’en est-il de l’engagement non seulement moral mais juridique de la société envers les plus faibles ? Et de poser les conditions politiques d’une solidarité repensée.
Vendredi 13 avril, la Maison de la citoyenneté mondiale, organise tout au long de la matinée, à l’ISSM, 4, rue Schlumberger à Mulhouse, des tables-rondes qui déboucheront l’après-midi sur une réunion plénière autour de la thématique de la « citoyenneté active » dans laquelle se pose l’implication du citoyen-acteur, au niveau individuel, local, national et mondial. Ces groupes de paroles sont ouverts à qui veut y participer aux côtés d’acteurs de la solidarité et d’élus qui se consacrent à cette question.
Dans la soirée, au cinéma Le Colisée à Colmar, un débat suivra la projection du film « Belinda », qui raconte l’histoire émouvante d’une jeune Alsacienne de la communauté Yéniche, de son jeune âge jusqu’à son mariage. Période percutée par la misère et les persécutions que cette communauté rencontre en Alsace qui n’altère pourtant pas la volonté de Belinda de combattre…
Samedi 14 avril, à la Maison de la citoyenneté à Kingersheim, se tiendront les Etats généraux de l’immigration. Processus dans lequel sont impliqués 470 collectifs et d’associations locales ou nationales, ces Etats généraux concluent une période de débats citoyens lors desquels la politique migratoire de la France a été analysée et disséquée. Cette politique de Noëlle Casanova qualifie de « formidablement répressive » ne peut pas être uniquement dénoncée mais les associations veulent devenir, avec cette journée, une force de proposition afin d’obtenir un changement radical de la politique migratoire en France.
Nous rassembler, nous réunir…
Odile Fournier rappelle que cette semaine aura des suites à l’automne pour aller sur le terrain de l’expression envers les citoyens en associant concrètement la jeunesse à cette action d’information et de contacts directs avec la population.
Loïc Richard, de l’UNAFO, se dit convaincu que la « pauvreté se focalise essentiellement sur les jeunes » contrairement aux idées reçues et que « par cette action, nous voulons prendre part au débat public. Pour y arriver, nous devons nous rassembler, nous réunir… ».
Sensibiliser, partager, montrer qu’il y des choses qui fonctionnent malgré tout, c’est en somme le message d’espoir que les associations veulent transmettre tout en insistant sur la nécessité d’agir aux quotidien. Faut-il être « impertinent » pour autant ? Oui, répond AU68, car se proclamer « solidaire » devient, dans nos sociétés, un acte de plus en plus subversif. « Etre impertinent, c’est ne pas se résigner à la fatalité d’un monde qui intégrerait la précarité, la pauvreté, la souffrance et la peur comme horizon nécessaire au développement humain. »
Nous devrions tous être des « impertinents »…
Michel Muller
*AU68 est composée des structures suivantes: ATD Quart-Monde, Cimade 68, Collectif citoyen solidaire, Collectif SDF, CLCV, Emmaüs Cernay, Fédération des acteurs de la solidarité Grand Est, Fondation Abbé Pierre Alsace, Fondation de l’Armée du salut, Habitat et Humanisme Alsace Sud, Ligue des droits de l’Homme, Maison de la citoyenneté mondiale, Passerelle, UNAFO, Urgence Welcome, URIOPSS Alsace