La Fédération du Haut-Rhin du Parti Communiste Français a tenu une conférence de presse dans laquelle elle détaillait son analyse et ses actions pour mener une véritable « bataille du rail » pour empêcher la réforme de la SNCF. Opposition farouche à M. Macron certes mais également porteurs de propositions, les communistes haut-rhinois envisagent plusieurs actions pour aller à la rencontre de la population : la bataille du rail génère aussi une « bataille de l’opinion »…

Nadia Peter, une des membres de la Direc­tion col­lé­giale du PCF 68, indique que le Par­ti Com­mu­niste veut don­ner un éclai­rage sur les vrais enjeux de la réforme que le pré­sident de la Répu­blique veut impo­ser à marche for­cée. « Nous n’accordons aucun cré­dit aux affir­ma­tions de M. Macron quand il affirme qu’il n’y aura pas de pri­va­ti­sa­tion. Sa moti­va­tion est uni­que­ment d’éviter un débat de fond sur l’avenir du trans­port fer­ro­viaire dans notre pays ». Le PCF a lan­cé, sur le plan natio­nal, une vaste dis­tri­bu­tion de tracts aux usa­gers. Il tient, à l’échelon dépar­te­men­tal, des confé­rences de presse pour pré­sen­ter ses pro­po­si­tions à la presse dont le thème est « Pour un trans­port fer­ro­viaire de qua­li­té ». Il par­ti­cipe à toutes les assem­blées géné­rales des che­mi­nots pour leur assu­rer son sou­tien et il édite un » jour­nal natio­nal des che­mi­nots com­mu­nistes » tou­jours dans le but de faire contre­poids à une cam­pagne média­tique à charge contre les grévistes.

Nadia Peter exprime sa convic­tion que l’opinion publique, des usa­gers et non des « clients », terme à conno­ta­tion essen­tiel­le­ment com­mer­ciale, prenne conscience des enjeux de l’importance d’un ser­vice public du transport.

L’extension du nombre des luttes tant dans le sec­teur pri­vé que public, est un autre fac­teur d’optimisme pour le PCF dont le but est bien de mettre en échec l’ensemble des réformes jugées néfastes pour le monde du tra­vail, actifs et retraités.

Le main­tien et le déve­lop­pe­ment du ser­vice public

Alain Scheuer, che­mi­not de la région Alsace et membre de la direc­tion du PCF 68, égrène les prin­ci­pales pro­po­si­tions détaillées dans un docu­ment inti­tu­lé « Ensemble fai­sons dérailler Macron »…

La pre­mière d’entre elles revient sur le trans­port du fret, déjà ouvert à la concur­rence depuis 10 ans et qui illustre bien les objec­tifs qui risquent d’être ceux du trans­port voya­geurs. Depuis l’ouverture, le trans­port de fret le tra­fic a bais­sé de plus de la moi­tié et le nombre de che­mi­nots a été divi­sé par plus de 2,5. Près de 400 gares de triages ont été fer­més ou ont for­te­ment réduit leur acti­vi­té comme Mulhouse-Nord.

Le PCF dénonce le report de ces mar­chan­dises sur le trans­port rou­tier (très peu sur le flu­vial) qui a fait aug­men­té le nombre de camions d’une manière extra­or­di­naire. Le diri­geant cite l’autoroute A35 vers Stras­bourg où les auto­mo­bi­listes ont à faire à un mur inin­ter­rom­pu de camions tout au long du tra­jet. Et que dire des impacts sur l’environnement puisque 93,6% des émis­sions totales du sec­teur du trans­port sont le fait du trans­port rou­tier, tan­dis que le tra­fic aérien ne compte que pour 3,3%, le trans­port mari­time pour 2,2% et le trans­port fer­ro­viaire pour…  0,4%.

Le PCF consi­dère que les mêmes consé­quences guettent le tra­fic voya­geur. Le trans­fert des petites lignes vers les Régions condui­ra à la fer­me­ture de lignes qui seraient, d’un point de vue com­mer­cial, non ren­tables. Or, rap­pelle Alain Scheuer, le ser­vice public per­met une péréqua­tion des coûts. En Alsace, le tra­jet Stras­bourg-Mul­house-Bâle est très ren­table et per­met aujourd’hui de main­te­nir des lignes indis­pen­sables au trans­port des usa­gers comme Col­mar-Met­ze­ral. La région Alsace a besoin de ces petites lignes dont cer­taines déjà fer­mées devraient rou­vrir, par exemple celle des­ser­vant la val­lée de Gueb­willer. Des tra­jets comme Col­mar-Brei­sach-Fri­bourg et la des­serte fer­ro­viaire de l’aéroport de Bâle-Mul­house sont d’autres exemples.

Mais la réduc­tion des dota­tions gou­ver­ne­men­tales va mettre à mal les finances des col­lec­ti­vi­tés locales qui auront du mal à trou­ver les moyens d’investir dans le déve­lop­pe­ment du trans­port ferroviaire.

Patrick Hoern­lé, syn­di­ca­liste à la Poste et France-Télé­com fait le paral­lèle entre la restruc­tu­ra­tion de ces deux entre­prises natio­nales et la catas­trophe qui a frap­pé tant les usa­gers, moins mal ser­vis aujourd’hui, que les sala­riés qui ont per­du leur emploi pour cer­tains et d’autres ont vu leurs condi­tions de tra­vail se dété­rio­rer fortement.

La gra­tui­té pour le trans­port régional

Le PCF 68 fait valoir l’idée qu’il serait tout à fait pos­sible de rendre les trans­ports gra­tuits dans la région. Le prix du billet payé par l’usager aujourd’hui ne repré­sente que 25% du coût total du trans­port, les autres 75% étant pris en charge par la Région et les entre­prises. Pour­quoi ne pas lut­ter contre l’utilisation de l’automobile en menant une poli­tique de trans­port en com­mun gra­tuit comme le font déjà d’autres régions, comme le Nord-Pas-de-Calais sur cer­tains segments.

On parle sou­vent de la dette de la SNCF : l’entreprise paie chaque année 1,7 mil­liard d’euros d’intérêts aux banques ! Soit l’équivalent de 26.000 emplois à sta­tut ! Cette dette vient essen­tiel­le­ment des charges que l’Etat a fait por­ter à la SNCF et pour le PCF il est indé­niable que le gou­ver­ne­ment doit reprendre la tota­li­té de la dette, comme l’Allemagne l’a fait en assu­mant une dette de 34 mil­liards d’euros de la Deutsche Bahn.

Com­ment finan­cer tout cela ? Le PCF pro­pose de rena­tio­na­li­ser les auto­routes et la créa­tion d’un livret d’épargne trans­port qui ali­men­te­rait le finan­ce­ment des infra­struc­tures de trans­port. D’autre part, la créa­tion d’un ver­se­ment trans­port addi­tion­nel par l’Etat au pro­fit des régions per­met­trait de déga­ger 800 millions/an consa­crés au déve­lop­pe­ment des trans­ports fer­ro­viaire de proximité.

La taxa­tion des grands espaces de bureaux (déjà appli­quée dans la région Ile-de-France) déga­ge­rait 2 mil­liards de recettes annuelles et l’extension de la taxe sur les par­kings des hyper­mar­chés (éga­le­ment en vigueur en Ile-de-France) rap­por­te­rait deux autres mil­liards par an.

Pour la région Alsace, le PCF pré­co­nise la créa­tion d’une éco-taxe poids lourds dont le gain est esti­mé à 1 mil­liard d’euros par an.

Convaincre ou contraindre ? Lan­cer une votation!

Com­ment ame­ner le gou­ver­ne­ment à reve­nir sur sa réforme ? Quelle majo­ri­té par­le­men­taire, quel front poli­tique pour­rait mettre la majo­ri­té en difficulté ?

Nadia Peter résume sa pen­sée en trois mots : « Par la rue » ! Jean-Claude Pel­ka abonde dans ce sens en étant per­sua­dé qu’une conver­gence des luttes en cours est tout à fait pos­sible dans les semaines et mois à venir et que le gou­ver­ne­ment est en grande dif­fi­cul­tés devant la mul­ti­pli­ci­té des mobi­li­sa­tions. Le sou­hait du PCF est de don­ner la parole aux citoyens en lan­çant une « vota­tion citoyenne natio­nale à pro­pos de l’or­ga­ni­sa­tion du ser­vice public des trans­ports ». Un moyen d’é­tendre le sujet à l’en­semble de la population.

Le Par­ti com­mu­niste va mul­ti­plier les ren­contres avec les autres par­tis de gauche, les syn­di­cats, pour la défense et le déve­lop­pe­ment des ser­vices publics dont le trans­port fer­ro­viaire n’est qu’un élé­ment par­mi d’autres. Les 4 et 5 mai pro­chains se tien­dront les Assises sur l’Environnement du PCF, en pré­lude au congrès du Par­ti qui est en train de se pré­pa­rer. Nul doute que le trans­port aura une place de choix lors de ses assises et dans le futur pro­gramme élec­to­ral du Par­ti com­mu­niste français.

Michel Mul­ler