Les salariés, leur syndicat (la FILPAC-CGT, un peu seule dans cette affaire), le Comité d’entreprise avaient prévenu : le transfert de l’imprimerie de notre quotidien mulhousien à Strasbourg allait être catastrophique pour le journal ! Quatre mois ont passé : il est à présent prouvé que l’éloignement à 130 kilomètres du lieu d’impression entraîne des retards considérables et fréquents dans la distribution, conduit à des regroupements d’édition voire à la suppression de ces éditions, appauvrit le contenu du journal car l’obligation de « boucler » le quotidien à 10 h (avec une tolérance pour certains éditions) empêche de publier des informations importantes.
Dans un article, L’Alterpresse68 y allait aussi de son analyse en affirmant que « L’éloignement des imprimeries du réseau des porteurs, c’est le risque assuré de retards fréquents dans la distribution. »
Des personnels au bord du « syndrome d’épuisement » (Burn-out)
Voilà le genre de message qui se répète régulièrement dans les colonnes du journal :
« En raison d’incidents techniques durant l’impression du journal de ce mercredi 7 novembre, la parution a été retardée et certaines éditions ont été adaptées.
(…)
Les éditions de Guebwiller et de Thann ont été remplacées par celle de Mulhouse, et celle de Sélestat par celle de Colmar.
(…)
En raison d’une panne survenue lors de la livraison, certains journaux datés de ce vendredi 16 novembre ont été retardés de plusieurs heures, dans le secteur de Mulhouse. »
Dans une lettre ouverte destinée aux administrateurs du journal, les syndicats tous réunis, font ce constat: « La fermeture du centre d’impression à Mulhouse est une catastrophe pour nos deux journaux alsaciens. Les problèmes techniques récurrents à l’imprimerie des DNA entraînent des retards de livraison ou des regroupements d’éditions aux conséquences déplorables. En six semaines, à date, onze gros incidents ont entraîné en moyenne 1 h à 1 h 30 de retard, sans compter les problèmes d’encartage, les éditions non imprimées et les journaux sans suppléments. Les porteurs de journaux sont en grande difficulté, parfois dans l’impossibilité de livrer, les abonnés se plaignent de plus en plus et notre service clients est débordé. Le personnel est au bord du syndrome d’épuisement professionnel car harcelé par des lecteurs-abonnés exprimant vertement, parfois furieusement, leur colère de ne pas avoir leur journal. Pire encore, nos vendeurs abonnements sont pris à partie physiquement sur les stands commerciaux des foires et salons. Les abonnés sont virulents et parfois incontrôlables. Qu’en sera-t-il lorsque les conditions de circulation seront impactées par l’hiver ? »
Les ouvriers de l’imprimerie à Strasbourg n’en peuvent plus : imprimer du jour au lendemain 100.000 exemplaires en 7 ou 8 éditions en plus de leur propre production des Dernières Nouvelles d’Alsace n’est pas possible dans les délais impartis. Ils l’avaient affirmé avant la décision du transfert. La direction du Crédit Mutuel, forte des affirmations d’un directeur technique, M. Ramstein que tout allait bien se passer, a maintenu la fermeture du centre d’impression de Mulhouse, avec 70 licenciements à la clé. Pour des raisons d’économie, paraît-il…
On peut évidemment douter des compétences d’un directeur technique qui fait des affirmations fantaisistes. A moins que la pression fût tellement forte qu’il a obtempéré à la voix de son maître qui lui enjoignait de fermer l’imprimerie de L’Alsace.
Mais les imprimeurs strasbourgeois ne sont pas les seuls à être au bord de la rupture comme l’indique la lettre ouverte aux administrateurs. Mais que répond la direction: « C’est ainsi. Si cela ne plaît pas à certains, ils sont libres de partir. Nous travaillerons avec ceux qui veulent bien nous suivre ». Fermer le ban, circulez, il n’y a rien à voir.
Perdre des abonnés, pfuii…
Quand les salariés objectaient que le choix de la direction pourrait conduire à des désabonnements, la direction répondait avec superbe : « On est prêt à perdre 2.000 abonnés pour faire des économies… »
On ne sait pour l’heure combien de pertes de lecteurs cela va occasionner, la seule chose sûre c’est qu’il y en aura surtout à l’occasion de réabonnement…
Mais il y a peut être pire. Il est clair que la direction du Crédit Mutuel ne peut pas laisser perdurer une situation de ce type. Comme il n’est plus possible de ramener l’impression de L’Alsace à Mulhouse (la direction à détruit la rotative), il faudra bien trouver des solutions.
Et on peut s’interroger s’il n’y a pas un plan machiavélique dès le départ de toute cette affaire. Le but premier de M. Théry est de ne faire qu’un seul journal en Alsace. Pour un énarque, comprendre que la presse doit être « pluraliste » pour gagner en crédibilité, c’est comme lui expliquer qu’il ne faut pas confondre l’émeri avec le papier de verre ! Il n’en a jamais vu un seul de ces deux produits, d’ailleurs pourquoi faire. Le propre des Énarques, c’est qu’ils savent tout, ils sont l’élite de la nation… puisque c’est ce qu’on leur a dit à l’ENA. Ils ont donc forcément raison…
Ces difficultés techniques peuvent être une bonne occasion pour fusionner les Dernières Nouvelles d’Alsace et L’Alsace en éditant qu’un seul journal (sous deux noms différents), en regroupant ou supprimant des éditions. Ainsi, cela permettra de gagner du temps à l’impression et permettra d’améliorer (un peu) les heures de fin de tirage.
Mais cela ne règlera en rien les effets d’une certaine obsolescence des rotatives strasbourgeoises qui sont installées en plein centre de la ville. L’actuel PDG de la presse du Crédit Mutuel fut celui du groupe Amaury jusqu’à ce que Mme Amaury lui propose d’aller voir ailleurs ce qui se passe. Car ses choix désastreux (externalisation des imprimeries, changement de format de l’Équipe…) plombent aujourd’hui encore le groupe de presse parisien.
Apparemment, cela ne gêne pas le Crédit mutuel : cela ne le gêne pas de tuer un journal, d’uniformiser la presse en Alsace… pour le moment. Premier patron de presse quotidienne en France, M. Théry rêve peut être de faire de ses neuf journaux régionaux de l’Est de la France, un seul et même quotidien. Et déjà de compter combien de journalistes, d’employés, d’ouvriers, de cadres, de porteurs, il pourra licencier… L’Énarchie est aux anges…