Les salariés, leur syndicat (la FILPAC-CGT, un peu seule dans cette affaire), le Comité d’entreprise avaient prévenu : le transfert de l’imprimerie de notre quotidien mulhousien à Strasbourg allait être catastrophique pour le journal ! Quatre mois ont passé : il est à présent prouvé que l’éloignement à 130 kilomètres du lieu d’impression entraîne des retards considérables et fréquents dans la distribution, conduit à des regroupements d’édition voire à la suppression de ces éditions, appauvrit le contenu du journal car l’obligation de « boucler » le quotidien à 10 h (avec une tolérance pour certains éditions) empêche de publier des informations importantes.

Dans un article, L’Alterpresse68 y allait aus­si de son ana­lyse en affir­mant que « L’éloignement des impri­me­ries du réseau des por­teurs, c’est le risque assu­ré de retards fré­quents dans la distribution. »

http://8a0tduaju.preview.infomaniak.website/2017/07/28/presse-alsacienne-developper-plutot-sacrifier/?highlight=credit%20mutuel


Des per­son­nels au bord du « syn­drome d’épuisement » (Burn-out)


Voi­là le genre de mes­sage qui se répète régu­liè­re­ment dans les colonnes du journal :

« En rai­son d’in­ci­dents tech­niques durant l’im­pres­sion du jour­nal de ce mer­cre­di 7 novembre, la paru­tion a été retar­dée et cer­taines édi­tions ont été adaptées.

(…)

Les édi­tions de Gueb­willer et de Thann ont été rem­pla­cées par celle de Mul­house, et celle de Séles­tat par celle de Colmar.

(…)

En rai­son d’une panne sur­ve­nue lors de la livrai­son, cer­tains jour­naux datés de ce ven­dre­di 16 novembre ont été retar­dés de plu­sieurs heures, dans le sec­teur de Mulhouse. »

Dans une lettre ouverte des­ti­née aux admi­nis­tra­teurs du jour­nal, les syn­di­cats tous réunis, font ce constat: « La fer­me­ture du centre d’impression à Mul­house est une catas­trophe pour nos deux jour­naux alsa­ciens. Les pro­blèmes tech­niques récur­rents à l’imprimerie des DNA entraînent des retards de livrai­son ou des regrou­pe­ments d’éditions aux consé­quences déplo­rables. En six semaines, à date, onze gros inci­dents ont entraî­né en moyenne 1 h à 1 h 30 de retard, sans comp­ter les pro­blèmes d’encartage, les édi­tions non impri­mées et les jour­naux sans sup­plé­ments. Les por­teurs de jour­naux sont en grande dif­fi­cul­té, par­fois dans l’impossibilité de livrer, les abon­nés se plaignent de plus en plus et notre ser­vice clients est débor­dé. Le per­son­nel est au bord du syn­drome d’épuisement pro­fes­sion­nel car har­ce­lé par des lec­teurs-abon­nés expri­mant ver­te­ment, par­fois furieu­se­ment, leur colère de ne pas avoir leur jour­nal. Pire encore, nos ven­deurs abon­ne­ments sont pris à par­tie phy­si­que­ment sur les stands com­mer­ciaux des foires et salons. Les abon­nés sont viru­lents et par­fois incon­trô­lables. Qu’en sera-t-il lorsque les condi­tions de cir­cu­la­tion seront impac­tées par l’hiver ? »

Les ouvriers de l’imprimerie à Stras­bourg n’en peuvent plus : impri­mer du jour au len­de­main 100.000 exem­plaires en 7 ou 8 édi­tions en plus de leur propre pro­duc­tion des Der­nières Nou­velles d’Al­sace n’est pas pos­sible dans les délais impar­tis. Ils l’avaient affir­mé avant la déci­sion du trans­fert. La direc­tion du Cré­dit Mutuel, forte des affir­ma­tions d’un direc­teur tech­nique, M. Ram­stein que tout allait bien se pas­ser, a main­te­nu la fer­me­ture du centre d’impression de Mul­house, avec 70 licen­cie­ments à la clé. Pour des rai­sons d’économie, paraît-il…

On peut évi­dem­ment dou­ter des com­pé­tences d’un direc­teur tech­nique qui fait des affir­ma­tions fan­tai­sistes. A moins que la pres­sion fût tel­le­ment forte qu’il a obtem­pé­ré à la voix de son maître qui lui enjoi­gnait de fer­mer l’imprimerie de L’Alsace.

Mais les impri­meurs stras­bour­geois ne sont pas les seuls à être au bord de la rup­ture comme l’in­dique la lettre ouverte aux admi­nis­tra­teurs. Mais que répond la direc­tion: « C’est ain­si. Si cela ne plaît pas à cer­tains, ils sont libres de par­tir. Nous tra­vaille­rons avec ceux qui veulent bien nous suivre ». Fer­mer le ban, cir­cu­lez, il n’y a rien à voir.


Perdre des abon­nés, pfuii…


Quand les sala­riés objec­taient que le choix de la direc­tion pour­rait conduire à des désa­bon­ne­ments, la direc­tion répon­dait avec superbe : « On est prêt à perdre 2.000 abon­nés pour faire des économies… »

On ne sait pour l’heure com­bien de pertes de lec­teurs cela va occa­sion­ner, la seule chose sûre c’est qu’il y en aura sur­tout à l’occasion de réabonnement…

Mais il y a peut être pire. Il est clair que la direc­tion du Cré­dit Mutuel ne peut pas lais­ser per­du­rer une situa­tion de ce type. Comme il n’est plus pos­sible de rame­ner l’impression de L’Alsace à Mul­house (la direc­tion à détruit la rota­tive), il fau­dra bien trou­ver des solutions.

Et on peut s’interroger s’il n’y a pas un  plan machia­vé­lique dès le départ de toute cette affaire. Le but pre­mier de M. Thé­ry est de ne faire qu’un seul jour­nal en Alsace. Pour un énarque, com­prendre que la presse doit être « plu­ra­liste » pour gagner en cré­di­bi­li­té, c’est comme lui expli­quer qu’il ne faut pas confondre l’émeri avec le papier de verre ! Il n’en a jamais vu un seul de ces deux pro­duits, d’ailleurs pour­quoi faire. Le propre des Énarques, c’est qu’ils savent tout, ils sont l’élite de la nation… puisque c’est ce qu’on leur a dit à l’ENA. Ils ont donc for­cé­ment raison…

Ces dif­fi­cul­tés tech­niques peuvent être une bonne occa­sion pour fusion­ner les Der­nières Nou­velles d’Al­sace et L’Al­sace en édi­tant qu’un seul jour­nal (sous deux noms dif­fé­rents), en regrou­pant ou sup­pri­mant des édi­tions. Ain­si, cela per­met­tra de gagner du temps à l’impression et per­met­tra d’améliorer (un peu) les heures de fin de tirage.

Mais cela ne règle­ra en rien les effets d’une cer­taine obso­les­cence des rota­tives stras­bour­geoises qui sont ins­tal­lées en plein centre de la ville. L’actuel PDG de la presse du Cré­dit Mutuel fut celui du groupe Amau­ry jusqu’à ce que Mme Amau­ry lui pro­pose d’aller voir ailleurs ce qui se passe. Car ses choix désas­treux (exter­na­li­sa­tion des impri­me­ries, chan­ge­ment de for­mat de l’Équipe…) plombent aujourd’hui encore le groupe de presse parisien.

Appa­rem­ment, cela ne gêne pas le Cré­dit mutuel : cela ne le gêne pas de tuer un jour­nal, d’uniformiser la presse en Alsace… pour le moment. Pre­mier patron de presse quo­ti­dienne en France, M. Thé­ry rêve peut être de faire de ses neuf jour­naux régio­naux de l’Est de la France, un seul et même quo­ti­dien. Et déjà de comp­ter com­bien de jour­na­listes, d’employés, d’ouvriers, de cadres, de por­teurs, il pour­ra licen­cier… L’Énarchie est aux anges…