Les Alsacien(ne)s sont-ils(elles) éternellement condamné(e)s à être trahi(e)s par les gouvernements et leurs élus locaux ?

Au cours de son histoire spécifique, le peuple alsacien a dû à maintes fois déplorer que son histoire, ses acquis, ses intérêts, soient bradés par leurs élus qui pourtant, leur avaient vendu qu’ils défendront becs et ongles leur Région.

Un de ces mensonges les plus flagrants fut les promesses (de gascons) du général Joffre à Thann le 24 novembre 1914, à la mairie de Thann, dans cette petite portion de l’Alsace redevenue française et qui le restera durant toute la guerre :

« Notre retour est définitif, vous êtes français pour toujours. La France vous apporte, avec les libertés qu’elle a toujours représentées, le respect de vos libertés alsaciennes, de vos traditions, de vos convictions, de vos mœurs. Je suis la France, vous êtes l’Alsace. Je vous apporte le Baiser de la France. »

On sait ce qu’il en advint ! Dès 1918, les Alsa­ciens ont subit une « fran­ci­sa­tion » à outrance avec un lot d’injustices consi­dé­rables qui mar­qua le désa­mour entre la France et le peuple Alsa­cien. Et a engen­dré une aspi­ra­tion à l’autonomie qui était le fait poli­tique mar­quant entre les deux guerres.

Le Grand-Est : je t’aime, moi non plus !

Quand le gou­ver­ne­ment socia­liste a impo­sé une réforme ter­ri­to­riale sans deman­der son avis à la popu­la­tion, des élus alsa­ciens s’y sont oppo­sés ver­te­ment. Deux per­son­na­li­tés, et pas des moindres, Phi­lippe Richert et Jean Rott­ner, étaient vent debout contre la réforme, fai­sant même signer des péti­tions. Les gogos qui ont fait confiance à Rott­ner s’en mordent encore les doigts ! Quand le gou­ver­ne­ment leur a pro­po­sé de diri­ger cette nou­velle col­lec­ti­vi­té, ils ont retour­né leur veste… pour deve­nir les défen­seurs les plus achar­nés de la nou­velle « GRANDE » Région !

Mais le peuple alsa­cien, lui, n’a pas oublié ! Il conti­nue, son­dage à l’appui, de reje­ter l’idée du Grand Est et demande à 67% de sor­tir du Grand Est et à 83% la mise en place d’une col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale Alsace (son­dage IFOP du 20 février 2018).

Panique dans les états-majors poli­tiques ! Cela coûte même la place à Phi­lippe Richert qui démis­sionne de son poste de pré­sident en le refi­lant à… Jean Rottner !

Les res­pon­sables du PS, sourds comme sou­vent à l’aspiration popu­laire, rejettent avec véhé­mence la sor­tie du Grand Est. De quoi leur atti­rer les sym­pa­thies des élec­teurs-trices alsacien(ne)s pour les pro­chaines élec­tions européennes…

Des femmes et hommes poli­tiques plus res­pon­sables com­prennent bien qu’il se passe quelque chose et qu’il faut répondre à des attentes. En ordre dis­per­sés, les élus de la Région y vont de leur idée mais se mettent au garde-à-vous quand le pré­sident de la Répu­blique décrète qu’il n’acceptera aucune sor­tie du Grand Est. Tout juste daigne-t-il, en met­tant sa ministre de la « cohé­sion des ter­ri­toires » (sic) Jac­que­line Gou­raud, sur le coup pour doter l’Alsace d’un mis­ti­gri appe­lé « Col­lec­ti­vi­té euro­péenne d’Alsace » dont per­sonne ne sait vrai­ment de quoi il retourne. La seule chose sûre, c’est que les deux dépar­te­ments alsa­ciens devront fusion­ner… choix que les Alsa­ciens avaient reje­té par réfé­ren­dum en 2013… Mais comme sou­vent dans nos « démo­cra­ties », si le vote popu­laire ne convient pas aux élites, ils font revo­ter jusqu’à l’obtention du résul­tat escomp­té. Mais là, même pas de nou­velle consul­ta­tion : la déci­sion vient des seuls élus, les Alsa­ciens n’ont pas été consultés…

Bri­gitte Klin­kert : un pilote dans l’avion ?

Il faut recon­naître à Mme Klin­kert, pré­si­dente du conseil dépar­te­men­tal 68, une cer­taine constance. Elle a bien défen­du l’idée d’une Col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale avec des pou­voirs sur de nom­breux points. Peut-être aurait-il fal­lu plus s’appuyer sur les asso­cia­tions et sur les citoyennes et citoyens. Peut-être aurait-on pu mieux expli­quer pour­quoi l’Alsace a besoin d’une struc­ture poli­tique à son échelle ? Peut-être aurait-on pu cla­ri­fier ce que cette col­lec­ti­vi­té spé­ci­fique ferait mieux que l’actuel Conseil Régio­nal du « Grand » Est ? Peut-être même aurait-on pu consul­ter les Alsa­ciennes et les Alsa­ciens sur les com­pé­tences que devraient avoir cette Col­lec­ti­vi­té ? Et ne pas oublier les com­pé­tences envi­ron­ne­men­tales comme cela est le cas alors que nous sommes une des régions les plus mena­cées sur ce point (Fes­sen­heim, Sto­ca­mine, GCO, Trans­ports routiers….)

Évi­dem­ment, le cadre de la col­lec­ti­vi­té pro­po­sée n’a rien à voir avec les demandes de Bri­gitte Klin­kert. Mais elle fait bonne figure en for­çant la dose et n’hésitant pas à décla­rer : « (Nous avons) signé aujourd’hui à Mati­gnon avec le Pre­mier Ministre l’acte de renais­sance de l’Alsace.

Au 1er jan­vier 2021, la Col­lec­ti­vi­té Euro­péenne d’Alsace per­met­tra le retour de l’Alsace par la grande porte, avec de vraies com­pé­tences par­ti­cu­lières et spé­ci­fiques. Cette col­lec­ti­vi­té de par ses com­pé­tences sera unique en France.

C’est une vic­toire his­to­rique pour l’Alsace et les Alsa­ciens, une réa­li­té à laquelle plus per­sonne n’osait croire il y a quelques mois encore. Aujourd’hui l’Al­sace gagne et l’Alsace avance. »

Les réserves de Ini­tia­tive citoyenne alsa­cienne ICA

L’ICA, avec à sa tête un Pierre Klein qui n’a pas ména­gé ses efforts pour faire de mul­tiples débats citoyens sur la ques­tion, répond ain­si à la créa­tion de cette « Col­lec­ti­vi­té » : « La créa­tion d’une col­lec­ti­vi­té alsa­cienne qui devra s’appeler Col­lec­ti­vi­té euro­péenne d’Alsace est donc acquise ou plu­tôt en chan­tier. En effet, tout reste à faire d’ici 2021, tant au niveau de la fusion des deux conseils dépar­te­men­taux que des com­pé­tences par­ti­cu­lières dont la nou­velle col­lec­ti­vi­té devra béné­fi­cier. Ce ne sera pas une col­lec­ti­vi­té à sta­tut par­ti­cu­lier, nous le déplorons.

Cepen­dant, nous saluons ce qui pour nous doit être une étape vers elle. Les champs d’action res­te­ront limi­tés et enca­drés, nous le déplo­rons de même. Cepen­dant, le pire aurait été qu’il ne se passe rien et nous avons tou­jours dit qu’il fal­lait prendre ce qui était prenable. »

Nous retrou­vons-là l’éternel dilemme alsa­cien : accep­ter ce qu’on veut bien nous don­ner, car cela pour­rait être pire. Cette image de doci­li­té des­sert fon­da­men­ta­le­ment les inté­rêts de l’Alsace. Et que faire maintenant ?

La bron­ca au Conseil régional

Pour ceux qui croyaient encore à la sin­cé­ri­té des pro­po­si­tions gou­ver­ne­men­tales et au triom­pha­lisme des élus alsa­ciens, le der­nier Conseil régio­nal du « Grand » Est a fait office de douche froide !

Devant les pro­tes­ta­tions des élus des autres Régions, élus socia­listes en tête, Jean Rott­ner a dû vendre la mèche. Cité par le jour­nal L’Alsace, le pré­sident répond aux pro­tes­ta­tions des élus : « Il n’y a pas de tsu­na­mi régio­nal mais sim­ple­ment un tra­vail pour deux dépar­te­ments qui veulent fusion­ner » !

Deux remarques : Ni Bri­gitte Klin­kert, ni Fré­dé­ric Bier­ry n’ont deman­dé la fusion de dépar­te­ments, ils étaient même contre. Ils ont semble-t-il ava­lé la cou­leuvre contre une pro­messe du main­tien de deux pré­fec­tures à Stras­bourg et à Colmar.

Mais là n’est pas l’essentiel : M. Rott­ner dit clai­re­ment que cette nou­velle « Col­lec­ti­vi­té » au nom ron­flant… est, pour lui, une coquille vide : elle n’aura ni plus ni moins que les com­pé­tences d’un dépar­te­ment… ce que les deux ont déjà actuellement !

Et Rott­ner d’enfoncer le clou : « La Région ne se défait d’AUCUNE de ses responsabilités »…

Un hochet pour cal­mer les Alsacien(ne)s ?

Il est clair que tout le monde ne lit pas la décla­ra­tion de Mati­gnon annon­çant la créa­tion de la Col­lec­ti­vi­té euro­péenne d’Alsace, de la même manière. Pour­tant, il faut être par­ti­cu­liè­re­ment bien­veillant voire naïf pour trou­ver quelque chose de concret dans cette décla­ra­tion qui se limite à énon­cer de grands prin­cipes sans les détailler et sur­tout en oubliant un volet essen­tiel : quels seront les moyens finan­ciers, le bud­get, de cette Col­lec­ti­vi­té, com­ment sera-t-il ali­men­té, qui déci­de­ra de l’affectation des dépenses, etc.…

Le chef de fil socia­liste du Conseil régio­nal, M. Mas­se­ret a beau jeu de réagir ain­si aux pro­pos de M. Rott­ner : « Si demain les Alsa­ciens lisent dans la presse qu’il n’y a rien dans la décla­ra­tion de Mati­gnon, qui aura le sen­ti­ment d’être trompé »…

Si véri­ta­ble­ment des élus alsa­ciens sin­cères pensent qu’il y a quelques choses à tirer de cette décla­ra­tion, il fau­dra bien créer un rap­port de force dans la région pour défi­nir les vrais pou­voirs de cette nou­velle assem­blée ter­ri­to­riale. Or, cela ne prend pas le che­min puisque tout conti­nue d’être trai­té en petit comi­té dans le silence des cabi­nets feu­trés de nos Minis­tères et de l’Élysée.

Alors, pour­quoi ne pas orga­ni­ser un réfé­ren­dum en Alsace avec une ques­tion simple : « vou­lez-vous sor­tir du Grand Est ?». En fonc­tion de la réponse, il fau­dra bien créer une struc­ture poli­tique qui aura les moyens et les com­pé­tences de gérer notre région.

Sinon, tout cela n’aura été qu’un « attrape-couillon »… Ce que les Alsa­ciens n’aiment pas trop en géné­ral et ils sau­ront s’en sou­ve­nir aux pro­chaines élections.

Mer­ci au jour­nal Heb­di de nous avoir auto­ri­sé à uti­li­ser une de ses illus­tra­tions pour cet article

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