Le monde de la culture dans son ensemble gar­gouille d’aise devant l’a­dop­tion en der­nière lec­ture (le texte cir­cule depuis 3 ans entre par­le­men­taires, com­mis­saires et ministres) de la direc­tive « droits d’au­teurs », fon­dée sur la base du rap­port de l’eu­ro­dé­pu­té alle­mand Axel Voss (CDU).

Les articles 11 et 13 (deve­nus 15 et 17) concen­traient l’es­sen­tiel des cri­tiques du monde asso­cia­tif et des défen­seurs du libre, les­quelles se trou­vaient conjoin­te­ment, et para­doxa­le­ment, en phase avec les GAFAM.

Il y est ques­tion de « droits voi­sins » pour les édi­teurs de presse (article 11, puis 15), dont les contours sont suf­fi­sam­ment flous pour per­mettre de nom­breuses dérives, et de cen­sure néces­sai­re­ment algo­rith­mique, donc auto­ma­tique (article 13, puis 17), sur les créa­tions vidéos ou audios sus­cep­tibles de conte­nir un frag­ment d’oeuvre pro­té­gée par un copyright. 

L’Elec­tro­nic Fron­tier Foun­da­tion, pre­mière orga­ni­sa­tion mon­diale de défense des droits numé­riques, s’en est insur­gée dans une lettre ouverte. Selon elle, « l’article 13 fait un pas sans pré­cé­dent vers la trans­for­ma­tion d’Internet, d’une pla­te­forme ouverte de par­tage et d’innovation, en un outil de sur­veillance et de contrôle auto­ma­ti­sé des inter­nautes ».

Évi­dem­ment, pour l’in­dus­trie, la musique est toute autre. il y est ques­tion de consi­dé­rables rentes à défendre, mais les petits artistes ou édi­teurs y gagne­ront-ils nécessairement ? 

A l’oc­ca­sion de la ses­sion par­le­men­taire du Par­le­ment euro­péen à Stras­bourg, Luc Ueber­schlag et Jeanne Roy se sont atta­chés à inter­ro­ger des par­ti­sans et adver­saires de la direc­tive, dont les rami­fi­ca­tions et consé­quences pour­raient être nom­breuses, y com­pris pour votre jour­nal élec­tro­nique favo­ri, dès lors que celle-ci sera trans­po­sée en droit français… 

Phi­lippe Lam­berts, euro­dé­pu­té et membre du « par­ti éco­lo » belge, en est un adver­saire de longue date. Il nous explique pourquoi:

Tout comme Mar­tin Dra­go, juriste auprès de l’as­so­cia­tion de défense du logi­ciel libre, et farouche par­ti­san de la pro­tec­tion des don­nées per­son­nelles et de la vie pri­vée, « La qua­dra­ture du net »:

Du « bon » côté du manche, les défen­seurs de la pro­prié­té intel­lec­tuelle et du droit d’au­teur, voient notam­ment un ancien pay­san, José Bové, naguère défen­seur de la lutte contre l’ex­ten­sion du camp mili­taire du Lar­zac, le même qui se plai­sait, voi­ci une bonne ving­taine d’an­nées, à oppo­ser légi­ti­mi­té et léga­li­té, afin de jus­ti­fier ses pra­tiques mili­tantes illé­gales. Le voi­ci (en écho avec la CGT spec­tacles), réus­sis­sant donc le tour de force de n’é­vo­quer la vic­toire du droit d’au­teur qu’aux dépens des seuls GAFAM, sans consi­dé­ra­tion pour les 5 mil­lions de péti­tion­naires et les dizaines de mil­liers de mani­fes­tants qui se sont ras­sem­blés dans les diverses capi­tales euro­péennes ces der­niers jours afin de pro­tes­ter contre ce cade­nas­sage en règle du réseau, mené au nom de la défense des inté­rêts de l’in­dus­trie cultu­relle. Et pour ce faire, les pro­tes­ta­taires n’ont pas même per­çu une miette de rému­né­ra­tion de la part de Google ! Éton­nant, non ? Alors, José, Gar­da­rem lou matraque ?

Enfin, la poly­tech­ni­cienne et (notam­ment) ancienne sala­riée de l’in­dus­trie de l’ar­me­ment, Vir­gi­nie Rozière, membre de LRDG. Si elle condes­cend à recon­naitre la sym­pa­thie que lui ins­pirent le cré­do des « liber­taires », qui se sont oppo­sés à ce texte depuis 3 ans, elle ne voit tou­te­fois que de lucra­tifs avan­tages cultu­rels à cette directive:

Nul doute que les beso­gneux de la culture, ain­si que les médias qui ne sont plus tri­bu­taires que de leurs régies publi­ci­taires, et non plus de leurs lec­teurs, peuvent se satis­faire de cette nou­velle sur­couche de culture privative.