L’assistance frô­lait la cen­taine en ce dimanche 20 novembre dans l’Espace Léo Lagrange à Wit­ten­heim pour les « Ren­contres d’Automne du Par­ti Com­mu­niste haut-rhi­nois ». Salué par le maire de Wit­ten­heim, Antoine Homé, et en pré­sence du vice-pré­sident de M2A, Loïc Miné­ry et du conseiller com­mu­nau­taire Joseph Simoé­ni, le secré­taire de la sec­tion mul­hou­sienne, Yen­di Bal­das­si, a accueilli Patrick Le Hya­ric, Direc­teur du jour­nal L’Humanité il y a encore quelques mois et ancien dépu­té européen.

Venu pour pré­sen­ter son ouvrage « Les rai­sons de la guerre en Ukraine », qui connaît un joli suc­cès édi­to­rial. Le sous-titre du livre donne le ton : « pour une sécu­ri­té humaine globale ».

Loin des léni­fiants débats sur cette guerre dans tous les médias de notre pays, repre­nant au mot près, les élé­ments de lan­gage pré­pa­rés par des équipes de com­mu­ni­cants, l’analyse de Patrick Le Hya­ric cherche d’une manière appro­fon­die, les rai­sons de la guerre, en échap­pant aux sim­plis­simes argu­ments sur la patho­lo­gie de Poutine.

Qu’on ne cherche pas chez l’auteur une quel­conque com­pré­hen­sion pour le Pré­sident de la Rus­sie : pour lui, Pou­tine est le repré­sen­tant d’un capi­ta­lisme d’État russe qui s’affronte à d’autres formes de capi­ta­lisme dont celui de l’occident : cha­cun veut cher­cher à domi­ner le monde. On sait depuis Jau­rès, que le « capi­ta­lisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage » : cet affron­te­ment est bien celui inhé­rent à un capi­ta­lisme en crise et à l’affaiblissement, voire l’obsolescence des règles défi­nies à la suite de la 2e guerre mon­diale octroyant aux États-Unis la maî­trise d’une pla­nète dont l’ensemble des nations se sont dotés d’une éco­no­mie capitaliste.

Les naïfs qui vou­laient croire que la géné­ra­li­sa­tion du capi­ta­lisme comme modèle éco­no­mique dans tous les pays du globe allait répandre paix et pros­pé­ri­té, avait tout sim­ple­ment oublié le constat de Jean-Jaurès.

INJUSTIFIABLE ET EXPLICABLE

Patrick Le Hya­ric est caté­go­rique : la guerre que mène Pou­tine est injus­ti­fiable… mais ses rai­sons sont identifiables.

Il rap­pelle que les États-Unis, avec les Pays euro­péens comme vas­saux, n’ont pas tenu leur pro­messe de ne pas étendre l’Organisation du Trai­té de l’Atlantique Nord (OTAN) faite lors de la fin de l’Union Sovié­tique au nou­veau pou­voir en Rus­sie. Michael Gor­bat­chev, le signa­taire de ce trai­té, puis Boris Elt­sine, s’en sont sou­vent ouverts aux USA, sans pour autant stop­per l’extension irré­mé­diable de cette alliance mili­taire, alors que son pen­dant à l’Est, le « Pacte de Var­so­vie » avait été dissous.

Le contrôle exer­cé par les USA sur l’Ukraine dès 2014, dont on mesure peu à peu l’ampleur à tous égards, a été res­sen­ti par Vla­di­mir Pou­tine comme le signe irré­fu­table d’une volon­té de mettre la Rus­sie sous la coupe des puis­sances occidentales.

L’auteur rap­pelle qu’en 1991, en Rus­sie, c’est le capi­ta­lisme le plus sau­vage qui s’est ins­tal­lé qui a jeté des mil­lions de Russes dans une pro­fonde détresse et bien sou­vent la misère. Les plus anciens ont payé un lourd tri­but à ce capi­ta­lisme qui a d’un autre côté géné­ré des for­tunes immenses pour quelques oli­garques… et les grandes mul­ti­na­tio­nales d’origine US et européennes !

La situa­tion que connais­sait les citoyens russes était simi­laire à celle que l’Ukraine s’est éga­le­ment infli­gée : en 2014, le pays est au bord de la faillite et seul l’intervention du FMI à hau­teur de 18 mil­liards de dol­lars… avec en contre­par­tie, une baisse impor­tante des salaires et la réduc­tion du prix de l’énergie aux entreprises !

Le peuple russe a une grande fier­té de son pas­sé, de son his­toire. Pou­tine a ain­si res­sus­ci­té la « Grande Rus­sie » pour faire accep­ter ce modèle éco­no­mique étroi­te­ment contrô­lé par l’État.

Ce capi­ta­lisme d’État russe a été très rapi­de­ment mis en concur­rence avec un autre capi­ta­lisme d’État, celui en Ukraine, très imbri­qué dans le sys­tème russe sur de nom­breux aspects fon­da­men­taux, dont l’accès à l’énergie était le plus déter­mi­nant : prix de gaz livré par la Rus­sie à des condi­tions très com­pé­ti­tives, connexion des réseaux élec­triques dont les cen­trales nucléaires étaient de fait diri­gées par la Rus­sie dans les deux pays… L’insistance des USA à contrô­ler de plus en plus l’Ukraine a conduit Pou­tine à vou­loir récu­pé­rer par n’importe quels moyens son influence sur ce pays.

Sans vou­loir déflo­rer tota­le­ment le livre pas­sion­nant de Patrick Le Hya­ric, notons qu’au-delà des rai­sons évo­quées ci-des­sus (les enjeux géos­tra­té­giques, la pen­sée ultra­réac­tion­naire, impé­riale et natio­na­liste de Pou­tine…), l’auteur met en évi­dence la guerre éco­no­mique intra-capi­ta­liste, notam­ment la volon­té US d’affaiblir l’Allemagne, d’affronter la Chine, mon­trant la vani­té de ces actes alors que la pla­nète est en dan­ger avec l’approfondissement des inéga­li­tés et les bou­le­ver­se­ment climatiques.

GAGNER LA PAIX

Dans son der­nier cha­pitre, Patrick Le Hya­rick annonce que « per­sonne ne gagne­ra cette guerre ». Il faut donc « gagner la paix ». Il est conscient que lan­cer un mou­ve­ment pour la paix dans ces condi­tions est dif­fi­cile… Et pour­tant, c’est la seule issue.

Au lieu d’être un acteur de la guerre aux côtés des USA, l’Europe devrait être un acteur de la paix. Il prône l’organisation d’une Confé­rence Pan-Euro­péenne sur la sécu­ri­té en Europe avec au préa­lable l’établissement d’un ces­sez-le-feu. Il déplore que la France de M. Macron ait dila­pi­dé tout son capi­tal diplo­ma­tique his­to­rique et constate que le pré­sident n’a essuyé que des échecs dans toute ses ten­ta­tives d’intervention.

Aujourd’hui, c’est la Tur­quie qui réus­si les prin­ci­pales avan­cées diplo­ma­tiques comme on l’a vu avec le trai­te­ment des expor­ta­tions de céréales.

Le der­nier cha­pitre inti­tu­lé « Pour un monde com­mun, construire une sécu­ri­té humaine glo­bale » pro­pose des solu­tions inédites pour une orga­ni­sa­tion mon­diale pre­nant mieux en compte les dif­fé­rences, les risques actuels de crise, la réforme des ins­ti­tu­tions inter­na­tio­nales aujourd’hui en mal d’initiatives de nature à main­te­nir une paix durable, de lut­ter contre les bou­le­ver­se­ments cli­ma­tiques aggra­vant les injus­tices qui sont, comme l’histoire nous l’apprend, plus des fac­teurs de guerre que de paix.

Un spec­ta­teur a enre­gis­tré tout ou par­tie de la confé­rence, à par­tir de son maté­riel per­son­nel (on y retrouve un peu d’é­cho pen­dant une tren­taine de minutes). En rai­son de l’in­té­rêt public des décla­ra­tions de Patrick Le Hya­rick, nous vous pro­po­sons ci-des­sous sa res­ti­tu­tion :

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