Le Col­lec­tif des Asso­cia­tions Unies du Haut-Rhin (AU68), lequel ras­semble 17 asso­cia­tions dans le Haut-Rhin, s’est fixé comme objec­tif, depuis sa créa­tion en 2015, de rendre effec­tif le droit au loge­ment et à l’hébergement. Cette année encore, du 10 au 17 mai 2019, sous le thème « Osez la soli­da­ri­té », le Col­lec­tif orga­nise une « Semaine imper­ti­nente des asso­cia­tions » avec de nom­breuses ini­tia­tives, ren­contres, débats, réunions d’informations… A entendre Odile Four­nier, res­pon­sable locale de la Fon­da­tion de l’Abbé Pierre, entou­rée de Loïc Richard (Union natio­nal du loge­ment accom­pa­gné), Bri­gitte Car­raz (Mai­son de la Citoyen­ne­té Mon­diale), Noëlle Casa­no­va (Urgence Wel­come) et André Bar­noin (Mou­ve­ment Natio­nal Chô­meurs et Pré­caires), la Soli­da­ri­té doit être de plus en plus imper­ti­nente pour être active. A l’entendre, on pour­rait même pen­ser que prô­ner la soli­da­ri­té de nos jours relève de plus en plus de la subversion !

Le thème de cette 3e semaine de mobi­li­sa­tion, est « éra­di­quer l’habitat indigne ». A Mul­house, on compte  131 per­sonnes sans abri, 151 mise à l’abri hiver­nal jusqu’au 31 mars et qui ne sont plus héber­gées à pré­sent. A cela, il faut rajou­ter 178 per­sonnes pla­cées en urgence dans des hôtels.

Pour­tant, selon Odile Four­nier, ces chiffres ne reflètent  pas l’am­pleur de la situa­tion : aus­si de nom­breuses per­sonnes ont depuis long­temps ces­sé d’ap­pe­ler le 115 (numé­ro d’urgence). La majo­ri­té d’entre elles, sou­vent les plus vul­né­rables, ne sol­li­cite plus le 115 par décou­ra­ge­ment face aux condi­tions d’accueil et d’accompagnement indignes ou au manque de places renon­çant ain­si à leur droit à l’hébergement.

Le loge­ment indigne

L’habitat indigne c’est aus­si une mani­fes­ta­tion de la pau­vre­té et de l’isolement social. C’est le cas, par exemple, de nom­breuses per­sonnes âgées en milieu rural, qui subissent depuis long­temps des condi­tions d’habitat dif­fi­ciles et dan­ge­reuses et n’appellent jamais à l’aide.

Sa défi­ni­tion est la sui­vante : locaux impropres à l’habitation ou dont l’état expose les occu­pants à des risques mani­festes por­tant atteinte à leur sécu­ri­té phy­sique ou leur santé.

Concrè­te­ment, ils sont carac­té­ri­sé par l’humidité, les pro­blèmes d’isolation, infil­tra­tions d’eau, ins­tal­la­tion élec­trique défec­tueuse, manque du confort sani­taire de base (eau chaude, WC, cuisine…)

Des mil­lions de per­sonnes sont encore confron­tés à des formes graves de mal loge­ment, dont celle du loge­ment indigne. Quatre asso­cia­tions de lutte contre le mal loge­ment (Fon­da­tion Abbé Pierre, PROCIVIS, SOLIHA et Asso­cia­tion natio­nale des com­pa­gnons bâtis­seurs) dénoncent le fait que
ce phé­no­mène mas­sif (600 000 loge­ments) est en grande par­tie le résul­tat d’une crise du loge­ment qui per­siste et qui, par le manque de loge­ments acces­sibles aux ménages pauvres et l’explosion des loyers dans le parc pri­vé décent, a pro­duit des effets désastreux.

Dans le Haut-Rhin, le nombre de loge­ments poten­tiel­le­ment indignes du parc pri­vé est de 8.754 loge­ments soit 3,1% de l’ensemble des loge­ments pri­vés. Et 40% de ce parc se trouve sur la ville de Mulhouse !

Par­mi les plus vul­né­rables, on compte les per­sonnes sor­tant de l’Aide sociale à l’enfance, celles sor­tants de pri­sons et celles hos­pi­ta­li­sées en psy­chia­trie. En France des mil­liers de per­sonnes chaque année sortent d’institutions sans solu­tion de loge­ment à la sor­tie. Ces « sor­ties sèches » sont source de rup­tures de par­cours  vio­lentes pour des per­sonnes déjà fragilisées.

Les consé­quences de res­tric­tions budgétaires

Selon le Col­lec­tif AU68, per­sonne ne conteste la néces­si­té d’accompagner et de pré­ve­nir les rup­tures, mais les condi­tions de mise en œuvre ne sont pas réunies

Les pro­fes­sion­nels concer­nés sont nom­breux à témoi­gner d’une souf­france liée à l’impuissance ou au manque de moyens ou de marges de manœuvres.

Le contexte de res­tric­tions bud­gé­taires et de logiques ges­tion­naires entraîne un repli des ins­ti­tu­tions sur leurs mis­sions et une mise en concur­rence des publics. À l’heure actuelle, les nom­breux outils, moyens finan­ciers et dis­po­si­tifs ne sont pas suf­fi­sam­ment uti­li­sés : trop de ter­ri­toires n’ont pas mis en place d’opérations de lutte contre l’habitat indigne et trop de ménages res­tent en souf­france, dans l’attente d’une aide de la puis­sance publique. 

Les pro­cé­dures coer­ci­tives (arrê­tés d’insalubrité et de péril notam­ment) ne sont pas sys­té­ma­ti­que­ment enga­gées ou pas sui­vies comme il le fau­drait par les agents de l’État ou des ser­vices d’hygiène. La jus­tice peine encore à pour­suivre et condam­ner de manière effec­tive les per­sonnes qui ne res­pectent pas la loi.

Les dif­fé­rents inter­ve­nants lors de la confé­rence de presse mettent l’accent sur le lien indis­so­ciable entre la ques­tion du loge­ment et celle de l’emploi, de la pré­ca­ri­té, de l’extension de la pau­vre­té. Et très sou­vent, les migrants et réfu­giés sont encore plus dému­nis comme l’a pré­ci­sée Noëlle Casanova.

Agir, enfin !

AU68 demande aux pou­voirs publics de s’engager sans tar­der dans plan un ambi­tieux d’éradication de l’habitat indigne : 

• En fixant des objec­tifs quan­ti­ta­tifs et qua­li­ta­tifs aux ter­ri­toires, assor­tis d’obligations de résul­tats. A l’heure actuelle, les objec­tifs fixés à l’Agence Natio­nale de l’Habitat, l’un des prin­ci­paux acteurs et finan­ceurs des tra­vaux, sont seule­ment de 10 000 à 15 000 loge­ments à trai­ter par an, et ne sont pas atteints (78 % en 2017 sur un objec­tif de 14 500 loge­ments) rap­pelle fort oppor­tu­né­ment Loïc Richard.

  • En exi­geant des enga­ge­ments contrac­tua­li­sés des col­lec­ti­vi­tés locales (dépar­te­ments et Intercommunalités) 
  • En déve­lop­pant sur l’ensemble du ter­ri­toire les opé­ra­tions à péri­mètre dépar­te­men­tal afin de cou­vrir les moindres recoins du territoire 
  • En inten­si­fiant les opé­ra­tions urbaines et fon­cières ciblées sur des quar­tiers, des îlots ou des immeubles, dans les centres urbains où dif­fé­rentes formes d’habitat indigne s’additionnent et s’entrecroisent avec complexité.
  •  En mobi­li­sant des moyens finan­ciers impor­tants, pour les tra­vaux à réa­li­ser, pour le tra­vail des pro­fes­sion­nels char­gés de mettre en œuvre les opé­ra­tions, et pour l’accompagnement des occu­pants vic­times d’habitat indigne, qu’ils soient loca­taires ou pro­prié­taires occupants
  •  la mise en œuvre de toutes les mesures por­tées depuis des années par les asso­cia­tions enga­gées pour une autre poli­tique du loge­ment : pro­duc­tion mas­sive de loge­ments à loyers abor­dables (et bien situés), enca­dre­ment des loyers en sec­teurs ten­dus, aug­men­ta­tion des APL, accé­lé­ra­tion de la poli­tique du Loge­ment d’Abord, inten­si­fi­ca­tion de la pré­ven­tion des expul­sions loca­tives, ren­for­ce­ment des moyens pour les quar­tiers en poli­tique de la ville…

Rien ne se fera sans mobilisation

Le Col­lec­tif AU68 est bien conscients que la situa­tion est par­fai­te­ment connue par les prin­ci­paux res­pon­sables mais c’est la volon­té poli­tique qui manque sin­gu­liè­re­ment dans une France 6e PIB mon­dial ! Et on le voit avec le mou­ve­ment des Gilets Jaunes, la mobi­li­sa­tion des citoyens est la condi­tion sine qua non pour obte­nir de nou­veaux droits.

C’est bien le but des ini­tia­tives pré­vues cette semaine des­ti­née à sen­si­bi­li­ser d’une part l’opinion publique à ce pro­blème mais éga­le­ment de faire la démons­tra­tion qu’il existe des solu­tions et qu’il s’agit avant tout de déga­ger les bud­gets néces­saires pour éra­di­quer le loge­ment indigne comme il fau­dra bien éra­di­quer la pré­ca­ri­té au travail.

Cela démarre dès le ven­dre­di 10 mai, de 14 h à 19 h, et le same­di 11 mai de 9 h à 12 h, à avec les « Ren­contres de l’Interrogation Démo­cra­tique » dont le thème sera « Pour une démo­cra­tie de fra­ter­ni­té : le cou­rage de par­ler vrai et d’agir juste ». Ven­dre­di à 19 H 30, soi­rée convi­viale au res­tau­rant des Sheds.

Du Lun­di 13 mai au mar­di 21 mai,  on pour­ra admi­rer, au Res­tau­rant soli­daire « La Table de la Fon­de­rie » 54, rue de Soultz – Mul­house Bourtz­willer, une expo­si­tion « A CONTRE-EMPLOI» du pho­to­graphe Meh­rak et la jour­na­liste Hélène Frouard. (Ver­nis­sage le lun­di 13 mai à 17 h 30). Comme le rap­pelle Bri­gitte Car­raz, cette expo­si­tion vise à sen­si­bi­li­ser les visi­teurs sur la réa­li­té actuelle du chô­mage et les cher­cheurs d’emplois.

Le mer­cre­di 15 mai, tou­jours à la Table de la Fon­de­rie, une confé­rence-débat trai­te­ra de la « mise en place d’un reve­nu de base incon­di­tion­nel et uni­ver­sel et la construc­tion de ter­ri­toires avec zéro chô­meur ». Le reve­nu de base vu comme un droit inalié­nable, incon­di­tion­nel cumu­lable avec d’autres reve­nus, dis­tri­bué par une com­mu­nau­té poli­tique à tous ses membres, de la nais­sance à la mort.

Du mer­cre­di 15 au ven­dre­di 17 mai, de 10h00 à 19h00, le bus iti­né­rant de la Fon­da­tion de l’Abbé Pierre, le « Bus Abbé Road », sera pré­sents les 15 et 16 mai au 59–61 rue Aris­tide Briand et le 17 mai 17 mai sur le par­vis de la Fon­de­rie Asso­cia­tions Unies 68. Le phé­no­mène du loge­ment indigne est sou­vent caché, ou mal appré­hen­dé, par igno­rance et crainte. Il existe pour­tant des solu­tions pour amé­lio­rer les loge­ments. Le bus Abbé Road per­met une sen­si­bi­li­sa­tion qui per­met de prendre conscience des réa­li­tés du loge­ment indigne

Le jeu­di 16 mai, de 14 h à 17 h, ren­contre et ciné-débat à l’AFSCO, 27 rue Hen­ri Matisse, Mul­house avec la pro­jec­tion du film « Comme tout le monde » Julien Bil­lion, Phi­lippe Dinh, Patrick Mul­ler (2018) -. Durant trois ans, les 3 réa­li­sa­teurs de ce docu­men­taire ont accom­pa­gné Ken­ny, Loub­na et Mickael sur leurs lieux de vie, de sur­vie, d’errance, en jour­née, en soi­rée, durant la nuit. Ils ont cher­ché à être à leur écoute, sans juge­ment, à hau­teur d’homme.

A la suite de la pro­jec­tion sui­vra un débat avec la salle, ani­mé par l’association TempoS, 

Le Ven­dre­di 17 mai, de 9 h à 16 h 30, sera pré­sen­té le « Rap­port annuel de la Fon­da­tion Abbé Pierre » au Cam­pus  La FONDERIE, 16, rue de la Fon­de­rie à Mul­house par Chris­tophe ROBERT Délé­gué Géné­ral de la Fondation.

Tables rondes et débats sui­vront avec la par­ti­ci­pa­tion de mili­tants asso­cia­tifs et res­pon­sables poli­tiques en charge de la poli­tique du logement. 

Une semaine « imper­ti­nente » qui montre bien qu’une réelle conver­gence existe entre les dif­fé­rents et graves pro­blèmes sociaux qui sont sou­vent dénon­cés en ordre dis­per­sés par un mou­ve­ment asso­cia­tif qui réus­sit, dans le col­lec­tif, à trou­ver une cohé­rence dans la diver­si­té. Indis­pen­sable si on veut vrai­ment créer un mou­ve­ment d’ampleur propre à chan­ger le cours des choses !