Pho­to: Les « décro­cheurs » devant la mai­rie de Wit­tel­sheim le 1er mars dernier.

Le 9 octobre pro­chain, six décro­cheurs de por­trait pré­si­den­tiel seront jugés, deux le matin à Mul­house, et quatre l’après-midi à Nan­cy. Deux impor­tantes mobi­li­sa­tions sont pré­vues le jour même dans ces deux villes afin de dénon­cer l’inaction cli­ma­tique du gou­ver­ne­ment.

A ce jour, en France, 130 por­traits pré­si­den­tiels ont été décro­chés à l’initiative des acti­vistes d’Action Non Vio­lente (ANV) – COP21. Une « Marche des por­traits » a eu lieu le 25 août der­nier à Bayonne en marge du som­met du G7 de Biar­ritz. L’objectif est de mon­trer que les déci­sions prises par la France vont à l’encontre des enga­ge­ments pris aux Accords de Paris qui visent à res­ter sous les 2 voire 1,5 degrés de réchauf­fe­ment glo­bal. « En décro­chant les por­traits pré­si­den­tiels des mai­ries, et en lais­sant des murs vides à la place », les acti­vistes d’ANV-COP21 pointent ain­si « l’absence de déci­sions cou­ra­geuses du gou­ver­ne­ment face au péril cli­ma­tique et à l’urgence sociale ». Ils « dénoncent la faillite de l’État à son rôle de pro­tec­tion de la popu­la­tion ». ANV-COP21 attire de plus en plus de mili­tants. De nou­veaux groupes locaux sont en train de se consti­tuer à Besan­çon, Bel­fort et Strasbourg.

59 mili­tants pour 19 procès

De nom­breuses plaintes ont été dépo­sées envers les décro­cheurs. « Aujourd’hui, ce sont 59 mili­tants qui sont pour­sui­vis pour 19 pro­cès », indique Per­rine Pré­vel, mili­tante d’ANV – COP21 Mul­house / Sud-Alsace. A Mul­house, Anne et Patrick com­pa­raî­tront devant les juges au tri­bu­nal de grande ins­tance. Ces deux retrai­tés sont mili­tants au sein d’ANV– COP21 Mul­house / Sud-Alsace. Ils ont décro­ché, le 1er mars 2019, le por­trait du pré­sident de la Répu­blique à la mai­rie de Wit­tel­sheim, ancienne com­mune minière. Le lieu a volon­tai­re­ment été choi­si. Les gale­ries minières abritent, en effet, les 42.000 tonnes de déchets hau­te­ment toxiques de Sto­ca­mine, dont les déchets ris­que­raient tôt ou tard de conta­mi­ner la plus grande nappe phréa­tique d’Europe. Dans le Haut-Rhin, trois autres décro­chages avaient eu lieu  au mois de juin. A Boll­willer pour les mêmes rai­sons qu’à Wit­tel­sheim. A Lut­ter­bach, pour dénon­cer l’implantation de la nou­velle pri­son sur des terres humides, et à Retz­willer, pour poin­ter du doigt les nui­sances occa­sion­nées par la pré­sence d’une décharge d’enfouissement.

 « Ce mode de déso­béis­sance civile peut être légitime »

De gauche à droite : Mickael, Per­rine Pré­vel, maître Loew, et les deux pré­ve­nus, Anne et Patrick.

Anne et Patrick seront jugés pour avoir refu­sé de se sou­mettre au pré­lè­ve­ment ADN. Ils risquent un an de pri­son et 15.000 euros d’amende. Pour leur avo­cat, maître Loew, « il y a là une spé­ci­fi­ci­té mul­hou­sienne, le par­quet n’ayant pas rete­nu le motif de vol en réunion comme cela a été le cas dans d’autres pro­cès. » Il observe que « les pour­suites pour refus de pré­lè­ve­ment ADN sont rares » et trouve « cho­quant de juger deux retrai­tés qui ont sim­ple­ment une conscience éco­lo­gique. » L’avocat plai­de­ra la relaxe dans un dos­sier qui « touche à la liber­té indi­vi­duelle des per­sonnes », comme ce fut le cas à Bourg-en-Bresse, Bar-le-Duc ou Lyon, où il y a eu des juge­ments simi­laires. « A Lyon, les juges ont recon­nu que ce mode de déso­béis­sance civile peut être légi­time pour faire valoir ce devoir de vigi­lance », rap­pelle Mickael qui avoue ne pas com­prendre « les réac­tions judi­ciaire dis­pro­por­tion­nées ». Il a lui aus­si par­ti­ci­pé au décro­chage du por­trait pré­si­den­tiel à Wit­tel­sheim. Il a eu droit à une per­qui­si­tion en règle à son domi­cile et son tra­vail, le tout menot­té. A l’approche du pro­cès, Anne avoue avoir « peur ». Mais elle reste déter­mi­née : « Cette action je la reven­dique car je me dis que c’est juste. Je ne regrette rien. Je suis tel­le­ment inquiète pour l’avenir et pour mes petits-enfants. Pour moi c’est une ques­tion de vie ou de mort. » Patrick exprime la même inquié­tude pour les géné­ra­tions futures. Concer­nant le pro­cès, « Je vais essayer d’assumer », dit-il. Pour ce mili­tant, décro­cher le por­trait du pré­sident de la Répu­blique, est avant tout une façon de faire prendre conscience de l’inaction face à l’ampleur du réchauf­fe­ment climatique.

Une jour­née fes­tive au square de la Liberté

Pour sou­te­nir les deux pré­ve­nus, ANV-COP21 orga­nise une jour­née fes­tive le mer­cre­di 9 octobre à Mul­house. La mani­fes­ta­tion aura lieu dans le square de la Liber­té situé à proxi­mi­té du tri­bu­nal. « Cela débu­te­ra par un ras­sem­ble­ment fes­tif et reven­di­ca­tif dès 7h50 », pré­cise Per­rine Pré­vel. « On fera du bruit au moment où les pré­ve­nus entre­ront dans le tri­bu­nal. Le but est de ne pas se lais­ser inti­mi­der et de par­ler de l’inaction du gou­ver­ne­ment. » A cette occa­sion, les « 11 pro­jets inco­hé­rents » (GCO de Stras­bourg, Sto­ca­mine…) seront pré­sen­tés sous la forme d’un par­cours ludique. La « bière des décro­cheurs » sera éga­le­ment lan­cée lors de cette jour­née qui sera ryth­mée par des confé­rences, des tables rondes ou des for­ma­tions aux actions non vio­lentes. Les orga­ni­sa­teurs annoncent par ailleurs la venue de Gérard Moine, pré­sident de la Ligue des Droits de l’Homme du Haut-Rhin, de Jean-Marie Brom, direc­teur de recherches au CNRS de Stras­bourg spé­cia­liste du cli­mat, ain­si que de Fran­zes­ka Bin­dé, pré­ve­nue alle­mande en pro­cès à Orléans.

CL