Un crime. Un sommet d’ignominie. Les qualificatifs abondent, mais n’embrassent que lointainement la capacité de compréhension d’une opinion publique, stupéfaite d’horreur, compte tenu la sournoiserie avec laquelle l’attaque a été soigneusement préméditée, préparée et exécutée.
Bien que l’État ait tenté de le dissimuler à toute force, un attentat conspuant le culte marchand a frappé lâchement la semaine dernière, au moment où tout un chacun pensait lestement s’acquitter de son devoir de citoyen, en ce temps de communion sacrée.
L’Homo consommatus, être fièrement dévoué à la cause marchande, laquelle enrégimente et justifie son existence, que notre média représente et défend ardemment, ne souhaitait s’adonner qu’à l’exercice de son droit supérieur à l’achat parasitaire.
Lorsque soudain, des pisse-droit, griffés de quelques armoiries hérétiques, sur lesquelles se trouvaient clairement ciselées leurs intentions criminelles: « Attac » ou « Les amis de la Terre » et « Solidaires », surgirent de nulle part, et vinrent refroidir les fidèles ardeurs aussi distributives qu’incessantes de Gaspard et Klervie.
Deux nobles gentlemen à la gueule de quadrilatère, couchant chaque jour qui passe dans les centres commerciaux de Cora Wittenheim et Auchan de Mulhouse-Bourtzwiller, avec pour seul devoir d’étancher stoïquement notre insatiable soif de besoins superfétatoires.
Honteusement balafrés et autocollés sur la totalité de leurs poitrail, nos deux zélés cyclopes, aux mille clapets battants, ont soudainement perdu leur superbe, et le moyen de déployer sans honte le produit surnuméraire du capitalisme des entrepôts mondialisés, le temps d’un « black friday », ou « vendredi noir » (dans notre simple patois), histoire d’exorciser le « jeudi noir », de sinistre mémoire, pour nos riches amateurs de monstruosités mondialisées.
Les vils ostrogoths qui ont vandalisé Gaspard et Klervie, nos deux automates du bonheur cartonné ou enveloppé à bulles, ont donc poussé l’infamie jusqu’à recouvrir leur impeccable carrosserie safranée, de slogans à l’ire écumante d’hostilité et de rage aveugle.
Jugez-en plutôt: « Amazon 2 emplois détruits pour 1 emploi créé »; « Hors service : dangereux pour vous et pour la planète »; « Amazon paie tes impôts! Stop ! Au pouvoir des multinationales ».
Etait-il seulement possible de prononcer plus abject affront devant l’autel mondial du libre-échangisme ?
Ces faméliques du collectivisme rampant ne se repaissant que du malheur des leurs. Tandis que leurs pauvres frères et soeurs ne songent qu’à subsumer leur race devant l’incandescence irisée d’un produit de masse, certes, totalement inutile, et destiné à servir de rebus avant même que ne finisse cette phrase, mais, Dieu m’en chatouille le gros orteil sans que j’en pouffe, vendu à peine 50% de sa valeur commerciale !
Non content d’avoir commis leur forfaiture à l’endroit du marché du bonheur en case, cette bande de piqueteurs sans paquets se fendit également d’un « rapport », sur un prétendu « monde » à ne pas fréquenter, sauf à y délaisser son bonheur terrestre.
Encore une hérésie aux lois du commerce mondial. Car il n’est plus discutable que toute recherche du bonheur est réductible au volume d’un colis livrable en 24h ! Et Gaspard et Klervie en recèle plein leurs entrailles.
Nous avons vainement tenté de contacter Antoine Homé, maire de Wittenheim, et Michèle Lutz, maire de Mulhouse, afin de recueillir leurs premiers sentiments à ce sujet. Mais ils se trouvaient absorbés par la conception d’un dispensateur automatique de claques électorales.
J’ai laissé un message la semaine dernière, je n’ai eu aucune réponse, merci: avec l’alterpresse, j’espérais qu’il y aurait l’alterrelation. fr