La partie 2 est à découvrir ici
Le 17 décembre 2019 est une date mémorable pour le mouvement social à Mulhouse, comme dans toute la France. Après une journée du 5 décembre déjà particulièrement suivie (5.000 manifestants à Mulhouse là où la presse officielle du Crédit Mutuel en compte… 2.500), nous voulions voir comment une manifestation de cette ampleur se préparait. Nous avons choisi de suivre les initiatives de la CGT, organisation syndicale « pivot » de la mobilisation contre cette réforme des retraites. Ce qui lui vaut les anathèmes du gouvernement et de la presse gouvernementale (écrite, télévisée et radiophonique) quand la CFDT à droit aux louanges : on récolte les qualificatifs que l’on mérite…
17 décembre, 8 h, devant les locaux de la Caisse primaire d’assurance-maladie : une dizaine de militantes et militants de la CGT sont là, tracts à la main, pour informer les usagers. Mais la Caisse est fermée, le personnel étant en grève totale : qu’à cela tienne, les personnes qui viennent et trouvent portes closes sont accueillies par la délégation syndicale qui leur remet le tract et explique les raisons de la grève et de l’appel à la manifestation à 13 h 30, place de la Bourse. Des usagers un peu dépités mais pas du tout opposants à la grève, plutôt compréhensifs et plutôt bons connaisseurs des raisons de l’opposition à la réforme Macron. On constate que « l’affaire Delevoye » a fait de gros dégâts dans l’opinion publique.
9 h 30: retour à la « base », rue du Pommier à Mulhouse, local de l’Union locale et l’Union départementale de la CGT.
On s’organise pour la manif ! Quelques militant(e)s sont là pour préparer : deux camions-sonos (l’un pour les « actifs », l’autre pour la section des retraités) car la CGT s’attend à un cortège dont la longueur obligera à être présent en tête et au milieu de la manifestation. Pendant ce temps, dans les bureaux, on s’active : préparation de slogans, réponse aux appels de syndicats et de syndiqués pour savoir quand, où et comment on se retrouve sur le lieu de départ de la manifestation.
Rencontre avec Arnaud Anthoine : élargir le mouvement…
L’ « homme tranquille » de la CGT68 se prépare. Il intègre également dans son emploi du temps l’hommage qui sera rendu à un militant CGT du Carrefour qui est décédé dimanche.
Nous avons le temps d’échanger avec lui. L’entrevue, que vous pourrez écouter dans son intégralité ci-dessous, correspond à l’argumentation de la CGT sur le sujet des retraites.
Le premier souci est manifestement d’élargir le mouvement. « Nous sommes allés devant l’Université de Mulhouse samedi matin pour nous adresser à une jeunesse qui sera la grande victime de la réforme de M. Macron ». Recherche de mobilisation des étudiants, peu présents dans les précédents cortèges : « Oui, mais ils sont confrontés à des impératifs liés aux partiels et au contrôle continu qui ont lieu en cette période. Mais très bon accueil… »
Également distribution de tracts pour s’adresser à l’opinion publique sur le parking du Centre commercial d’Illzach-Ile-Napoléon samedi : aussi une manière de prendre le pouls de l’opinion. Peu de critiques et beaucoup plus de soutiens à la grève, nous assurent des militants présents sur le terrain.
Arnaud Anthoine ne s’en cache pas : « Nous devons encore élargir le mouvement ». S’il est satisfait de la présence de la CFDT cette fois-ci, il ne se fait manifestement pas beaucoup d’illusion. « La mobilisation autour de l’âge pivot (départ à 64 ans pour toucher la pleine retraite alors que le départ à l’âge légal de 62 ans coûterait 10% de malus à vie) n’est qu’un thème parmi d’autres. Le plus important est bien la volonté d’instaurer un système à point qui réduira automatiquement le montant des retraites, créera de nouvelles inégalités et instaurera de fait un système par capitalisation quoiqu’en dise le gouvernement ».
… et faire des propositions alternatives
Le secrétaire général de l’UD CGT du Haut-Rhin goûte peu aux campagnes de presse qu’il considère comme orientée et toutes au service du gouvernement. Même s’il considère les critiques à l’égard de la CGT plutôt comme un « hommage du vice à la vertu », il supporte mal d’être présenté comme une organisation rejetant toute réforme.
« Nous devons réformer ce système actuel qui est injuste envers les femmes, les jeunes, les carrières hachées qui deviendront la norme pour les futurs salariés. Mais on peut le faire dans le cadre actuel du système de retraite par répartition. Et sans pour autant liquider les régimes particuliers de la fonction publique ou des cheminots par exemple ».
« Nous réclamons le départ de l’âge de la retraite à 60 ans à taux plein car nous savons que c’est un besoin et que c’est finançable. Rien que l’alignement des salaires des femmes sur celui des hommes rapporterait 8 milliards. La taxation des transactions financières dégagerait également des ressources pour assurer l’avenir de la retraite ».
Arnaud Anthoine sera à la tête de la manifestation interprofessionnelle et unitaire dans les rues de Mulhouse. Il sait que si les manifestations nationales sont réussies, le gouvernement devra bien en tenir compte. Mais il se prépare déjà à de nouvelles mobilisations qui devront se multiplier pour atteindre l’objectif avoué de la CGT : le retrait de cette réforme et la mise en chantier de la réforme du système actuel, pour en gommer les imperfections et poser la revendication du retour de la retraite à 60 ans.