En crise depuis juin 2019, moment où la CGT du centre hos­pi­ta­lier de Gueb­willer appe­lait les per­son­nels à une « grève illi­mi­tée » en vue de dénon­cer notam­ment « la fer­me­ture pro­vi­soire de l’hôpital de jour géria­trique, la mobi­li­té for­cée du per­son­nel, le refus de titu­la­ri­ser CDD et cer­tains CDI » et un « contexte de mal­trai­tance ins­ti­tu­tion­nelle », le situa­tion ne s’est pas sen­si­ble­ment améliorée. 

Le 31 jan­vier 2020, des infir­mières de l’hô­pi­tal aler­taient déjà leur direc­tion sur l’in­suf­fi­sance de masques chi­rur­gi­caux de type II‑R haute fil­tra­tion. N’obtenant pas de réponse de fond, elles rédigent une seconde décla­ra­tion « d’événement indé­si­rable » au mois de février. En vain. « Jusqu’au 25 mars, une par­tie du per­son­nel soi­gnant n’a por­té que des masques chi­rur­gi­caux simples alors qu’ils étaient en contact avec des patients Covid », décla­rait Guillaume Rai­mon­di, secré­taire de la sec­tion CGT de l’hôpital, chez nos confrères de Rue89 Stras­bourg.

Consé­quence: dès la mi-mars, 15 membres du per­son­nel soi­gnant de Gueb­willer étaient diag­nos­ti­qués posi­tifs au coro­na­vi­rus. Selon l’infirmier Guillaume Rai­mon­di, le port de masques FFP2 ou II‑R aurait pu per­mettre d’éviter ces contaminations.

Depuis lors un tract dif­fu­sé en avril par le même syn­di­cat, et inti­tu­lé « On n’est pas des héros ! » creuse le sillon de l’in­di­gna­tion du corps soi­gnant au sein de l’établissement. « Un héros fait preuve d’abnégation, croit si fort en sa cause qu’il n’hésite pas à mettre sa vie en péril. Il s’offre en spec­tacle, on l’applaudit. Nous, agents hos­pi­ta­liers, ne sommes pas des héros. Nous sommes des tra­vailleurs dési­reux de vivre et de pou­voir assu­rer notre mis­sion de ser­vice public main­te­nant plus que jamais: soi­gner ».

Pour autant, la situa­tion n’a pas évo­lué depuis lors. La pro­cé­dure lan­cée pour dan­ger grave et immi­nent (DGI) n’a pas été levée, car les pro­po­si­tions du pré­sident du Comi­té d’hy­giène et de sécu­ri­té des condi­tions de tra­vail (CHSCT), ne satis­font pas les repré­sen­tants du personnel. 

De fait, un mil­lier de masques FFP2 res­tent main­te­nus sous clés : les soi­gnants n’y ont accès que pour de rares soins tan­dis qu’ils sont expo­sés aux excré­tions de patients atteints du covid-19, contre les recom­man­da­tions de la Socié­té Fran­çaise de Méde­cine du Tra­vail du 23 mars 2020. Et la ques­tion des risques psy­cho­so­ciaux (RPS) semble élu­dée par le directeur.

Par ailleurs, la décli­nai­son locale du plan régio­nal de san­té 2022 pro­cède du « label hôpi­tal de proxi­mi­té ». Il impli­que­ra la fer­me­ture régle­men­taire par Direc­tion géné­rale de l’offre de soins (DGOS) du ser­vice de chirurgie. 

Le ser­vice des urgences sera sou­mis à un finan­ce­ment tari­fi­ca­tion à l’acte, et à un « for­fait coor­di­na­tion ». Ce der­nier finan­ce­ment sera octroyé en contre­par­tie d’une réorien­ta­tion des patients vers la méde­cine de ville depuis les urgences.

Le risque sani­taire immé­diat lié à une telle évo­lu­tion est fort. « Qu’ad­vien­drait-il d’un patient réorien­té tan­dis qu’il pré­sen­tait des signes aty­piques d’in­farc­tus », s’in­ter­roge Guillaume Raimondi. 

Les réorien­ta­tions engen­dre­ront une baisse de l’ac­ti­vi­té à l’acte des urgences. Jus­qu’i­ci dans les hôpi­taux label­li­sés « de proxi­mi­té », cette baisse d’ac­ti­vi­té à entrai­né une réduc­tion des effec­tifs para­mé­di­caux et médi­caux. L’ARS qui finance direc­te­ment (hors tari­fi­ca­tion à l’acte) 80 à 90% du bud­get de ces hôpi­taux, a ain­si impo­sé une fer­me­ture des ser­vices d’ur­gences la nuit, qui sont alors appe­lés « centre de soins non pro­gram­més ».

Ceux-ci ne dis­posent sou­vent plus des capa­ci­tés de réani­ma­tion et mettent en dan­ger tout un bas­sin de popu­la­tion, notam­ment la nuit.

La CGT a ten­té d’a­ler­té le Conseil de sur­veillance sur la dan­ge­ro­si­té d’une telle mesure. Mais le vote en défa­veur de la label­li­sa­tion a été mino­ri­taire et le sen­ti­ment du syn­di­cat est que les membres du conseil, foca­li­sés sur la ges­tion finan­cière de l’hô­pi­tal, tentent faus­se­ment de se ras­su­rer sur le deve­nir de l’hô­pi­tal sou­mis au plan régio­nal de san­té 2022. 

Le syn­di­cat a par ailleurs aler­té à plu­sieurs reprise en 2019 les membres du Conseil de sur­veillance (en l’oc­cur­rence la Direc­tion du Cntre hos­pi­ta­lier de Gueb­willer, l’ARS et le Conseil Dépar­te­men­tal) sur la souf­france au tra­vail des agents à l’EH­PAD « Les Érables ». Les effec­tifs étant insuf­fi­sants, les soi­gnants sont en souf­france phy­sique et psy­chique, car ceux-ci ne peuvent plus idéa­le­ment assu­rer le main­tien de l’au­to­no­mie des résidents. 

Aucune réponse n’a été obte­nue, pas même du Conseil Dépar­te­men­tal auprès duquel la sec­tion syn­di­cale a fait par­ve­nir ses doléances.

L’en­semble de ces élé­ments alertent donc sur la mise en dan­ger du per­son­nel et sur l’a­ve­nir et la sécu­ri­té des usa­gers de ce ser­vice public.

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