Il n’est pas peu dire que de constater une opposition grandissante à la loi « Sécurité globale » que la majorité parlementaire offre sur un plateau au gouvernement ! La totalité des députés alsaciens (Bruno Fuchs s’étant courageusement abstenu !) a voté pour ce projet qui est dénoncé nationalement et par l’ONU comme un danger pour les libertés publiques en France.
Après deux manifestations mulhousiennes pas très lisibles quant à leur contenu, ces deux derniers samedis, un collectif* s’est constitué pour en organiser une autre le 12 décembre 2020, à 14 h, au départ de la place Franklin à Mulhouse.
Ce collectif, plutôt ancré à gauche, s’est exprimé, dans sa diversité, lors d’une conférence de presse à laquelle une partie des organisations concernées étaient présentes. Les Gilets jaunes, fortement représentés lors des dernières manifestations mulhousiennes, n’étaient pas là, mais les organisateurs assurent les avoir informés et ils seront les bienvenus samedi prochain.
Le mot d’ordre est clair : le retrait total de la proposition de cette proposition de loi !
Tour à tour, les différents partis politiques, syndicats et associations ont exprimé les raisons de leur engagement pour cet objectif.
Pour les syndicats (Valérie Poyet de la FSU et Antoine Lichtlé de l’Union locale CGT), la question n’est pas la réécriture de l’article 24, mais bien le retrait total d’une loi liberticide qui est une atteinte à la liberté de manifester. Les syndicats pointent, parmi les dérives que comporte cette loi, les risques que représentent une forme de sous-traitance de la sécurité vers le privé et les nouvelles prérogatives accordées aux polices municipales conduiront à des applications différentes de la loi sur le plan national, puisque ces formations relèvent de l’autorité de la municipalité qui pourra faire appliquer sa propre lecture d’une loi…
Les partis politiques (Cécile Germain pour EELV, Baya Hallal pour La France Insoumise et Jean-Claude Pelka pour le Parti communiste français) convergent pour dénoncer les multiples atteintes aux libertés qu’ils détectent dans le texte. Pour le PCF, cette loi vise ni plus ni moins de pouvoir mater des expressions de mécontentement qui ne manqueront pas de se produire en réaction à la politique économique et sociale du gouvernement. « Il est caractéristique que le Président de la République s’entoure d’un « Conseil de défense » dans lequel siègent des généraux comme s’il s’agissait d’un conseil de guerre ». Jean-Claude Pelka termine en exigeant la démission du ministre de l’Intérieur.
Cécile Germain considère que cette loi met en évidence une volonté de contrôler la société et de pouvoir ainsi bloquer les velléités de contestation en rappelant le sort réservé à des militants contre l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure empêchés de se rencontrer par décision judiciaire.
Baya Hallal considère que ce gouvernement est totalement dépassé par les événements et transforme les forces de l’ordre en forces de répression.
Pour les associations présentes, Jennifer Cross, pour le Collectif féminin 68, rappelle qu’une gestion autoritaire comme celle que veut imposer le gouvernement accentue le climat de violence y compris celles que subissent les femmes.
Gérard Moine, de la Ligue des Droits de l’Homme, est très offensif pour exiger le retrait de ce projet de loi et met un accent particulier sur le nouveau schéma du maintien de l’ordre que le gouvernement veut imposer parallèlement à la loi Sécurité globale. Contrairement à l’Allemagne, où les forces de police sont plus en « accompagnement » des manifestations, le gouvernement intime aux policiers des méthodes violentes pour réprimer des personnes exerçant un droit légitime comme celui de manifester. Il en veut pour preuve l’intégration des mesures d’exception dans le droit commun lors des actes terroristes et à présent pour des raisons sanitaires.
La LDH, sur le plan national, attaque ce nouveau schéma du maintien de l’ordre en Conseil d’État pour, là aussi, contraindre le gouvernement à le retirer.
La diversité des organisations et de leurs motifs pour s’inscrire dans cette manifestation du 12 décembre est-il un premier pas pour construire une opposition politique plus crédible et structurée pour les futures échéances électorales ?
Comme une hirondelle ne fait pas le printemps, il faudra d’autres projets communs pour que les citoyens puissent à nouveau croire à la capacité d’offrir une alternative au macronisme.
Preuve d’une volonté de ne pas en rester à la simple dénonciation de la politique du gouvernement ? Le Collectif se refuse à pointer les forces de l’ordre comme les responsables des actes liberticides qui se multiplient. Le manque de formation, le manque de personnel, les conditions de travail dégradées sont autant de raisons invoquées et qui devraient être rectifiées dans une future doctrine du maintien de l’ordre, remplaçant l’orientation toujours plus répressive de celles et ceux qui sont, en réalité, chargé d’une sûreté réclamée par les citoyens.
Pour conclure, dans l’arsenal répressif, les attaques à la liberté d’expression et à la liberté de la presse sont particulièrement significatives. Quand on s’attaque au messager, c’est que le message est indéfendable, il faut donc l’escamoter au vu et au su de la population. Il ne suffit plus que l’information soit contrôlée par une poignée de milliardaire et quelques dizaines d’éditorialistes complices, il faut à présent renforcer l’arsenal juridique pouvant intimider un ou une journaliste honnête et sincère : comment peut-on définir une société de ce type ? L’opposition à cette vision du rôle de la presse commence à inquiéter les personnes de tous les milieux politiques attachés au pluralisme de la presse, indispensable à l’exercice normal de la démocratie. C’est aussi cela qui est en jeu dans la période actuelle.
Il est temps que cela change… Et cela passera évidemment par de nombreuses journées comme celle du 12 décembre et à condition que les citoyens s’emparent de ce moyen pour ne pas en rester à ruminer le mécontentement, mais à le crier haut et fort.