Le 18 mars 1871, il y a 150 ans, débu­tait la Com­mune de Paris, dans un élan popu­laire révo­lu­tion­naire et libertaire.

Le 10 mars, à une semaine de la Com­mune, Adolphe Thiers (ministre de Napo­léon III) abroge le mora­toire des loyers mis en place depuis sep­tembre 1870. Après neuf mois de guerre et de siège de la capi­tale, les loca­taires pari­siens, majo­ri­taires, sont exsangues et ne peuvent répondre à cette bru­tale exi­gence : payer dès début avril neuf mois d’arriérés de loyers sous peine d’être jeté à la rue !

Cette pers­pec­tive pro­voque une grande émo­tion contri­buant à mettre le feu aux poudres et jeter le peuple pari­sien dans la rue.

Dès le 29 mars : « Et bien ! La pro­prié­té s’y pren­dra comme elle le vou­dra, on ne met pas à la porte dix-neuf cent mille hommes, femmes & enfants … On ne brise pas l’existence de dix-neuf cent mille hommes, femmes & enfants. Qu’on essaie si on l’ose ! Consi­dé­rant que le tra­vail, l’industrie et le com­merce ont sup­por­té toutes les charges de la guerre, qu’il est juste que la pro­prié­té fasse sa part de sacri­fice », la Com­mune décrète l’exonération des trois termes d’octobre, jan­vier et avril, soit neuf mois de loyer, y com­pris pour les gar­nis (chambres meu­blées) et pro­roge les baux de trois mois. Les pari­sien-nes soufflent.

Le 25 avril, la Com­mune décrète la réqui­si­tion des loge­ments vacants pour loger les vic­times des bom­bar­de­ments par les troupes Ver­saillaises de Thiers. Les réqui­si­tions à des fins civiles sont mises en place par un décret de la Com­mune du 25 avril 1871, des­ti­né à loger les habi­tants des immeubles bom­bar­dés par les ver­saillais. La pro­cé­dure vise les loge­ments aban­don­nés par les « fuyards ».

La Com­mune a ain­si posé les pre­miers jalons vers le droit à un loge­ment abor­dable qui va pro­gres­si­ve­ment se ren­for­cer tout au long du XXe siècle. Or depuis une tren­taine d’année, le pro­ces­sus s’est inver­sé, aujourd’hui et notam­ment sur le mar­ché privé,les mon­tants loca­tifs explosent, met­tant les familles à la rue par milliers.

Décret sur les échéances des petits com­merces. Les jour­nées qui pré­cé­dèrent le 18 mars avaient mis en faillite 300 000 com­merces, ate­liers d’artisans et petites indus­tries. Non seule­ment cette situa­tion met­tait des mil­liers de tra­vailleu­reuses à la rue, mais pri­vait la ville (cou­pée du monde) de mille choses suite à ces rup­tures de pro­duc­tion. C’était cer­tai­ne­ment le sujet le plus com­pli­qué à ins­ti­tuer, il aura fal­lu trois semaines à la Com­mune pour qu’enfin le décret soit pro­mul­gué ; tant les débats furent com­pli­qué avec tous ces petit-es patron-nes, dont la plu­part dépen­dait des suivant-es.

Lutte contre le chô­mage. Selon la revue des Deux Mondes, dans son édi­tion du 15 mai : sur les 600 000 ouvrier-es pari­sien-nes  enre­gis­tré-es comme sala­rié-es chez un petit patron, ou à domi­cile, seul 114 000 – dont 62 500 femmes – avaient encore un emploi.

La Com­mune, ne tenant pas à tou­cher au stock de pognon de la Banque de France, embau­cha des hommes pour la garde natio­nale avec un salaire certes modeste de 30 sous/jour. Elle mis éga­le­ment en place des soupes popu­laires par arron­dis­se­ment. Mis en place éga­le­ment selon cer­tains quar­tiers des livrets de « can­tines ». Et pour une pre­mière dans ce pays, orga­ni­sa des bureaux de pla­ce­ment avec un livret per­son­nel – mais ce livret était sans égal avec celui du gou­ver­ne­ment et uti­li­sé par la police pour ficher les can­di­dat-es revendicatif-ves.

Remise en exploi­ta­tion des ate­liers aban­don­nés. Les inter­na­tio­naux avaient deman­dé au gou­ver­ne­ment en octobre 1870, que les ate­liers pou­vant ser­vir à la pro­duc­tion d’armes de guerre ou de muni­tions, soient expro­priés une fois la paix conclue. Ces éta­blis­se­ments seraient alors à la charge d’associations ouvrières. En vain ! Conseillé paraît-il par Léo Fraen­kel, Karl Marx, Augus­tin Avrial, la Com­mune décré­ta : Les chambres syn­di­cales devront ins­ti­tuer une sta­tis­tiques des ate­liers aban­don­nés ; des condi­tions per­met­tant une remise en exploi­ta­tion ; éla­bo­rer un pro­jet de consti­tu­tion de socié­tés coopé­ra­tives ; un jury arbi­tral, afin de se pro­non­cer sur le deve­nir d’atelier avec le retour des patrons…

Prio­ri­té aux asso­cia­tions ouvrières pour les mar­chés de l’État. En effet, les salaires n’évoluaient pas. Exemple : les patrons d’entreprises tra­vaillant pour la ville de Paris (donc la Com­mune) pro­fi­taient de la vente des maté­riaux divers et variés indis­pen­sables à la garde natio­nale, sauf pour leur sala­rié-es qui à l’inverse devaient faire des sacri­fices sur les condi­tions de tra­vail et de pro­duc­ti­vi­té face à la demande…

Le décret per­met­tra de réduire les écarts entre patron‑e et sala­rié-es, mais per­mis aus­si ce type d’avantage pour d’autres sec­teurs d’activité en rela­tion avec les ser­vices publics.

Léo Fraen­kel membre de la Com­mune. Léo est Hon­grois ; un des inter­na­tio­na­listes dans le Paris révo­lu­tion­naire. Un non-Fran­çais est élu membre de la Com­mune et siège à l’Hôtel de ville. C’est aus­si une pre­mière ; et pour bien long­temps, car au XXI° siècle, la pré­do­mi­nance national(ist)eest de rigueur ; ad vitam aeternam ?

Abo­li­tion du tra­vail de nuit des bou­lan­gers. Astreints à de nom­breuses ser­vi­tudes, dont la plus lourde les obli­geait à sol­li­ci­ter leur embauche par l’intermédiaire de « pla­ceurs », les exploi­tants odieu­se­ment… Bien avant la Com­mune, les ouvriers bou­lan­gers s’insurgeaient contre nombre d’injustices à leur égard et en par­ti­cu­lier contre le tra­vail de nuit.

C’est donc tout natu­rel­le­ment, que la Com­mune, dès les pre­miers jours de son man­dat, ordon­na par décret l’interdiction de tra­vailler la nuit, ain­si que la sup­pres­sion des pla­ceurs. Pour les patrons récal­ci­trants, mena­çant de congé­dier son per­son­nel qui refuse de pro­duire la nuit, la Com­mune ordon­na la sai­sie du pain, pour le redis­tri­buer dans les arrondissements…

Jusqu’au 27 mai, il y eu bien d’autres décrets à carac­tères socia­listes, mal­heu­reu­se­ment la Com­mune ne vécut qu’une dizaine de semaines. Ce 27 mai marque la mort de la Com­mune, il culmine avec la fin de la semaine san­glante pen­dant laquelle des dizaines de mil­liers d’hommes et de femmes seront exé­cu­té-es sommairement.La répres­sion ver­saillaise est alors sans égale envers des civils, et cela à peine en une semaine. Car il ne s’agit pas d’un conflit guer­rier, mais de mili­taires, de gen­darmes, de poli­ciers, bar­bares qui s’acharneront contre le désir de liber­té, d’égalité et de fra­ter­ni­té, d’une com­po­sante du peuple. Cette vio­lence ven­ge­resse devait per­mettre à la bour­geoi­sie de pou­voir s’enrichir en toute quiétude.

Une ving­taine d’année plus tard, les tra­vailleu­reuses consti­tue­ront des syn­di­cats qui se fédé­re­ront en la CGT.

Publié dans la revue « Pour l’é­man­ci­pa­tion sociale »