Les citoyennes et citoyens suisses ont voté dimanche 13 juin sur cinq objets, deux ini­tia­tives popu­laires et trois lois fédé­rales sou­mises au réfé­ren­dum[1].

Notre cor­res­pon­dant à Bâle, Hans-Jörg RENK, nous en retrace les résul­tats et enjeux :

Initiative pour une eau potable propre et une alimentation saine : rejetée par 63 % de non

Cette ini­tia­tive a été lan­cée par une femme toute seule qui a su réunir autour d’elle assez de sym­pa­thi­sants pour la sou­mettre au vote. Elle aurait vou­lu que les paye­ments directs de la Confé­dé­ra­tion suisse soient ver­sés aux agri­cul­teurs seule­ment à la condi­tion de renon­cer aux pes­ti­cides et aux anti­bio­tiques et de nour­rir leurs ani­maux exclu­si­ve­ment avec le four­rage pro­duit par les exploi­ta­tions même. Elle a été for­te­ment com­bat­tue par le monde agri­cole, y com­pris une par­tie des agri­cul­teurs « bio » ain­si que par les par­tis bour­geois [2] et sou­te­nue par les socia­listes et les Verts.

Initiative pour une Suisse libre de pesticides de synthèse : rejetée par 62 % de non

Cette ini­tia­tive pro­ve­nait des mêmes milieux que la pré­cé­dente dont elle était en quelque sorte la « sœur jumelle » et le pro­lon­ge­ment car elle deman­dait une inter­dic­tion totale des pes­ti­cides jusque dans les jar­dins pri­vés et une inter­dic­tion de l’importation des den­rées ali­men­taires pro­duits avec des pes­ti­cides. Elle a été par consé­quent com­bat­tue et res­pec­ti­ve­ment sou­te­nue par les mêmes milieux agri­coles et par­tis poli­tiques que la pre­mière initiative. 

Loi COVID-19 :  acceptée par 60% de oui

Cette loi que le par­le­ment avait approu­vée en sep­tembre 2020 pour rendre légi­times les mesures prises par le gou­ver­ne­ment pour com­battre la pan­dé­mie était déjà en vigueur au moment du vote popu­laire du 13 juin, ce qui est excep­tion­nel, car le par­le­ment avait renon­cé  au « « délai réfé­ren­daire » de trois mois pour ne pas retar­der ces mesures. Le réfé­ren­dum a été lan­cé dès après la phase aiguë de la pan­dé­mie par des milieux proches du par­ti conser­va­teur UDC, le plus impor­tant du pays. 

Il n’a été sou­te­nu par aucun par­ti poli­tique car l’UDC même n’a pas don­né de consigne de vote, ce qui explique la majo­ri­té  confor­table en faveur de la loi. Elle  donne au Conseil fédé­ral (gou­ver­ne­ment) des com­pé­tences sup­plé­men­taires pour lut­ter contre la pan­dé­mie et pour atté­nuer les consé­quences sur la socié­té et l’économie, par exemple par des  allo­ca­tions de chô­mage par­tiel et  pour perte de gain, par exemple  pour les res­tau­rants et le monde culturel

Loi sur le CO 2 : rejetée par 51 % de non

Cette loi aurait été une ver­sion révi­sée de celle déjà exis­tante dans le domaine du cli­mat, pour être en confor­mi­té avec les objec­tifs de l’accord de Paris de 2015, avec le but de réduire à moi­tié les émis­sions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rap­port à 1990. Les com­por­te­ments res­pec­tueux du cli­mat auraient été récom­pen­sés, tan­dis que les per­sonnes qui auraient géné­ré de grandes quan­ti­tés de CO2 auraient dû débour­ser plus, par exemple 30 francs suisses (CHF) pour des voyages en avion en Europe et 120 CHF pour les voyages intercontinentaux. 

Plus de la moi­tié des recettes de cette « taxe CO 2 » aurait été rever­sée à la popu­la­tion par une réduc­tion des primes pour la caisse mala­die.  Seule l’UDC le était oppo­sée à cette loi et a pour­tant gagné cette vota­tion, même à une faible majorité. 

Loi sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT) : acceptée par 57% de oui 

Cette loi est une nou­veau­té pour la Suisse, car elle intro­duit pour la pre­mière fois la  pos­si­bi­li­té de mesures pré­ven­tives contre des per­sonnes soup­çon­nées de vou­loir pré­pa­rer  un crime à carac­tère ter­ro­riste. Ces mesures com­prennent entre autres l’obligation pour ces per­sonnes de par­ti­ci­per à des entre­tiens avec les auto­ri­tés poli­cières, la pos­si­bi­li­té d’éloigner une per­sonne des cercles ter­ro­ristes, une inter­dic­tion de contact, l’interdiction de se rendre dans une zone de conflit, la limi­ta­tion des dépla­ce­ments et, comme mesure extrême, l’assignation à rési­dence, même pour des jeunes à par­tir de de l’âge de 15 ans. Les per­sonnes n’ayant pas la natio­na­li­té suisse peuvent être expul­sées. Les par­tis bour­geois ont sou­te­nu cette loi, les socia­listes et les Verts étaient contre.

La par­ti­ci­pa­tion au vote pour les cinq objets était de 60%

Votations à Bâle-Ville :

Une fois de plus, Bâle-Ville était à contre-cou­rant par rap­port au reste de la Suisse dans trois des cinq objets  :  Il était le seul can­ton à accep­ter les deux ini­tia­tives sur l’eau potable et contre les pes­ti­cides, avec plus de 70% des voix, et le seul à s’opposer à la loi sur les mesures poli­cières, avec 55% de non.  Sur les deux autres lois (Covid et CO2) Bâle a voté comme de reste du pays. En outre, les Bâlois ont accep­té avec 53% un salaire mini­mal de 21 CHF, comme seul can­ton de la Suisse alé­ma­nique. Un tel salaire existe déjà à Genève, Neu­châ­tel, au Jura et au Tessin.

Hans-Jörg RENK


[1] Une ini­tia­tive popu­laire est sou­mise au vote si 100 000 citoyennes et citoyens le demandent par signature

 Un réfé­ren­dum contre une loi est sou­mis au vote si 50 000 citoyennes et citoyens le demandent par signa­ture. Le terme «réfé­ren­dum » ne s’applique donc qu’à ce méca­nisme ; le terme « vota­tion popu­laire» couvre ces deux volets de la démo­cra­tie directe. 

[2] UDC (conser­va­teur), PLR (libé­ral), PDC (chré­tien- démocrate)