A l’ombre des élec­tions en Alle­magne, les Suisses ont voté dimanche 26 sep­tembre sur deux sujets :

- le mariage pour tous, qui avait été sou­mis à un réfé­ren­dum,[1] a été accep­té par 64% des voix et dans tous les 26 cantons. 

- l’initiative popu­laire [2] « 99% », qui visait à impo­ser plus for­te­ment les reve­nus du capi­tal du pour­cen­tage des contri­buables les plus riches, a été reje­tée avec 66% des voix et dans tous les can­tons. Bâle-Ville était avec 48% le can­ton avec la plus forte pro­por­tion de «oui », mais était en tête pour accep­ter le mariage pour tous avec 74%.

La par­ti­ci­pa­tion au vote était de 52%

Le mariage pour tous

La Suisse est l’avant-dernier pays de l’Europe occi­den­tale à intro­duire le mariage pour tous ; seule l’Italie n’a pas encore fran­chi ce pas, mais recon­naît le par­te­na­riat enre­gis­tré (PACS), tout comme la Suisse qui l’avait intro­duit en 2015.

Ce sont le Conseil (gou­ver­ne­ment) fédé­ral et le Par­le­ment qui ont été à l’origine des chan­ge­ments du Code civil et de quelques autres lois néces­saires pour intro­duire le mariage pour tous. Les deux chambres du Par­le­ment les avaient approu­vés par des majo­ri­tés confor­tables (136 oui contre 48 non, avec 9 abs­ten­tions au Conseil natio­nal et 24 oui contre 11 non avec 7 abs­ten­tions au Conseil des États qui repré­sente les Can­tons). Le réfé­ren­dum avait été lan­cé par l’Union Démo­cra­tique Fédé­rale (UDF), un tout petit par­ti avec un seul siège au Par­le­ment – à ne pas confondre avec le plus grand par­ti du pays, l’Union Démo­cra­tique du Centre (UDC). Aucun des autres par­tis ne s’était pro­non­cé contre le mariage pour tous, mais le comi­té qui avait lan­cé le réfé­ren­dum comp­tait aus­si des membres de l’UDC, du par­ti du Centre (ancien­ne­ment par­ti démo­crate-chré­tien) et du par­ti évan­gé­lique qui consi­dé­raient que le mariage peut uni­que­ment être contrac­té par un homme et une femme.

Les nou­velles dis­po­si­tions du Code civil visent à mettre fin aux dif­fé­rences entre le par­te­na­riat enre­gis­tré et le mariage, notam­ment dans les domaines de la natu­ra­li­sa­tion, de l’adoption et de l’accès à la pro­créa­tion médi­ca­le­ment assistée.

Les couples de même sexe peuvent donc conclure un mariage civil et sont pla­cés sur un pied d’égalité avec les autres couples. L’époux ou l’épouse étranger/ère d’un Suisse ou d’une Suis­sesse pour­ront ain­si deman­der la natu­ra­li­sa­tion faci­li­tée. Les couples de même sexe pour­ront éga­le­ment adop­ter un enfant conjoin­te­ment et les couples de femmes mariées pour­ront de sur­croît recou­rir au don de sperme dans les condi­tions pré­vues par la loi. Des enfants issus de ce don ne pour­ront connaître leur père avant l’âge de 18 ans, ce qui était un des points les plus contes­tés pen­dant le débat sur le mariage pour tous. Les adver­saires du chan­ge­ment de loi crai­gnaient en outre que celui-ci n’ouvre la voie vers le don d’ovules et la ges­ta­tion par autrui mais qui ne sont pas à l’ordre du jour, au moins actuel­le­ment. Fina­le­ment, il ne sera plus pos­sible d’enregistrer de nou­veaux par­te­na­riats, mais les par­te­na­riats enre­gis­trés déjà conclus pour­ront être conver­tis en mariage.

Avec cette vota­tion, la Suisse a fait un pas atten­du depuis long­temps vers la moder­ni­té euro­péenne des modes de vie du 21è siècle. 

L’initiative « 99% »

Cette ini­tia­tive du nom offi­ciel « Allé­ger les impôts sur les salaires, impo­ser équi­ta­ble­ment le capi­tal » avait été prise par les Jeunes Socia­listes. Elle était appuyée au Par­le­ment par le Par­ti Socia­liste et le Par­ti des Verts et reje­tée par les par­tis bour­geois par 128 non contre 66 oui au Conseil natio­nal et 31 non contre 13 oui au Conseil des États. Mais les Socia­listes et les Verts n’ont sou­te­nu l’initiative que mol­le­ment pen­dant la cam­pagne de vota­tion popu­laire, ce qui explique en par­tie que l’initiative a été reje­tée par les deux tiers des citoyens.

L’initiative pré­co­ni­sait que les reve­nus du capi­tal – par exemple divi­dendes, inté­rêts, reve­nus loca­tifs – soient plus for­te­ment impo­sés lorsqu’ils sont éle­vés. Lors du cal­cul de l’impôt, les parts du reve­nu du capi­tal dépas­sant un cer­tain mon­tant auraient été impo­sées plus for­te­ment et comp­tées une fois et demie: chaque franc dépas­sant ce mon­tant aurait été impo­sé comme s’il s’agissait de 1 franc 50.[3] Or l’initiative ne défi­nis­sait pas ce mon­tant, qui aurait été fixé par le Conseil fédé­ral et le Par­le­ment si l’initiative avait été accep­tée et ce manque consti­tuait une de ses faiblesses.

Le Conseil fédé­ral avan­ça l’argument que du capi­tal est néces­saire pour créer de nou­velles entre­prises, pour inves­tir dans des entre­prises exis­tantes et donc pour créer de emplois et que l’initiative aurait ren­du dif­fi­cile la trans­mis­sion de petites et moyennes entre­prises d’une géné­ra­tion à la suivante.

Des argu­ments sup­plé­men­taires contre l’initiative étaient que pour ce qui est de l’imposition géné­rale du capi­tal, la Suisse se situe au-des­sus de la moyenne des pays membres de l’Union euro­péenne et qu’elle se situe plus au moins dans la moyenne des pays de OCDE si l’on consi­dère la répar­ti­tion des reve­nus  dont la popu­la­tion dis­pose effec­ti­ve­ment après déduc­tion des impôts et l’obtention des pres­ta­tions sociales. Un autre argu­ment contre l’initiative était que le 1 % des contri­buables les plus riches payait contri­buait d’ores et déjà à 40% de l’impôt fédé­ral direct. La Suisse ne res­semble donc pas au « para­dis fis­cal » pour lequel elle est par­fois poin­tée du doigt.


[1]                                 Un refe­ren­dum doit avoir lieu si des oppo­sants à une loi recueille 50.000 signatures

[2]                                 Une ini­tia­tive popu­laire doit être sou­mise au vote si ses pro­mo­teurs  recueillent 100.000 signatures

[3]                                 Si le mon­tant avait été de 150’000 CHF, la somme impo­sable aurait été de 175’000 CHF