Tandis que les restrictions reprennent en Europe, et que l’Allemagne s’apprête à interdire l’entrée des voisins français qui ne sont pas vaccinés sur son territoire, la situation des enfants et adolescents allemands est particulièrement alarmante, bien que peu évoquée par les médias.
Apprendre à la maison, rester assis seul, ruminer dans son coin, beaucoup d’enfants et de jeunes finissent par en tomber malade. Une nouvelle étude le prouve.
Et les faits rendent le tout vraiment dramatique : les cliniques pédiatriques d’Outre-Rhin sont en effet surpeuplées, les temps d’attente interminables.
À la Klinik am Leisberg, une clinique psychiatrique de Baden-Baden dédiés aux enfants et adolescents atteints de maladies mentales, le chiffre des pathologies et effectifs ont grimpé en flèche depuis l’épidémie de coronavirus, surtout les troubles de l’alimentation.
“Pendant le confinement, beaucoup de gestes structurants du quotidien se sont effondrés“, explique la directrice de la clinique, Franziska Falbesaner. Les rituels autour de l’alimentation ont été modifiés : lors des cours à distance, on mange fréquemment devant l’ordinateur, tandis que le déjeuner ou la pause méridienne dans la cour a disparu.
De nombreux parents rapportent que les troubles de l’alimentation de leur enfant sont apparus pendant l’épidémie ou ont été causés par le confinement.
Une étude montre que les fermetures des écoles atteignent psychiquement les enfants
La pandémie de corona et les fermetures de garderies et d’écoles associées ont eu un impact négatif sur la santé mentale des plus jeunes. C’est ce qui ressort d’une étude de l’Institut fédéral de recherche démographique , qui a été présentée mercredi à Wiesbaden.
Mère désespérée d’un anorexique : “Les cliniques sont surpeuplées“
Si votre enfant souffre d’anorexie, une pathologie en recrudescence, il était très difficile d’obtenir une place en thérapie même avant la pandémie. Désormais, c’est presque impossible. Une mère de Heidelberg qui souhaite rester anonyme, décrit son impuissance et sa frustration dans la recherche d’un lieu de thérapie pour sa fille de 14 ans, gravement malade.
Elle témoigne : “Nous vivons une terrible odyssée. Il est incroyablement difficile de trouver des médecins ou des thérapeutes qui ne soient pas complètement dépassés”.
La famille a sollicité les hôpitaux dans toute l’Allemagne – il n’y a que des listes d’attente partout. ” On parle d’une période d’attente de quatre à cinq mois. Nous nous sentons vraiment laissés seuls. Vous n’obtenez simplement aucune aide.”
Mélancolie, désespoir, apathie : les adolescents souffrent
L’augmentation des symptômes dépressifs cliniquement pertinents tels que la mélancolie, le désespoir et l’apathie chez les adolescents âgés de 16 à 19 ans est particulièrement grave.
Les chercheurs ont recommandé que les écoles restent largement ouvertes même si la pandémie devait se poursuivre, pour que les retards d’apprentissage soient comblés à long terme.
Il est primordial de permettre les contacts et de favoriser la joie de vivre avec des personnes du même âge.
La psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au bord de l’effondrement : “Ceux qui ne sont pas suicidaires seront renvoyés chez eux“
L’association professionnelle des pédiatres tire la sonnette d’alarme : depuis les débuts de l’épidémie, tant d’enfants et d’adolescents ont de graves problèmes psychologiques, que les cliniques ont pris des mesures drastiques de sélection.
Après le premier confinement au printemps 2020, un quart des jeunes âgés de 16 à 19 ans présentaient en effet « des symptômes de dépression cliniquement pertinents », selon le co-auteur d’une étude sur le sujet, et directeur adjoint de l’institut fédéral, Martin Bujard. Chose particulièrement flagrante : “à peine” dix pour cent de ce groupe d’âge était malade, l’année précédant la pandémie.
Extrapolation : Le confinement a rendu malade 477 000 jeunes
Franziska Falbesaner de la Klinik am Leisberg rapporte qu’il y a une longue liste d’attente. Il y a des demandes de renseignements tous les jours, et il faut les ajourner. Une situation difficile pour tout le monde. Selon Falbesaner, les enfants et les adolescents tomberaient malades en raison, entre autres, de l’isolement social. Pas d’école, pas de club, rien. Juste vos quatre murs. Les enfants se replient sur eux-mêmes – et deviennent souvent déprimés, anxieux ou développent des troubles de l’alimentation.
La directrice de l’établissement avait pour habitude de ne recevoir que des filles. Désormais, de plus en plus de garçons arrivent, souffrant de dépression, d’anxiété sociale ou de dépendance aux écrans, notamment aux réseaux sociaux.
L’étude le soutient : en raison de la pandémie et des fermetures d’écoles associées, la « qualité de vie liée à la santé » s’est considérablement détériorée chez environ 1,7 million de jeunes âgés de 11 à 17 ans, selon le co-auteur de l’étude, Martin Bujard.
Les inégalités sociales ajoutent aux difficultés
La pandémie a également montré qu’il existe d’importantes inégalités sociales, les problèmes se manifestant plus singulièrement dans les familles populaires. Il est donc à craindre que les enfants prennent encore plus de retard qu’avant la pandémie. L’étude examine le rôle des inégalités sociales à l’aide d’exemples portant sur l’éducation et le logement. Il est ainsi manifeste que les enfants issus de familles défavorisées sur le plan scolaire sont plus défavorisés par les fermetures d’écoles. La situation est rendue plus difficile dans les grandes villes, où de nombreuses familles vivent ensemble dans des espaces confinés.
Sources : SWR3 & Institut fédéral de recherches démographiques – Bundesinstitut für Bevölkerungsforschung