Nous souhaitons tous conserver la magie de Noël dans nos tête et dans nos coeurs envers et contre tout… »
A entendre Michèle Lutz égrener les sentences en matière sanitaire lors du conseil municipal de ce 9 décembre, lançant un oeil appuyé sur l’assistance après chacune de ses répliques strictement écrites, comme pour tester ses effets, on la sentait prête à rechausser avec componction ses gros souliers de mère fouettarde, prompte à frapper martialement les esprits un peu trop malavisés pour ne pas choisir de la prendre au sérieux.
« La crise témoigne d’une crise aiguë et de chiffres inquiétants ». « Une vague d’une exceptionnelle virulence ». « 4 patients sur 5 en réanimation ne sont pas vaccinés ».
La litanie se fait cependant absurde devant ce chiffre délibérément alarmiste, et tout à fait sujet à caution, pour de strictes raisons arithmétiques et épidémiologiques, ainsi que le démontre Libération dans sa rubrique Checknews du 5 décembre 2021.
Pourtant, nul ne va prendre soin de contester l’équivalent d’une infox délibérément introduite par l’exécutif municipal, au sein de l’assemblée d’élus.
Il est vrai que l’on n’en est plus à se questionner sur le fondement scientifique de l’une quelconque mesure de restriction, comme, par exemple, le port du masque en extérieur.
De sorte que si l’un quelconque dirigeant politique, ou même le sous-préfet de Pétaouchnok, intimait un jour à la population de marcher à cloche-pied, ou d’enjamber la voie publique à la façon recommandée par The ministry of silly walks, afin d’espérer lutter contre la circulation virale, plus personne n’y trouverait à redire.
Madame le maire déplora en outre la faiblesse de la structure hospitalière, le manque d’équipement, et l’épuisement du personnel de soin.
Une déploration de pleine circonstance, puisque 200 infirmières manquent à l’appel, rien qu’à l’hôpital de Mulhouse, pour satisfaire au fonctionnement ordinaire, dont 50 en raison de leur suspension à la suite d’un refus de vaccination contre le covid19…
Selon Mme Lutz, la population mulhousienne serait plus difficile à atteindre, car plus réticente. Comme un lien fleurant bon le sophisme causal, elle enchaine en ajoutant que « Les anti-passe ont pris l’habitude de se rassembler dans la plus grande ville du département qu’est Mulhouse ». Là encore un mensonge, puisque Colmar connait un cortège à peine moins fourni chaque semaine, et d’autres petites villes du Haut-Rhin ont connu des rassemblements épisodiques.
Ce faisant, « Elle regrette un aveu d’impuissance de l’État chaque samedi ». Manière hypocrite de souhaiter une interdiction des manifestations, elle évoquera encore les nuisances subies par les commerçants et les habitants depuis 21 week-ends successifs.
« Je sens monter un sentiment d’exaspération, et je vois apparaitre une ligne de fracture entre 2 camps… accentués par certains dirigeants politiques qui cherchent à tirer un bénéfice de ces antagonismes ».
S’il fallait rechercher un cas pratique applicable à l’expression « c’est l’hôpital qui se fout de la charité », on l’aura donc trouvé ici, à l’occasion de la déclaration de la maire de Mulhouse.
Enfin, on apprendra que le parvis du palais des sports accueillera bientôt une structure mobile de vaccination en lieu et place du vaccinodrome du gymnase universitaire.
Une dernière déclaration de police générale sur le maintient de l’ordre public à l’approche du 31 décembre conclura sa plus longue lecture du soir.
Fronde peu commune
Loic Minéry (groupe cause commune) réagit et déclare partager l’essentiel des propos sur la situation sanitaire et les précautions à déployer.
Mais l’unanimisme sanitaire laisse rapidement place à une attaque d’une étonnante dureté à l’endroit de l’exécutif municipal, à commencer par la relégation des prises de parole de l’opposition en seconde partie de soirée, dans ce que Minéry nomme un « gloubi-boulga » thématique.
Plus grave, il y dénonce la sélection des points présentés en séance publique du conseil municipal, « chose peu commune dans une ville de la taille de Mulhouse », « faute de pouvoir organiser plus de 8 ou 9 conseils municipaux par an ».
Il est vrai que le scandale démocratique du « vote en bloc » se retrouve un peu partout dans les grandes municipalités françaises. De nombreux points d’un ordre du jour surchargé se retrouvent alors relégués en fond de liste. Ils ne sont pas examinés individuellement, ne font pas l’objet d’un examen contradictoire. Ils sont votés par la majorité, en quelques secondes, comme s’il ne s’agissait que d’une seule décision ordinaire.
Lors de ce conseil municipal, ce sont rien moins que 34 points de l’ordre du jour qui ne seront pas examinés et délibérés en détail, ainsi qu’ils le devraient, en un véritable déni démocratique.
Minéry enfonce le clou : « Vous ne reculez devant rien pour taire la contradiction pour mieux vous plaindre des longueurs d’une opposition pourtant constructive ».
Transfigurant les trop bonnes dispositions prises jusqu’alors par son groupe vis-à-vis du Rottnero-Lutzisme, il balance, bravache, une philippique particulièrement bien troussée : « si vous aviez la possibilité légale de supprimer le conseil municipal, nul doute que vous le feriez ! ».
Il évoquera par la suite un sujet resté sans réponse lors du dernier conseil : l’accès des 12–17 ans aux bibliothèques, alors que le protocole est strict, les jeunes non vaccinés (parfois du fait de leurs parents, précisera-t-il) n’y ont pas accès, en raison du passe sanitaire. L’enjeu est également l’égal accès au numérique. Parfois même pour prendre rendez-vous sur doctolib, ira-t-il jusqu’à préciser.
« Ville jeune et inégalitaire, vous acceptez sans broncher cette mesure discriminatoire, alors qu’il serait possible de les y faire entrer au motif d’une activité de recherche ».
Ajoutant : « Le fait de se retrouver entasser dans les transports publics ou lors du Black friday ne semble pas vous inquiéter a contrario. Soyez un peu courageux et ouvrez vous à la souffrance des agents de ces lieux de culture déserter ces publics ».
« En somme défendez-vous tous les mulhousiens ou seulement ceux qui ont une bibliothèque bien garnie et un accès facile au numérique ? »
Il achèvera son intervention en saluant le geste de 2 militants défenseurs (mulhousiens) des migrants qui se trouvent à Calais et y ont accompli une grève de la faim afin de dénoncer le sort des réfugiés : « Notre pays n’a pas le droit d’empêcher des personnes de quitter le territoire, et doit respecter leur détresse. De même que les forces de l’ordre n’ont pas le droit de dégrader leurs biens ou de les harceler. Le silence des dirigeants mulhousiens est assourdissant ».
Christelle Ritz (RN) dénoncera quant à elle les effets du passe sanitaire « liberticide et qui ne sert à rien » tout en faisant valoir le souci de soi et des autres, précisant qu’elle était vaccinée et devait présenter ce document partout où elle allait.
Elle dénoncera également le sort matériel fait aux soignants, privés de salaire et soumis au RSA. Appelant à réintégrer le personnel soignant suspendu et à rejeter toute idée de radiation des personnels non vaccinés, elle prendra plaisir à a rappeler que l’exécutif mulhosuein n’a été élu qu’avec 4000 voix… et qu’elle même n’en a rassemblé que 1500 !
Sur plus de 49 000 inscrits (ce qui est peu au regard des 110 000 habitants que compte la ville ‑Colmar comptant par exemple 42000 inscrits pour 69 000 habitants !), il y a effectivement de quoi s’étrangler.
Comme à son habitude, Alain Couchot, président du groupe majoritaire, répondit avec la morgue qui lui sied tant, que sa préoccupation de médecin (alors qu’il excelle surtout en développement web et en management, à en croire son compte Linkedin), le portait à « favoriser la vaccination ». Un objectif sanitaire devenu politique.
Voyant dans les salves de l’opposition une « seule préoccupation » : « contourner l’exigence vaccinale », et s’attaquer aux « gestes barrières ». Le vaccin contre le ridicule n’est, semble-t-il, toujours pas immunisant.
On apprenait, enfin, que le site de l’ancienne prison faisait déjà l’objet d’études de réhabilitation. Michèle Lutz évoquant une école élémentaire, un parc, et une extension du tribunal judiciaire…
Budget
Le budget primitif 2022 de la Ville de Mulhouse (347 198 000 euros) se veut « rigoureux et ambitieux », selon la formule de Florian Colom, adjoint aux finances.
Et quand Joseph Simeoni (groupe Mulhouse cause commune) annonce qu’il ne voterait pas « ce budget d’austérité qui laisse en jachère l’urgence sanitaire, sociale et écologique », qui « réalise des économies sur le fonctionnement et la gestion des personnels », et dont « l’investissement réel ne progresse pas », l’expert-comptable qu’est Colom y voit « Un discours empreint d’une idéologie marquée qui peine à faire avancer le débat démocratique ».
Comment faire plus creux que la réplique d’un expert-comptable se piquant de politique ?
Création du CCAS
Mulhouse vient de se doter d’un CCAS, (centre communal d’action sociale), réclamé par l’opposition et au programme électoral de la majorité. Il a été formellement créé lors de ce conseil municipal.
Le conseil d’administration de ce CCAS a été élu à cette occasion, et constitue l’unique raison pour laquelle le conseil n’a pas été réuni en distanciel, précisera Michèle Lutz…
Ont été élus Marie Corneille, Cécile Sornin, Henri Metzger Alain Couchot et Alfred Oberlin, pour le groupe majoritaire, Nadia El Hajjaji pour Mulhouse cause commune et Antoine Ehret pour M Mulhouse.
Excellent article avec le très joli mot « philippique »