Nantes Révoltée est un média local qui fait partie de ces moyens d’expression que des associations attachées au pluralisme de l’information créent pour apporter une vision différente sur l’actualité que celle exprimée par les médias que nous appellerons « dominants ». Dans un monde où la diversité des expressions devient intolérable, ces médias alternatifs déplaisent fortement aux potentats gérant notre société. Le ministre de l’Intérieur, M. Darmanin, a décidé de lancer une procédure de dissolution à l’égard de Nantes Révoltée (tout comme de “Cerveaux non disponibles”).
Comme le rappelle le Syndicat National des Journalistes (SNJ), c’est une première depuis 1945…
Le premier syndicat de journaliste en France, relate ainsi les faits :
« Présenté par le ministère de l’Intérieur comme un groupement représentant l’ultra-gauche, Nantes Révoltée – qui se définit comme un média autonome et engagé sur les luttes sociales et environnementales à Nantes et dans le monde – réalise un travail d’information, nourri par des documents, des articles et des vidéos, des témoignages. Nantes Révoltée s’est fait l’écho de nombreuses violences policières à Nantes (notamment l’affaire Steve Maia Caniço, ce jeune noyé dans la Loire après une charge de la police lors de la fête de la musique), d’articles sur des faits de société, de sujets sur un autre modèle de société. »
Le prétexte d’apologie de la violence est tout simplement scandaleux mais aussi révélateur d’une volonté gouvernementale de mettre tout le monde « aux pas » quitte à fouler aux pieds les libertés fondamentales.
Outre le SNJ, de très nombreuses associations protestent vivement contre cette procédure engagée par le ministre de l’Intérieur… La Ligue des Droits de l’Homme, Acrimed et bien d’autres (dont IPDC qui édite L’Alterpresse68) s’y associent.
Le journal Reporterre rappelle fort justement que « Rétrogradée à la 34e place sur 180 pays dans le classement 2021 de Reporters sans Frontières sur la liberté de la presse, la France est régulièrement condamnée pour les nombreuses violations du droit d’informer dans le cadre du « nouveau schéma national de maintien de l’ordre » et du projet de loi dit de Sécurité globale. Les manifestations sont devenues pour partie des zones de non-droit dans lesquelles le travail des journalistes est de plus en plus compliqué à exercer, voire toujours plus dangereux, avec des nombreux cas de reporters blessés par des tirs de LBD, matraqués, visés par des jets de gaz lacrymogène, arrêtés arbitrairement ou privés brutalement de leur matériel de reportage. En outre, en 2020, deux journalistes d’investigation au moins ont été convoqués par l’IGPN dans le cadre d’enquêtes pour « recel de violation du secret professionnel ». On appelle cela de l’intimidation.
A la demande de LREM
C’est à la suite d’une demande des responsables nantais du parti présidentiel LREM que cette dissolution a été lancée par Darmanin. Avec les motivations suivantes : « Ne plus laisser prospérer cette idéologie anarchiste et haineuse plus longtemps ». On mesure bien là que cette dissolution d’un média répond à une vision de la société que préconise M. Macron et l’ensemble de ses troupes bêlantes des « référents » locaux : il s’agit bien d’imposer cette vision par tous les moyens s’il le faut !
« Nantes Révoltée » est pris comme otage pour bien passer le message à la population : il n’y a pas d’alternatives à notre politique. Si vous pensez le contraire, vous êtes soit des crétins ou bien des malfaisants doublés de complotistes. Et comme LREM possède la vérité absolue et le Président Macron le savoir universel, on va vous convaincre par, d’abord, la persuasion (merci les médias officiels) puis, si vous ne comprenez toujours pas, on passe au dénigrement puis à la répression.
Dans son ouvrage De la démocratie en pandémie. Santé, recherche, éducation (Tracts, Gallimard), la philosophe Barbara Stiegler, constate que « l’adoption de ces procédures rythmée par une rhétorique martiale a mené à l’édification d’un monde binaire opposant les “progressistes”, soucieux de la vie et de la santé “quoi qu’il en coûte”, et les “populistes”, accusés de nier le virus et de verser dans le complotisme. Résultat : une impossibilité de discuter, d’accepter les dissensus pourtant essentiels à la vie démocratique et la vitalité de la science et de la recherche. »
Dans leur volonté de supprimer toute contestation, même dans le domaine scientifique où la contradiction est LE moteur du progrès, il s’agit également de maîtriser l’information et de la réduire à une simple communication qui se résume à asséner des arguments dument peaufinés par des agences de communication omniprésentes à l’Élysée et dans les ministères.
D’où l’utilisation abusive des « éléments de langage » qui vous donne cette désagréable sensation que ces arguments sont débités sur les ondes et dans la presse souvent au mot près… et qui fait que nous avons l’impression d’avoir à faire à des perroquets reproduisant ce que les agents de communication leur ont appris.
Faut-il rappeler qu’un mensonge débité partout et des millions de fois ne devient pas pour autant une vérité. Certes cela peut permettre gérer à court terme des citoyens… mais pour cela il faut éliminer toute contradiction.
Soutenir Nantes Révoltée
Nantes Révoltée fait progresser la démocratie en exprimant une autre voix dans le concert désespérément uniforme et univoque du monde médiatique. Ce média représente une toute petite part de pluralisme, comme nous sommes nombreux, à notre échelle à tenter de le faire.
Nous reviendrons, dans L’Alterpresse68, sur la nouvelle enquête 2022 sur la crédibilité des médias effectuée chaque année par le quotidien La Croix depuis 1987. Mais en voilà un des constats alarmants :
« Des espoirs déçus dans les médias et les journalistes
Au total les sondés considèrent que les médias sont essentiels au bon fonctionnement de la démocratie à près de 90%. Ils considèrent aussi que la liberté de la presse et des médias, le pluralisme sont des facteurs importants à plus de 77%.
Pourtant, alors que la cote de confiance dans les médias et dans les journalistes est en moyenne de 59% en Europe, elle n’est que de la moitié (29%) en France. De quoi donner d’utiles réflexions à la caste journalistique – non pas dans son ensemble – mais pour sa majorité libérale fonctionnant en vase clos et en parfaite consanguinité avec le monde politique. »
Nous aurons l’occasion de revenir sur les dangers pesant sur la démocratie avec les restrictions organisées de la mise en cause de la liberté d’informer, mais à présent il s’agit d’empêcher que les sombres desseins du ministre de l’Intérieur aboutissent à la première dissolution d’un média depuis 1945.
Une pétition est en cours : elle rencontre un succès indéniable mais il en faudra bien plus pour empêcher le gouvernement d’aller jusqu’au bout de l’exemple qu’il veut donner et qui risque d’être le premier pas dans un engrenage répressif que plus rien n’arrêtera.
« Même si je ne suis pas d’accord avec ce que tu dis, je me battrai pour que tu puisses le dire » est, paraît-il faussement attribué à Voltaire. Mais nous la reprenons tout de même à notre compte parce qu’elle résume parfaitement notre vision de la démocratie. C’est pourquoi nous vous faisons part de l’adresse sur laquelle nos lectrices et lecteurs pourront soutenir le pluralisme et la liberté de l’information.
Prochain article : la crédibilité des médias français… un long naufrage des médias dominants.
Bonjour,
Merci pour cette information ! L’Alterpresse68 ne revêt pas honte & hypocrisie d’être un média d’opinion.
Ce qu’est absolument tout média, même (surtout) les magazines sport, culture…
La dissolution de Nantes Révoltée, n’empêchera pas ses journalistes engagé-es de continuer leurs besognes, mais leur pose néanmoins des tracas d’ordre pratique et budgétaire.
Le vrai problème, c’est le sophisme dont se pare ce gouvernement, finalement autant “facho” que les groupes d’extrême droite. Produire une politique globale (économique, culturelle, sociale…) binaire, celle qui implicitement affirme que tout est blanc ou noir, bon ou mauvais, tient bien de la réaction.
Il s’agit bien de politique réactionnaire que creuse Macron et son monde.
Le projet de dissolution est officiellement à l’étude ; l’appliquer, c’est fermer une nouvelle porte d’accès aux espaces démocratiques, qui se réduisent mois après mois. Depuis son accession à l’Elysée, le jupiter affublé aura sous son mandat réduit autant de droit fondamentaux qu’un Erdogan/Poutine/Trump…
Si la dissolution projetée est impossible à appliquer pour raison de droit constitutionnel, Castex & consort passeront pour des pusillanimes par tous les chantres de la réaction.
A quand une dissolution de L’Alterpresse pour raisons critiques envers les médias du PPA (Parti de la presse et de l’argent), envers la politique sanitaire des plus déplorables, ou “nos” élus.
Vive Nantes Révoltée !
Jano