Victoire ?

Le Tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Stras­bourg vient d’an­nu­ler l’ar­rê­té du Pré­fet du Haut-Rhin auto­ri­sant la créa­tion d’un réseau de des­sertes fores­tières dans le mas­sif de 293 hec­tares situé sur les com­munes de Dol­le­ren et Kirch­berg. La demande était por­tée par 2 membres du Col­lec­tif citoyen pour la défense du Sprickelsberg.

Trois ans que le Col­lec­tif citoyen pro­teste contre ce pro­jet (le 12 ème de ce type réa­li­sé pour l’ex­ploi­ta­tion fores­tière dans les val­lées de la Dol­ler et de la Thur), dénonce  les excès induits par une exploi­ta­tion indus­trielle outran­cière de la forêt pou­vant impac­ter gra­ve­ment l’en­vi­ron­ne­ment, la faune, la flore, voire ris­quer de pol­luer des cap­tages d’eau publics ou pri­vés (le risque n’est pas théo­rique comme l’ont véri­fié récem­ment plu­sieurs mil­liers d’ha­bi­tants de la val­lée de la Thur, pri­vés d’eau potable pen­dant plu­sieurs jours…).

L’é­tude d’im­pact préa­lable à tous tra­vaux, impo­sée par déci­sion pré­fec­to­rale spé­ci­fique pour ce type d’ex­ploi­ta­tion  indus­trielle à des syn­di­cats de pro­prié­taires fores­tiers dotés de pré­ro­ga­tives de puis­sances publiques (ASA ‑asso­cia­tion syn­di­cale auto­ri­sée- du Spri­ckels­berg en l’occurrence) a per­mis de pré­ci­ser les risques envi­ron­ne­men­taux directs consé­quences d’une exploi­ta­tion inten­sive ren­due pos­sible par la réa­li­sa­tion dans la zone boi­sée concer­née de près de 9 kilo­mètres de che­mins gru­miers, de deux kilo­mètres de pistes de débar­dage, et de 7 places mixtes de retour­ne­ment des engins forestiers.

L’é­tude d’im­pact avait par­ti­cu­liè­re­ment sou­li­gné les risques d’at­teintes à la bio­di­ver­si­té, clas­sés selon une échelle de gravité.

Bien enten­du les inté­rêts des indus­triels de l’ex­ploi­ta­tion fores­tière l’ont empor­té sur le prin­cipe de pré­cau­tion et les tra­vaux ont donc été réa­li­sés et l’ex­ploi­ta­tion acti­vée depuis des mois, bien avant la déci­sion de jus­tice donc. Poli­tique du fait accompli.…

Et maintenant ?

Le tri­bu­nal a essen­tiel­le­ment pris en compte, dans sa déci­sion d’an­nu­la­tion de l’ar­rê­té pré­fec­to­ral  qui auto­ri­sait le pro­jet, les risques clas­sés « assez fort » ou « moyens » pour « des indi­vi­dus et des espèces sensibles ».

Les mesures de com­pen­sa­tion pour la conser­va­tion d’es­pèces ani­males ou végé­tales pro­té­gées et de leur habi­tat annon­cées par l’ex­ploi­tant pour la pro­tec­tion de la bio­di­ver­si­té (notam­ment zones d’é­vi­te­ment, zone pré­ser­vée de quelques hec­tares, modu­la­tion des pra­tiques de syl­vi­cul­ture,  pré­ser­va­tion de milieux humides…) n’ont pas appa­ru au tri­bu­nal « de nature à évi­ter entiè­re­ment le risque de per­tur­ba­tion des espèces pro­té­gées et de des­truc­tion, d’al­té­ra­tion ou de dégra­da­tion de ces habi­tats natu­rels ou de ces habi­tats d’espèces ».

6 espèces de mam­mi­fères, 24 espèces d’oi­seaux, 4 espèces d’am­phi­biens, 1 espèce de rep­tile sont ain­si décla­rées comme spé­cia­le­ment affec­tées mal­gré les mesures com­pen­sa­toires annon­cées par l’ex­ploi­tant forestier.

Le tri­bu­nal en conclut qu’une demande de déro­ga­tion au code de l’en­vi­ron­ne­ment devait donc léga­le­ment être dépo­sée par l’A­SA et il enjoint au pré­fet du Haut-Rhin de reprendre l’ins­truc­tion de la demande de l’ar­rê­té d’au­to­ri­sa­tion, annu­lé en l’occurrence.

Que fera l’autorité préfectorale ?

Reprendre l’ins­truc­tion en se conten­tant des quelques mesures sym­bo­liques com­pen­sa­trices déjà pré­sen­tées par l’A­SA du Sprickelsberg ?

Reprendre l’ins­truc­tion en impo­sant de véri­tables mesures de pro­tec­tion des espèces pro­té­gées affectées ?

Reprendre la concer­ta­tion avec les repré­sen­tants du col­lec­tif citoyen, des asso­cia­tions de pro­tec­tion de la nature recon­nues (concer­ta­tion com­men­cée avant le recours conten­tieux sous l’é­gide de la sous – pré­fec­ture de Thann et d’é­lus locaux mais inter­rom­pue par les repré­sen­tants de l’ASA) ?

Il ne s’a­git pas pour nous de dénier le droit aux pro­prié­taires fores­tiers d’ex­ploi­ter dans les meilleures condi­tions leurs parcelles.

Il s’a­git par contre de dénier aux indus­triels exploi­tant la res­source natu­relle le droit d’en igno­rer les consé­quences envi­ron­ne­men­tales, des dégâts irré­ver­sibles sur la faune et la flore locales.

Le dos­sier du Spri­ckels­berg est modeste mais exem­plaire: rares sont les études d’im­pact envi­ron­ne­men­tal dans le domaine de l’ex­ploi­ta­tion indus­trielle de la forêt.

Nous veille­rons à ce que les conclu­sions et pré­co­ni­sa­tions de cette étude soient effec­ti­ve­ment prises en compte dans le cadre d’une concer­ta­tion de bonne foi avec les exploi­tants, le res­pect atten­tif de toutes les pres­crip­tions légales, l’in­for­ma­tion sys­té­ma­tique des habi­tants sur des enjeux qui nous concernent tous !

Pour le Col­lec­tif citoyen, Chris­tian Rube­chi et Noëlle Casa­no­va.

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