Dans la zad de Lützerath, près de Cologne, des activistes écologistes luttent contre l’extension d’une mine de charbon à ciel ouvert. Les militants et militantes allemandes occupent ce terrain depuis maintenant près d’un an et demi.
Conséquence de l’extractivisme sans limites, l’Allemagne exploite d’immenses mines de charbon (les mines à ciel ouvert du pays consomment 170 000 hectares), au moyen de machines pareillement gigantesques, dont des excavatrices à godets.
Compte tenu la conjoncture mondiale (raréfaction du gaz russe dont le pays est particulièrement tributaire) et les choix politiques opérés au niveau fédéral (fermeture des centrales nucléaires), l’Allemagne renoue donc avec le charbon…
Une aberration climatique, qui se traduit par la réouverture de centrales à lignites, afin de faire face à la demande dans la perspective de l’hiver et des pénuries énergétiques qui se profilent.
Au seul stade de l’extraction et du transport les premiers impacts directs et indirects se font ressentir pour les êtres humains et l’environnement : les mines produisent des poussières susceptibles de causer la silicose quand elles sont inhalées durant une longue période, et sont fréquemment responsables de la mortalité des mineurs.
Quant à la combustion du charbon, elle est également une activité particulièrement polluante, plus encore que pour d’autres énergies fossiles, en raison de la quantité de produits indésirables que contient le charbon.
Benzène et autres dérivés aromatiques, goudrons, dérivés du phénol comme les dioxines… oxydes de soufre et d’azote qui acidifie l’air, ainsi que des suies et d’autres éléments toxiques comme le cadmium, l’arsenic ou le mercure, soufre (contribuant à l’acidification des pluies) en situation de combustion.
Sur le CO2
Le charbon étant constitué de carbone, sa combustion libère donc énormément de dioxyde de carbone.
L’Agence internationale de l’énergie évalue les émissions mondiales de CO2 dues au charbon à 14 502 Mt en 2017, contre 5 229 Mt en 1971 et 8 296 Mt en 1990 ; la progression depuis 1990 est de 74,8 %.
En 2019, 44,0 % des émissions de CO2 dues à l’énergie provenaient du charbon, contre 33,7 % pour le pétrole et 21,6 % pour le gaz naturel ; cette part du charbon est en forte hausse : elle n’était que de 35,7 % en 1973.
Si la tendance se poursuit, en 2030 les émissions mondiales seront accrues de 14,0 giga tonnes de CO2 (+ 56 %), et les émissions de 7,5 Gt CO2 (+80 %) avec 4,8 Gt CO2 provenant du charbon.
En 2050, la situation serait pire encore avec un accroissement de 30,5 Gt CO2 (+ 300 %) et 21,1 Gt CO2 en plus issus du charbon. Si les meilleures technologies actuellement disponibles pour un charbon plus « efficace » et plus propre étaient utilisées partout, l’augmentation des émissions serait diminuée de 22 % relativement au niveau attendu en 2050, et de 11 % par rapport au niveau attendu en 2030.
L’espoir de technologies propres fait envisager à certains une atténuation plus importante de l’augmentation des émissions (de 9,7 Gt CO2 ; soit une baisse relative de 32 % par rapport au scenario « business as usual » pour 2050, et de 18 % par rapport au même scenario pour 2030). Équiper toutes les centrales au charbon de ces technologies coûteuses et en grande partie encore hypothétiques d’ici 2030 ou 2050 semble cependant peu réaliste, et « en tous cas, même un déploiement total des meilleures technologies de charbon propre disponibles ne fait que limiter l’augmentation d’émissions de CO2 ».
Les emplacements de ces mines de charbon à ciel ouvert jouxtent souvent des villages habités dont les habitants doivent alors être expropriés et leurs propriétés détruites, afin de laisser place à la mine, et à son avaleuse géante de 13 500 tonnes, comme la Bagger 288, laquelle officie désormais dans la mine de Garzweiler.
Tout comme les maisons particulières, les bâtiments religieux sont pareillement engloutis, d’où d’étonnantes alliances dans la lutte entre militants écologistes et prosélytes religieux.
Un charbon non nécessaire
L’Institut allemand de recherche économique confirme, étude à l’appui, que le charbon de Lützerath n’est pas nécessaire à l’approvisionnement en électricité de l’Allemagne, même en période de crise énergétique.
Pourtant, RWE (un conglomérat allemand à impact international distribuant eau, électricité, gaz et services à caractère environnemental), prépare le démembrement de Lützerath – en dépit même d’une recommandation contraire émanant du Bundestag -.
Les manifestants s’opposent à l’engloutissement de villes et de villages. Que ce soit à Lützerath, à la mine à ciel ouvert de Garzweiler, ou même dans la région de Kuzbass en Russie, et encore en Colombie au profit de la mine El Cerrejon, comme partout ailleurs dans le monde.
Ce faisant, si le Bundestag recommande le maintien du village de Lützerath, la poursuite de l’exploitation à ciel ouvert jusqu’en 2030 n’est quant à elle pas remise en question !
Pour se faire entendre, les opposants organisaient le samedi 3 septembre une nouvelle démonstration populaire et festive, nommée « pas de charbon dans ce monde ». Des flyers et documents sur cette manifestation sont disponibles ici.
Lors de L’Université d’été européenne des mouvement sociaux, qui a eu lieu à Mönchengladbach (non loin de là) du 17 au 21 aout, une action avait pour objet de s’y rendre l’après-midi du samedi, au bord de la gigantesque mine à ciel ouvert, entre 16h et 20h.
Les participants avaient pour slogan « Défendre l‘objectif de 1,5 degré : soyez la ligne rouge ! », contre le projet du groupe énergétique RWE « tueurs de climat et destructeurs d‘environnement en Europe »…
Notre photographe Martin Wilhelm s’y trouvait également, et nous a rapporté de nombreuses et saisissantes images du gigantisme minier de ces lieux, ainsi que des installations zadistes qui leur font face :