Les guerres, périls et même les menaces infec­tieuses, ain­si qu’il a été loi­sible de le consta­ter durant l’é­pi­sode de covid-19, ont de très nettes ten­dances à sur­dé­ter­mi­ner et ren­for­cer les atti­tudes et pen­chants auto­ri­taires dans les popu­la­tions, y com­pris auprès des moins sus­cep­tibles d’y succomber… 

Que l’autoritarisme puisse être l’ex­pres­sion d’un trait de per­son­na­li­té, comme le pen­sait Ador­no, que leur capa­ci­té à l’empathie soit limi­tée, ou qu’elles tra­duisent un état de stress et de désordres anxieux, ces pro­fils de per­son­na­li­té nous cir­cons­crivent plus que jamais, notam­ment dans les médias, l’é­co­no­mie ou encore la politique. 

Il nous a donc sem­blé utile de relayer une étude rétros­pec­tive réa­li­sée sur le sujet par Johan Lepage, ensei­gnant-cher­cheur en psy­cho­lo­gie sociale à l’U­ni­ver­si­té Gre­noble Alpes (UGA), et co-édi­tée par notre confrère The conver­sa­tion.

Pour­quoi cer­tains indi­vi­dus adhèrent-ils plus for­te­ment que d’autres aux formes d’organisation carac­té­ri­sées par la hié­rar­chie, la domi­nance, et l’obéissance ?

La psy­cho­lo­gie sociale, une branche de la psy­cho­lo­gie expé­ri­men­tale qui étu­die l’influence du contexte social sur les émo­tions, la cog­ni­tion, et le com­por­te­ment, traite cette ques­tion depuis plu­sieurs décen­nies. La recherche a notam­ment fait émer­ger le concept de « per­son­na­li­té auto­ri­taire ». De quoi s’agit-il exactement ?

Les sociétés humaines produisent des inégalités particulièrement marquées

Une consé­quence de la sévé­ri­té du par­tage inéqui­table des res­sources et de l’oppression dans les socié­tés humaines est un niveau éle­vé de conflit entre des forces sociales qui accen­tuent la hié­rar­chie, comme le racisme ou le sexisme, et d’autres qui atté­nuent la hié­rar­chie, comme le socia­lisme ou le féminisme.

Selon le bio­lo­giste amé­ri­cain Robert Sapols­ky, qui enseigne la neu­ro­lo­gie à la pres­ti­gieuse uni­ver­si­té cali­for­nienne de Stan­ford, rien dans la socia­li­té ani­male n’implique une forme de domi­na­tion aus­si agres­sive que « l’invention humaine de la pau­vre­té ».

Pour les psy­cho­logues amé­ri­cains Jim Sida­nius et Féli­cia Prat­to, les hié­rar­chies sociales humaines s’organisent en trois prin­ci­paux sys­tèmes : le sys­tème d’âge (pou­voir dis­pro­por­tion­né des adultes par rap­port aux jeunes), le sys­tème de genre ou patriar­chie (pou­voir dis­pro­por­tion­né des indi­vi­dus de sexe mas­cu­lin par rap­port aux indi­vi­dus de sexe fémi­nin), et le sys­tème de groupes arbi­traires (groupes socia­le­ment construits sur la base de cri­tères comme l’ethnie ou la classe sociale).

Ce der­nier sys­tème, carac­té­ris­tique des socié­tés indus­trielles, se dis­tingue notam­ment par le rôle impor­tant de l’agression dans le main­tien de la domi­na­tion. Mais dans ce contexte, tous les indi­vi­dus ne réagissent pas de la même façon.

L’autoritarisme, expression de la personnalité ?

La pre­mière recherche de réfé­rence sur la « per­son­na­li­té auto­ri­taire » a été publiée en 1950 par le phi­lo­sophe et socio­logue alle­mand Theo­dor Ador­no et ses col­la­bo­ra­teurs. L’enjeu est alors la com­pré­hen­sion de la mon­tée du nazisme dans l’Allemagne des années 1930.

Selon les auteurs, ce fait ne sau­rait être expli­qué par une seule dis­ci­pline de recherche (psy­cho­lo­gie cli­nique, socio­lo­gie, éco­no­mie, etc.) Ador­no fait l’hypothèse d’un « inva­riant » ne dépen­dant ni des indi­vi­dus ni du contexte : toute per­sonne pos­sé­de­rait une « struc­ture men­tale stable poten­tiel­le­ment fas­ciste » (poten­tial­ly fas­cis­tic). Cette struc­ture serait par­ti­cu­liè­re­ment active en cer­taines cir­cons­tances chez cer­taines per­sonnes, les prin­ci­pales consé­quences sociales seraient l’antisémitisme, le conser­va­tisme, et l’ethnocentrisme.

Plaque commémorative apposée sur la maison de Theodor W. Adorno à Kettenhofweg (Frankfort), dessinée par Guenter Maniewski et dévoilée le 17 novembre 1994.
Plaque com­mé­mo­ra­tive appo­sée sur la mai­son de Theo­dor W. Ador­no à Ket­ten­hof­weg (Frank­fort), des­si­née par Guen­ter Maniews­ki et dévoi­lée le 17 novembre 1994. Frank Behn­sen / Wiki­me­dia Com­mons, CC BY

Ador­no et ses col­la­bo­ra­teurs ont réa­li­sé plu­sieurs enquêtes com­pre­nant des mesures quan­ti­ta­tives (échelles d’attitude, ques­tion­naires) et qua­li­ta­tives (entre­tiens, tests pro­jec­tifs), et ont obser­vé une rela­tion entre dif­fé­rentes ten­dances : confor­misme, sou­mis­sion à l’autorité, hos­ti­li­té, agres­sion, super­sti­tion, rigi­di­té men­tale, attrait pour l’exercice du pou­voir, cynisme, croyance en un monde dangereux.

Les auteurs ont inter­pré­té cette rela­tion comme l’expression d’une « per­son­na­li­té auto­ri­taire » que l’on pour­rait mesu­rer avec leur « échelle F » (F pour fas­ciste). Adop­tant une pers­pec­tive psy­cha­na­ly­tique, les auteurs ont pro­po­sé que la per­son­na­li­té auto­ri­taire soit l’expression d’une vul­né­ra­bi­li­té émo­tion­nelle héri­tée d’une édu­ca­tion paren­tale punitive.

Depuis ces tra­vaux, la notion d’autoritarisme a fait l’objet de raf­fi­ne­ments théo­riques et psy­cho­mé­triques importants.

Mesurer l’autoritarisme

Le psy­cho­logue amé­ri­cain Bob Alte­meyer a déve­lop­pé dans les années 1980 la pre­mière mesure fiable de l’autoritarisme avec l’échelle d’autoritarisme de droite.

Cette notion com­prend trois facettes fonc­tion­nant ensemble : une adhé­sion rigide aux normes sociales, une grande impor­tance attri­buée à l’obéissance et au res­pect de l’autorité, et une atti­tude puni­tive à l’encontre des per­sonnes s’écartant des normes sociales.

Les per­sonnes auto­ri­taires ont une sen­si­bi­li­té reli­gieuse, tra­di­tio­na­liste et conser­va­trice. Elles valo­risent le contrôle social et sou­tiennent le droit des auto­ri­tés à uti­li­ser la force contre les per­sonnes dont le com­por­te­ment consti­tue­rait une menace pour la sécu­ri­té et l’ordre ; elles ont davan­tage ten­dance à pro­mou­voir l’utilisation de la vio­lence par les ins­ti­tu­tions (par exemple, le recours à la peine de mort), par les forces de sécu­ri­té, et par des indi­vi­dus pri­vés (lyn­chage notamment).

Dans les années 1990, Jim Sida­nius et Feli­cia Prat­to ont for­gé un nou­veau concept : l’orientation à la domi­nance sociale. Cette notion désigne une pré­fé­rence géné­rale pour des rela­tions inter­groupes inéga­li­taires. La recherche montre que ce trait est par­ti­cu­liè­re­ment saillant chez les membres des groupes dominants.

Les per­sonnes à forte domi­nance sociale ont un faible sou­ci pour l’équité et le bien-être d’autrui. Elles valo­risent la com­pé­ti­tion et sou­tiennent le droit de leur groupe à exer­cer une domi­na­tion sur les autres groupes ; elles ont davan­tage ten­dance à prendre des déci­sions contraires à l’éthique, à enfreindre la loi, à uti­li­ser l’intimidation, le har­cè­le­ment voire l’agression pour atteindre leurs objectifs.

Avec l’autoritarisme de droite, l’orientation à la domi­nance est le pré­dic­teur le plus robuste d’un large ensemble de phé­no­mènes poli­tiques : racisme, sexisme, homo­pho­bie, per­sé­cu­tion eth­nique, conser­va­tisme poli­tique, sou­tien à la peine de mort, mili­ta­risme, natio­na­lisme. Un aspect com­mun sub­stan­tiel à ces deux atti­tudes auto­ri­taires est l’agressivité contre les groupes subordonnés.

Traits de personnalité associés à l’autoritarisme

Les cher­cheurs en psy­cho­lo­gie sociale ont ten­té de déter­mi­ner si cer­tains traits de per­son­na­li­té peuvent pré­dis­po­ser les indi­vi­dus à déve­lop­per des atti­tudes auto­ri­taires. Des tra­vaux ont mon­tré que l’autoritarisme de droite est asso­cié à une faible ouver­ture cog­ni­tive et un carac­tère conscien­cieux. Les per­sonnes cumu­lant ces traits tendent à être into­lé­rantes à l’ambiguïté et l’incertitude, et fer­mées à la nouveauté.

L’autoritarisme de droite est éga­le­ment asso­cié au dog­ma­tisme. Une récente étude, publiée par l’équipe du neu­ros­cien­ti­fique bri­tan­nique Ste­phen Fle­ming, révèle que les per­sonnes dog­ma­tiques recherchent moins d’informations avant de prendre une déci­sion – bien qu’elles ne soient pas plus confiantes dans sa jus­tesse. Elles pro­duisent ain­si plus d’erreurs. Les per­sonnes dog­ma­tiques sont moins sen­sibles à l’incertitude et se ren­seignent moins avant de prendre posi­tion, ce qui favo­rise le main­tien rigide de croyances, indé­pen­dam­ment de leur exactitude.

L’orientation à la domi­nance sociale est quant à elle asso­ciée à un défi­cit d’empathie, comme le montre notam­ment une étude basée sur l’imagerie par réso­nance magné­tique fonc­tion­nelle (IRMf) publiée par Joan Chiao et ses col­lègues. L’IRMf per­met d’enregistrer l’activité du cer­veau pen­dant qu’une tâche est réa­li­sée. Chez les par­ti­ci­pants ayant des scores éle­vés à l’échelle d’orientation à la domi­nance sociale, les cher­cheurs ont obser­vé une réponse plus faible à la détresse d’autrui au niveau de régions céré­brales impor­tantes pour l’empathie.

Cette atti­tude est éga­le­ment asso­ciée à des traits de per­son­na­li­té anti­so­ciaux comme le nar­cis­sisme, la psy­cho­pa­thie et le machia­vé­lisme. On observe chez les per­sonnes cumu­lant ces traits une pro­pen­sion à la mani­pu­la­tion, une estime de soi très déve­lop­pée, un com­por­te­ment impul­sif, par­fois agres­sif, voire violent.

Des influences génétiques ?

L’hypothèse vou­lant que la per­son­na­li­té d’une per­sonne l’incite à déve­lop­per cer­taines atti­tudes poli­tiques est fon­dée sur la simple cor­ré­la­tion entre traits de per­son­na­li­té et atti­tudes poli­tiques, ain­si que sur l’observation que les traits de per­son­na­li­té sont influen­cés géné­ti­que­ment et se déve­loppent dans la petite enfance. Des tra­vaux ont mon­tré que les pré­fé­rences poli­tiques se déve­loppent dès l’enfance et sont éga­le­ment influen­cées par des fac­teurs géné­tiques. La recherche en géné­tique com­por­te­men­tale sug­gère que la cor­ré­la­tion entre traits de per­son­na­li­té et atti­tudes poli­tiques est fon­dée sur un fac­teur géné­tique com­mun.

Le psy­cho­logue nor­vé­gien Tho­mas Haark­lau Klep­pestø et ses col­la­bo­ra­teurs ont obser­vé que l’orientation à la domi­nance sociale et le sou­tien aux poli­tiques qui ren­forcent les inéga­li­tés ont des ori­gines géné­tiques com­munes. Selon ces cher­cheurs, celles-ci pour­raient sous-tendre un syn­drome com­por­te­men­tal concer­nant la dis­tri­bu­tion des ressources.

Au niveau de la popu­la­tion et de l’espèce, un syn­drome com­por­te­men­tal désigne une suite de traits com­por­te­men­taux cor­ré­lés entre les situa­tions. Le phé­no­type du syn­drome com­por­te­men­tal est le type com­por­te­men­tal d’un indi­vi­du. Un indi­vi­du peut être plus ou moins hié­rar­chique dans ce syn­drome com­por­te­men­tal, et ce phé­no­type hié­rar­chique ou éga­li­ta­riste est le type com­por­te­men­tal de cet individu.

Le phé­no­type éga­li­ta­riste ou anti-éga­li­ta­riste d’un indi­vi­du serait déter­mi­né à la fois par des fac­teurs dis­po­si­tion­nels (comme la per­son­na­li­té) et des fac­teurs « éco­lo­giques » (comme la sévé­ri­té des inéga­li­tés sociales).

La tendance à l’autoritarisme est renforcée par le sentiment de menace

L’environnement social des indi­vi­dus influence éga­le­ment leur sen­si­bi­li­té à l’autoritarisme. Dans une étude por­tant sur 27 pays, le psy­cho­logue nor­vé­gien Jonas Kunst et ses col­la­bo­ra­teurs ont obser­vé une rela­tion entre inéga­li­tés struc­tu­relles et appro­ba­tion de la hié­rar­chie entre groupes : plus le contexte natio­nal est inéga­li­taire, plus le niveau d’orientation à la domi­nance sociale de la popu­la­tion est éle­vé. Cette réac­tion psy­cho­lo­gique au niveau indi­vi­duel, plu­tôt que les normes socio­cul­tu­relles, favo­rise à son tour des atti­tudes et com­por­te­ments hos­tiles ren­for­çant la hié­rar­chie (into­lé­rance, dis­cri­mi­na­tion, agres­sion intergroupe).

La psy­cho­logue amé­ri­caine Michele Gel­fand et ses col­la­bo­ra­teurs ont obser­vé de leur côté, dans une étude por­tant sur 33 pays, que les normes de cohé­sion et l’intolérance se ren­forcent sous l’effet de fac­teurs tels que la rare­té des res­sources, la menace ter­ri­to­riale, et la menace infectieuse.

L’influence de cette der­nière menace a été docu­men­tée par la psy­cho­logue bri­tan­nique Leor Zmi­grod et ses col­la­bo­ra­teurs. Leurs tra­vaux por­tant sur 47 pays ont révé­lé l’existence d’une rela­tion entre risque infec­tieux et auto­ri­ta­risme : une plus forte pré­va­lence d’agents patho­gènes exa­cerbe les atti­tudes auto­ri­taires, favo­rise le com­por­te­ment de vote conser­va­teur, ain­si qu’une gou­ver­nance plus agressive.

L’actuelle crise sani­taire semble confir­mer ces résul­tats. Une étude du psy­cho­logue bri­tan­nique Todd Hart­man et ses col­la­bo­ra­teurs a ain­si mon­tré que la pan­dé­mie de Covid-19 a exa­cer­bé le natio­na­lisme et la xéno­pho­bie. D’autres recherches, par le psy­cho­logue ita­lien Michele Roc­ca­to, sug­gèrent que la Covid-19 a ren­for­cé la pré­fé­rence de cer­taines per­sonnes pour un sys­tème poli­tique anti­dé­mo­cra­tique.

Pourquoi une telle tendance à l’autoritarisme ?

Les psy­cho­logues néo-zélan­dais John Duckitt et Chris Sibley ont récem­ment pro­po­sé que les atti­tudes auto­ri­taires soient l’expression de besoins ou moti­va­tions ren­dus chro­ni­que­ment saillants chez les indi­vi­dus par leur per­son­na­li­té et de leur envi­ron­ne­ment social.

L’autoritarisme de droite expri­me­rait un besoin de sécu­ri­té, d’ordre, de sta­bi­li­té, et de cohé­sion. L’orientation à la domi­nance sociale expri­me­rait une moti­va­tion à uti­li­ser la coer­ci­tion ou l’agression pour s’imposer au détri­ment des autres dans la com­pé­ti­tion pour les res­sources. La « confor­mi­té sociale » pré­dis­po­se­rait à l’autoritarisme de droite, tan­dis qu’une « men­ta­li­té rude » pré­dis­po­se­rait à la domi­nance sociale.

L’instabilité socio­po­li­tique et le risque de vio­lence favo­ri­se­raient l’autoritarisme de droite via le déve­lop­pe­ment d’une vision du monde social comme dan­ge­reux, mena­çant et impré­vi­sible ; les inéga­li­tés struc­tu­relles favo­ri­se­raient la domi­nance sociale via une vision du monde social comme une jungle com­pé­ti­tive où « les forts gagnent et les faibles perdent ».

Vulnérabilité au stress

Dans une étude récente pré­sen­tée dans un pré­cé­dent article, nous avons obser­vé que plus les per­sonnes avaient des scores éle­vés aux échelles d’autoritarisme de droite et d’orientation à la domi­nance sociale, plus leur réac­tion phy­sio­lo­gique au stress était éle­vée, et plus leur récu­pé­ra­tion phy­sio­lo­gique post-stress était faible.

Ces résul­tats sug­gèrent que les atti­tudes auto­ri­taires sont asso­ciées à une moindre « flexi­bi­li­té phy­sio­lo­gique », notion dési­gnant la capa­ci­té d’un orga­nisme à ajus­ter son niveau d’excitation en fonc­tion de la situa­tion. Cela se tra­duit par un stress main­te­nu constant, un état d’hypervigilance, une sur­es­ti­ma­tion chro­nique de la menace, de moindres ten­dances pro­so­ciales, et l’expression rigide de com­por­te­ments défensifs.

La flexi­bi­li­té phy­sio­lo­gique des per­sonnes est déter­mi­née par des fac­teurs géné­tiques et des fac­teurs envi­ron­ne­men­taux. Un envi­ron­ne­ment stres­sant (inéga­li­taire, incer­tain, violent) peut notam­ment alté­rer la flexi­bi­li­té phy­sio­lo­gique et favo­ri­ser ain­si les atti­tudes auto­ri­taires, la dis­cri­mi­na­tion, et les agres­sions intergroupes.

L’égalitarisme a également des racines profondes dans l’évolution

Il est impor­tant de pré­ci­ser que le dépas­se­ment par la recherche récente de la fron­tière arti­fi­cielle entre sciences natu­relles et sciences sociales implique de ne pas confondre un état de fait (toutes les socié­tés humaines sont hié­rar­chiques, l’autoritarisme aug­mente face à la menace) avec un juge­ment moral (« la hié­rar­chie est le meilleur mode d’organisation », « l’autoritarisme per­met de faire face à la menace »). On parle de « para­lo­gisme natu­ra­liste » pour dési­gner cette faute de logique fai­sant pas­ser de « x fait y » à « x doit faire y ».

La dis­tri­bu­tion de res­sources est une ques­tion cru­ciale pour toutes les espèces sociales. L’organisation sociale chez de nom­breux pri­mates non humains est struc­tu­rée par des ques­tions de hié­rar­chie et pou­voir. Chez l’humain, les enfants recon­naissent très tôt la posi­tion sociale des per­sonnes, et ins­taurent spon­ta­né­ment des rela­tions de dominance.

Tou­te­fois, l’égalitarisme a éga­le­ment des racines pro­fondes dans l’évolution. Chez un cer­tain nombre de pri­mates non humains, les indi­vi­dus de rang infé­rieur forment des coa­li­tions pour amé­lio­rer leur accès aux res­sources. La for­ma­tion de coa­li­tions visant à empê­cher un contrôle des­po­tique des res­sources s’est éga­le­ment mani­fes­tée chez les chas­seurs-cueilleurs pré­his­to­riques. Les situa­tions où les res­sources sont par­ta­gées de manière inéqui­table entre des tiers retiennent par­ti­cu­liè­re­ment l’attention des nour­ris­sons, signe qu’elles trans­gressent leur attente d’équité.

La recherche récente en psy­cho­lo­gie sociale sug­gère que le sou­tien ou l’opposition aux inéga­li­tés s’appuient sur une adap­ta­tion uni­ver­selle pour navi­guer dans les hié­rar­chies sociales, tout en pré­sen­tant des varia­tions, à la manière d’un syn­drome com­por­te­men­tal. De ce point de vue, les niveaux indi­vi­duels d’autoritarisme spé­ci­fient la varia­tion du sou­tien à dif­fé­rents types de stra­té­gies (hié­rar­chiques contre éga­li­ta­ristes) pour navi­guer dans la dis­tri­bu­tion des ressources.

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