L’Exodus, presqu’une épave, fait route vers la Palestine en juillet 1947. A bord, 4500 rescapés de l’Holocauste. Le bateau est pourchassé par la marine anglaise, qui veut lui interdire la Palestine et l’opinion internationale bouleversée, oblige L’O.N.U. a adopter le 29 novembre 1947 la résolution 181, c’est à dire, le plan de partage de la Palestine.
C’est le 14 mai 1948 que David Ben Gourion proclame l’Etat d’Israël, c’est aussi jour de naqbah (catastrophe) pour les Arabes. Le 10 décembre de la même année, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme , qui dans son préambule prétend que « les hommes naissent libres et égaux en droit » est également adoptée … au même titre que le régime d’Apartheid, en Afrique du Sud !
Ce qui revient à dire, que cette déclaration universelle est, selon le lieu, selon le moment et selon les intérêts des uns ou des autres, un peu aménagée », pour rester sur un doux euphémisme. L’Organisation des Nations Unies (unies sur quoi ?) a en fait, très peu de pouvoir, pour empêcher les exactions, d’un côté comme de l’autre, commises à travers la planète et les problèmes, notamment au Moyen-Orient, ont du mal à être résolus équitablement par cette organisation aujourd’hui.
D’un côté, avec raison, les Palestiniens se sentent spoliés de leur terre. De l’autre, Israël revendique son existence, au titre de peuple élu. C’est peut-être que dans la méthode, des uns et des autres, que le bât blesse. En tous cas, sur le plan de la Communauté Internationale, les prises de position – pour ou contre – sont à géométrie variable et elles penchent en faveur des uns, ou des autres, au gré du moment, mais souvent en faveur de la « raison du plus fort » c’est à dire, de celui qui détient les cordons de la bourse.
Ein Karem c’est une vraie carte postale. Le village se situe près de Jérusalem- Ouest. Les habitants en ont été chassés en 1948, par l’assaut des bataillons israéliens. Malgré les rudes combats, le village n’a pas été détruit et est devenu aujourd’hui une charmante cité d’artistes israéliens, néo-ruraux et soixante-huitards de luxe.
Mais pourquoi êtes-vous donc parti ? – C’est un village tellement agréable »
L’endroit a été restauré avec goût et souci du détail. Bassem (palestinien) professeur de psychologie à l’université de Birzeit en est originaire. Lors d’une conversation avec une de ses collègues, psychologue (israélienne), de gauche, forcément de gauche, il fut totalement désarmé par la réaction de son interlocutrice : « Mais pourquoi êtes-vous donc parti ? – C’est un village tellement agréable ».
Vera Tamari, une grande dame, est céramiste mais également professeur à l’Université de Birzeit. Dans le cadre des opérations militaires israéliennes successives, « Rempart » et « Passage déterminé », durant lesquelles Ramallah est réoccupée et soumise à des couvre-feux destructeurs (de mars jusqu’à juin, puis juillet 2002), elle met a profit le moment d’une accalmie, pour élaborer avec ses étudiants, une installation d’une audace et d’une force, peu ordinaires.
Lors de ces opérations militaires, les chars israéliens s’appliquent consciencieusement à rouler sur les voitures garées le long des rues (700 sont ainsi transformées en « Cesar », inclus quelques ambulances). Elle a alors l’idée de tracer une route bitumée qui mène nulle part, au pied d’une colonie qui domine les hauteurs.
Une file de voitures, broyées, mais astiquées pour la circonstance, paraissent ainsi partir sur la route des vacances. Les propriétaires de ces véhicules écrasés, viennent en famille, les revoir et ainsi en faire leur deuil, dans une atmosphère étrange de musée en plein air. L’art contemporain représente certainement un danger patent.
Aussi, les soldats israéliens qui réoccupent la ville en ce mois de juillet 2002, viennent à nouveau méthodiquement, détruire l’installation et écraser, pour la seconde fois, les voitures déjà transformées par leurs soins une première fois en « César » du Moyen-Orient.
Vera Tamari, sans emphase ni misérabilisme, explique simplement toute la symbolique d’une route sans fin, dans un pays où toutes débouchent sur un mur ou un check-point, infranchissables pour certains. C’est dans ce cadre que la voiture, objet intime, témoin des mariages, comme de tous les mouvements de la vie quotidienne, devient aussi l’expression des frustrations de la liberté.
Un coup de dés, décide du passage, ou non, de celui ou de celle qui doit aller de l’autre côté du check-point …
Comment travailler la terre, sans eau, sans rien, sous contrôle permanent d’une armée d’occupation, qui joue à coups de dés, selon l’humeur du moment ou de la sentinelle en poste, le droit de passage ou non aux check-points, disséminés un peu partout sur le territoire palestinien, qui réduit de jour en jour, comme peau de chagrin, à cause de l’installation incessante de colonies nouvelles, pourtant officiellement interdites. Comment vivre et espérer dans une prison à ciel ouvert ?
En fait, il y a deux discours. Celui, en direction de la presse, de l’O.N.U. et de la « Communauté Internationale » et l’autre, celui qui ne s’exprime que par les violations incessantes des droits des Palestiniens à disposer d’un territoire autonome au pire, d’un État, au mieux. Ce jeu, du chat et de la souris, dure depuis plus de 60 ans, avec des trêves, plus ou moins respectées par les uns ou les autres, qui, par extrémistes interposés, torpillent le moindre processus de dialogue. Yitzhak Rabin en a d’ailleurs été la victime en nov. 1995.
… naissance d’une nation, partition d’une autre
Pourtant, rester vivre dans le pays où l’on est né, sur les terres héritées de ses parents et que l’on a toujours travaillées, dans sa ville, son village ou encore sa région, de génération en génération, ne devrait pas être seulement un rêve, mais une réalité. Imaginez vous dans votre maison, dans votre jardin et quelqu’un, plus fort que vous, solide de son « droit » que personne ne lui conteste ou si peu, vient vous chasser et décide, arbitrairement de vous enfermer dans un endroit ou vous êtes totalement dépendant de son bon vouloir, de surcroît dans votre propre pays.
Vous avez besoin d’eau, de chauffage, de soins médicaux, de nourriture … tout est dispensé par la bienveillance de votre « hôte » que vous n’avez pas invité. Quelle serait votre réaction ? Choisissez la réponse que vous voulez, ou qui vous convient, en toute objectivité.
Un mur de 750 km, huit mètres de haut, des tranchées, des barbelés, clôture électrifiée, guérites de surveillance, enferme 2,5 millions de personnes dans un ghetto monstrueux, qui sépare à l’intérieur même du pays, les familles, les paysans de leurs terres, les enfants de leur école, les villages entre eux …
Depuis la chute du mur de Berlin, nous avions espéré de ne plus jamais revoir ça ! On peut d’ailleurs difficilement imaginer qu’un peuple, qui a souffert de cette situation à Varsovie notamment, il n’y a pas si longtemps, puisse imposer les mêmes contraintes à un autre, issu de la même tribu, soit dit en passant. Pourquoi les fils d’Abraham se détestent-ils autant ?
Et en Alsace ?
On peut en rester au constat, pur et simple. On peut aussi tenter une approche constructive comme le fait la Région Alsace, le Conseil Général du Haut-Rhin, la ville de Kaysersberg , la commune de Kembs, la ville de Bergheim et la commune de Koetzingue et d’autres, avec l’association France Palestine Solidarité du Haut-Rhin, la Confédération Paysanne d’Alsace et l’Association Foire Eco-Bio de Rouffach. Toutes ces énergies, ces synergies, se sont regroupées au sein d’un collectif pour le développement d’une coopération entre l’Alsace et la Palestine dans le cadre de la légalité et du droit international.
C’est ainsi qu’en avril 2004, à l’initiative de l’Association Foire Eco-Bio de Rouffach des membres du Palestinian Agricultural Relief Committes (PARC) et de la Palestinian Farmer Union (PFU) ont été invités à séjourner dans notre région, lors de la session 2004 de la Foire Bio de Rouffach.
Messieurs Tacquard (Conseiller Général du Canton de Saint-Amarin), Schirck (maire de Mollau), Cattenoz (adjoint au maire de Geishouse), Muller (maire de Wattwiller), Stoll (Conseiller Général du Canton de Kaysersberg), en présence de Mme Ulrich-Maliet (vice ‑présidente du Conseil Régional) qui représentait M. Zeller (président de la Région Alsace) ont ainsi proposé un projet de développement rural dans ces régions démunies de tout, à cause de cette situation apparemment inextricable.
Mais d’autres voix s’élèvent aussi, pour réclamer un règlement de ce conflit qui n’a que trop duré. Zeev Sternhell, 73 ans est historien. Il est le fondateur du mouvement pacifiste israélien. Il échappe de peu à un attentat et à la mort. Des terroristes d’extrême-droite ont loupé leur coup. La bombe déposée devant le domicile de Sternhell l’a épargné … de justesse. De son lit d’hôpital l’historien déclare : « …Hélas ! Du choc causé par l’assassinat de Rabin, il ne reste plus aujourd’hui qu’une commémoration annuelle ! ».
Ceux qui soutiennent l’occupation ne sont pas des sionistes !
Non, l’homme n’est pas amer ; il est plus combatif que jamais, de surcroît patriote. C’est aussi pour cette raison que les fascistes veulent sa peau. Il dérange, c’est un vrai sioniste (mouvement politique et religieux, visant à l’établissement puis à la consolidation d’un état juif en Palestine ), car d’après Zeev Sternhell, le sionisme ne consiste pas à dominer l’autre, mais à lui rendre justice.
« Ceux qui soutiennent l’occupation ne sont pas des sionistes ! Cette extrème droite est une excroissance que tous devraient combattre plutôt que de laisser les colons dans une situation de semi-autonomie en Cisjordanie ! » C’est en ces termes qu’il s’exprime dans la presse israélienne, quelques heures après l’attentat qui a failli lui coûter la vie et il ajoute [que] « … la revendication exclusive jetée sur la terre d’Israël, au détriment des droits d’un autre peuple, mine l’idéal sioniste et nous conduit au désastre … ».
Le mouvement pour la paix Shalom Arshav (la paix maintenant), est en tous cas dans le collimateur des extrémistes israéliens, qui ont promis, dans un tract, 1 million de shekels, à qui tuerait des militants célèbres de cette organisation pacifiste. Le chef du Likoud (mouvement radical de droite, voire d’extrême droite), est pour le moment en tête de tous les sondages. Il jure de protéger les colons, ce qui entraine des attaques répétées contre les voisins palestiniens … De l’autre côté, les kamikazes recrutent.
Shalom, Salam, que la paix soit sur la Terre et dans les coeurs … Bonne année et Mazel Tov !
Bibliographie : « Jours tranquilles à Ramallah » de Gilles Kraemer – editions Riveneuve – 2008
Pierre Dolivet (texte publié originellement en 2008 !)