Nous inter­ro­geons une toute jeune fille assise dans l’abri bus place de la Répu­blique. Quand nous lui deman­dons si elle par­ti­cipe à la mani­fes­ta­tion qui démarre à quelques dizaines de mètres, elle nous répond par la néga­tive, tout en expri­mant sa soli­da­ri­té avec les manifestants. 

Devant notre désir d’en savoir plus, elle nous dit qu’elle par­ti­cipe à sa manière à la mobi­li­sa­tion en ret­wee­tant et relayant les mes­sages d’opposition à la réforme sur les réseaux sociaux. 

Ambiance légè­re­ment dif­fé­rente en ce matin du 7 mars dans l’amphithéâtre 1 de l’UHA à La Fon­de­rie. Etu­diants, pro­fes­seurs et per­son­nel admi­nis­tra­tif se retrouvent, avec quelques visi­teurs exté­rieurs comme la très dyna­mique pré­si­dente de la FCPE 68 Flo­rence Clau­de­pierre, venue appor­ter le sou­tien des Parents d’élèves ont ani­mé les débats.

L’intersyndicale de l’UHA (SNES-SUP FSU, SGEN CFDT, l’UNSA et le syn­di­cat étu­diant ultra-majo­ri­taire à l’UHA « Com­mu­nau­té soli­daire des Terres de l’Est – CSTE » ont réuni une cin­quan­taine de par­ti­ci­pant à une AG qui réunis­sait toutes les par­ties concer­nées de l’Université.

Un pro­fes­seur a ouvert le débat en pré­sen­tant les prin­ci­pales carac­té­ris­tiques du pro­jet de réforme des retraites en consi­dé­rant que c’est grâce au for­mi­dable tra­vail des orga­ni­sa­tions syn­di­cales que les men­songes du gou­ver­ne­ment ont été révé­lés : à pré­sent, dit-il, « 96% de la popu­la­tion s’exprime contre cette réforme car les syn­di­cats ont réus­si à mettre en exergue les don­nées réelles mar­quant ce projet ».

Démon­tant une par une les asser­tions du gou­ver­ne­ment, il conclut en rap­pe­lant une don­née fon­da­men­tale que l’économiste et socio­logue Ber­nard Friot a expli­ci­té : « les pen­sions et retraites sont la conti­nui­té du salaire et pas le fruit d’un pla­ce­ment finan­cier. La retraite est donc la conti­nui­té de la vie pro­fes­sion­nelle et le sys­tème de répar­ti­tion est le mar­queur de ce choix poli­tique et social dont la soli­da­ri­té est la clé de voûte. Contrai­re­ment au sys­tème par capi­ta­li­sa­tion qui est une rente finan­cière individualisée.

Le pré­sident du syn­di­cat étu­diant CSTE pré­ci­sa que cette conver­gence de luttes entre étu­diants, pro­fes­seurs et per­son­nels de l’UHA étaient inha­bi­tuelle et révé­lait vient à quel niveau se situait le bras de fer avec le gou­ver­ne­ment. « Une vraie démo­cra­tie ne devrait pas per­mettre d’imposer une réforme contre l’écrasante majo­ri­té de la popu­la­tion » affir­ma-t-il sous les applau­dis­se­ments de la salle en concluant que « dans notre socié­té, la pro­duc­ti­vi­té explose : pour­quoi ne pas mieux répar­tir les richesses qui en découlent », et « il fau­dra bien chan­ger un sys­tème de gou­ver­nance dans lequel nous n’avons aucun pouvoir »…

FEMMES ET RETRAITES

Une ensei­gnante-cher­cheuse en Sciences Poli­tiques abor­da ce sujet avec force et convic­tion… Elle mit en avant que la popu­la­tion active est consti­tuée à 49% par les femmes, dont à une qua­si-éga­li­té avec les hommes. Pour­tant, les écarts de pen­sions sont de 42% au détri­ment des femmes ! Ce constat découle évi­dem­ment de l’inégalité sala­riale durant la vie active qui est encore à ‑28% pour les tra­vailleuses. Ces inéga­li­tés se retrouvent éga­le­ment dans la durée du sala­riat : les femmes ont des car­rières de 40% plus courte que les hommes, car­rières très sou­vent hachés (notam­ment en rai­son de l’éducation des enfants).

Ce constat conduit à inté­grer la Jour­née inter­na­tio­nale de la lutte des femmes du 8 mars à la jour­née d’action du 7, car la retraite est un des points les plus fla­grants de l’inégalité du tra­vail et dans la société.

Per­ti­nente, elle cite un exemple de la sous-esti­ma­tion du tra­vail fémi­nin en s’appuyant sur la défi­ni­tion de la péni­bi­li­té. Sait-on qu’il y a deux fois plus d’accidents de tra­vail dans le sec­teur du Ser­vice à la per­sonne (sala­riat majo­ri­tai­re­ment fémi­nin) que dans le BTP (bâti­ment, tra­vaux publics) ! Et pour­tant, per­sonne n’en parle ouver­te­ment, sur­tout pas le pro­jet de loi sur les retraites !

ET LA SUITE…

De nom­breux par­ti­ci­pants issus de l’Université, ont appuyé le besoin de s’inscrire dans la lutte et d’amplifier le mou­ve­ment. Les étu­diants ont bien mis en avant leurs dif­fi­cul­tés pour s’engager plei­ne­ment : détresse maté­rielle (une majo­ri­té sous le seuil de la pau­vre­té), pres­sions de cer­tains pro­fes­seurs sanc­tion­nant les absences en cours avec un effet néga­tif sur la vali­da­tion des semestres…

Mal­gré cela, de nom­breuses Uni­ver­si­tés étaient blo­quées dont celle de Stras­bourg en cette jour­née du 7 mars. L’objectif est d’élargir la mobi­li­sa­tion à toute la jeu­nesse et par­ti­cu­liè­re­ment les col­lèges et lycées. La mobi­li­sa­tion de la jeu­nesse com­mence à émer­ger et c’est un des élé­ments essen­tiels pour mettre le gou­ver­ne­ment en dif­fi­cul­tés. Déjà des pre­mières fébri­li­tés appa­raissent auprès de membres du gou­ver­ne­ment empê­trés dans leurs men­songes suc­ces­sifs démon­tés les uns après les autres lors de ces jour­nées d’actions successives.

Loïc Miné­ry, conseiller muni­ci­pal de l’opposition Mul­house Cause Com­mune, rap­pelle la mul­ti­pli­ci­té des actions envi­sa­gées ces pro­chains jours en met­tant l’accent éga­le­ment sur des ras­sem­ble­ments des ATSEM en lutte depuis des mois ou des « oubliés du Ségur », ces per­son­nels soi­gnants qui n’ont pas per­çu les aug­men­ta­tions de salaires accor­dées pen­dant la crise du COVID…

Bien sûr, on a aus­si enten­du les « anciens com­bat­tants des luttes syn­di­cales » qui cher­chaient à don­ner des leçon alors que leur propre géné­ra­tion n’a pas per­mis de ras­sem­bler les sala­riés pour défendre les conquis sociaux de leurs pré­dé­ces­seurs. Ces gen­tils « don­neurs de leçon » ont été rapi­de­ment remis à leur place par les jeunes : par­lons du pré­sent entre autres à pro­pos de ce qu’il y a à faire immé­dia­te­ment et non pas des rémi­nis­cence du passé !

Le syn­di­cat CSTE rap­pelle qu’il y a aus­si l’unité entre les syn­di­cats étu­diants puisque la FAGE a aus­si appe­lé à se mobi­li­ser : faut-il déci­der du blo­cage de l’UHA le 9 mars, jour­née de lutte pour la jeu­nesse ? Il fal­lut peu de dis­cus­sion pour qu’un vote décide le blo­cage de l’UHA et une démarche pour aider à l’élargissement du mou­ve­ment aux lycéens et collégiens.