Panier garni chez les élus de la République
Plaie d’argent n’est pas mortelle, dit-on communément. Rien n’est moins sûr, tant nombre de bourrasques sociales pourraient bien s’abattre prochainement, à la faveur de disettes, aussi bien alimentaires que budgétaires…
Si l’argent n’a pas d’odeur, il a bien une origine, qui souvent irrigue et jalonne le parcours d’une vie, cristallise des paradigmes moraux et politiques, à la mesure de l’aisance dans laquelle il place.
L’observatoire des inégalités rappelait récemment dans son dernier rapport (nous y consacrons un article) le seuil de richesse défini par l’INSEE : 3 673 euros par mois et par personne. Les seuils de pauvreté sont indiqués ici. Mulhouse, ville globalement pauvre, se distingue d’ailleurs dans le document pour avoir intégré le « top 20 » des quartiers de province où vivent les plus riches…
Sans réduire nos interactions sociales à un pur jeu de mécanismes déterministes, la vision que chaque individu se forme de la société, et/ou la nature des réformes dont il estime la nécessité, demeurent souvent corrélées au standard de vie matérielle auxquels beaucoup finissent par s’identifier.
Revenu et patrimoine sont les frères siamois de l’entregent social. Ils informent notamment sur les choix individuels et familiaux d’une personne mieux que n’importe quelle enquête sociale ou protestation de générosité et d’égalitarisme sur les estrades.
Les deux pieds de l’ethos bourgeois déjouent souvent les postures, et permettent de confondre quelquefois les tartuffes, surtout lorsqu’ils tentent de dissimuler leurs conflits d’intérêt.
Ce faisant, il se trouve que maints élus de la République, qui gèrent effectivement des exécutifs au sein de collectivités territoriales ou d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ratifient pareillement, par leurs choix, ou leur inadvertance, des modèles de société inégalitaires, au sein desquels ils évoluent en parfaite quiétude, persuadés du moindre mal occasionné par leurs choix.
Il suffira alors de remettre aux forces de l’ordre le soin de jouer les voitures balais de l’ordre social auprès des laissés-pour-compte de la société.
Des inégalités dont il ne risquent pas davantage de souffrir, tant certains parmi nos représentants jouissent de standards de vie pareils à ceux de catégories socio-professionnelles les plus favorisées (les fameux “CSP+“), quand ces mêmes catégories ne représentent pourtant que 20% de la population totale, toujours selon l’INSEE.
Représentation captive
Il ne s’agit pas ici de récuser le fait que les élus d’une collectivité territoriale ont droit à une gratification officielle en échange du temps et des compétences qu’ils mettent à disposition du bien public, lorsque tel est bien le cas.
Il reste que la question du niveau des indemnités des élus, dont la classe dirigeante est massivement récipiendaire, alors qu’elle capte par ailleurs l’essentiel des richesses du travail salarié, reste on ne peut plus légitime.
Car il n’y a pas simplement qu’un problème de représentativité générale, en termes catégoriels, au sein des institutions dites républicaines, que le récent scrutin législatif a rappelé à notre bon souvenir, sans toutefois le résoudre, en dépit de l’élection de quelques employés modestes au sein de la nouvelle Assemblée nationale.
Il s’y trouve également un problème de représentativité sociale de la part de la sous-catégorie “élu”, dont les plus influents vivent, de fait, de la rente publique, quand bien même seraient-ils qualifiés professionnellement pour exercer un métier.
Dans de telles conditions, s’opère une forme d’enfermement de classe, s’appuyant notamment sur un phénomène de cooptation par le rang et l’argent, ou le principe même de carrière en politique fait office de règle implicite.
Un repliement idéologique au sein duquel l’absence de sensibilité aux problématiques économiques et sociales rencontrées par les plus modestes de nos concitoyens n’est pas tout à fait pour surprendre.
Déphasage socio-économique
Servons-nous de quelques exemples significatifs, choisis parmi les élus de l’agglomération mulhousienne, quel que soit le bord politique (dont la ville centre est ô combien illustrative des inégalités sociales et autres disparités de richesse), afin de documenter quelque peu le niveau économique de ce déphasage social.
Les chiffres mentionnés ci-dessous sont issus des données déclaratives effectuées par les élus en question auprès de la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique), dont la fonction principale, rappelons-le, est de recevoir, contrôler, avec l’administration fiscale, et publier les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts de certains responsables publics.
En revanche, leur situation patrimoniale n’est pas disponible, car “seules les déclarations de situation patrimoniale des membres du gouvernement et des membres du collège de la Haute Autorité sont publiées sur le site internet” de la HATVP.
Un calcul fondé sur une échelle de la fonction publique
Selon le Code général des collectivités territoriales (CGCT), « les fonctions de maire, d’adjoint et de conseiller municipal sont gratuites », mais elles donnent lieu au versement d’indemnités de fonction, destinées en partie à compenser les frais que les élus engagent au service de leurs concitoyens.
La circulaire du 15 avril 1992 précise en outre que l’indemnité de fonction « ne présente le caractère ni d’un salaire, ni d’un traitement, ni d’une rémunération quelconque ».
Le montant des indemnités de fonction est fixé en pourcentage du montant correspondant à l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique et varie selon l’importance du mandat et la population de la collectivité. Les indemnités de fonction des élus sont fixées par l’organe délibérant dans les trois mois suivant son installation. Ces indemnités constituent une dépense obligatoire pour la collectivité.
La maire de Mulhouse
Concernant l’indemnité du maire, conformément à l’article 3 de la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 et à l’article 5 de la loi n°2016-1500 du 8 novembre 2016, l’indemnité du maire est, de droit et sans délibération, fixée au maximum.
Toutefois, dans toutes les communes, sans condition de seuil, le maire peut, à son libre choix, soit toucher de plein droit l’intégralité de l’indemnité de fonction prévue, soit demander, de façon expresse, à ne pas en bénéficier, le conseil municipal pouvant alors, par délibération, la fixer à un montant inférieur.
A ce titre, sur l’année 2020, Michèle Lutz, maire de Mulhouse, percevait plus de 74 000 euros de revenus nets annuels, incluant 11 040 € d’indemnités en tant que Vice-présidente de M2A, jusque juin 2020, soit plus de 6100 euros mensuels.
Rottner, cador des adjoints mulhousiens
S’agissant des indemnités de fonction allouées aux adjoints et aux conseillers municipaux, le conseil municipal détermine librement leur montant, dans la limite des taux maxima. Le respect de l’enveloppe globale indemnitaire (composée de l’indemnité maximale du maire plus les indemnités maximales des adjoints en exercice) est toujours impératif.
Sans grande surprise : le premier adjoint Jean Rottner est de loin le mieux lotis parmi les élus mulhousiens.
L’ensemble de ses revenus s’envolent en 2021 pour atteindre plus de 135 000 euros nets annuels (soit plus de 11 250 euros mensuels), mais ses sources de revenus sont diversifiées.
Outre une mission d’un mois en tant que médecin vacataire en 2019 (donc avant covid) réalisée pour un (modeste) revenu de 3719 euros, on lui découvre une substantielle activité de consultant auprès de “CGSF Conseil“, réalisée entre juillet 2019 et mars 2022 (société qu’il ne nous a pas été possible d’identifier clairement), avec 60 000 euros net de revenus en année pleine pour 2020 et 2021.
A cela s’ajoutent les indemnités de Président de région, premier adjoint au maire de Mulhouse et de conseiller communautaire (M2A), soit 46 529 € + 26 612 € + 1 885 €, pour un total de 75 026 euros nets.
Autre illustration avec le jeune et ambitieux Florian Colom, adjoint aux finances, qui semble précéder ses collègues d’une bonne coudée par le niveau de ses émoluments. En effet, entre les revenus de son cabinet d’expertise comptable, et ceux liés à son titre d’adjoint, il comptabilise plus de 85 000 euros de revenus en 2020, soit plus de 7000 euros mensuels.
Quant aux autres adjoints, ils oscillent entre 2000 et 4000 euros en fonction du cumul de mandats locaux (CEA, Conseil Régional, voire de modestes retraites de l’Éducation nationale…).
A Mulhouse agglomération, l’assurance d’être surpris !
Au sein de cette communauté d’agglomération, nous découvrons le profil pour le moins étonnant d’un discret Vice-président.
Il y a ici matière à voir un ancien Vice-président, tel Jean Rottner (encore lui !), rejeter définitivement la transsubstantiation, l’Immaculée conception, l’infaillibilité papale, tant son activité de conseil parait économiquement insuffisante face à celle de cet homme d’exception.
Rémy Neumann, Vice-président de M2A ne se donne pas pour être le notable de l’assemblée. Bien au contraire. Celui qui est également maire de Lutterbach parait le plus simple des honnêtes hommes. Il est courtois, accessible, et vient volontiers au secours de son prochain.
Et pourtant ! C’est un tout autre homme que nous découvrons dans notre livre comptable. Le vilain cachottier émargeait à plus 90 800 euros de revenus nets en 2014 (soit plus de 7500 euros par mois), en qualité d’agent d’assurance !
Certes, il ne percevait plus que la moitié de cette somme en 2019, mais l’homme a manifestement de la ressource.
Fabian Jordan cumulait quant à lui 47 345 euros annuels en 2020. Entre son mandat de Président de M2A, celui de maire de Berrwiller (1200 habitants) et de conseiller de “ODAS” (un bureau d’étude associatif), il cessait ainsi de tirer le diable par la queue.
Son activité de professeur d’accordéon en exercice libéral ne lui rapportait même plus de quoi se payer un salaire, notamment les dernières années.
Au regard du revenu perçu par le citoyen lambda, sachant que le salaire mensuel médian en France est de 1 789 euros net, et le salaire moyen est de 2 238 euros nets, il y a matière à s’interroger.
Pour ne pas conclure
Les élus ne sont pas des agents économiques. Leur niveau de responsabilité est politique et social, et non opérationnel. Ils sont comptables devant leurs électeurs, leurs mandants, et non devant une assemblée d’actionnaires. Ces quelques évidences permettent surtout de plaider la nécessité du caractère gratuit de l’élu de proximité, et à tout le moins son intermittence personnelle délibérée.
La charge politique ne relève pas d’un exercice professionnel : il n’y a pas d’obligation de résultat de la part des élus mais une obligation de moyens. Cela passe notamment par la rotation du personnel politique, quand bien même l’expertise particulière de l’un ou de l’autre passerait pour être appréciée.
Il y a surtout lieu d’assurer l’arrimage socio-économique de la classe bourgeoise qui truste l’essentiel des places de responsabilité politique.
Sauf à se préparer de furieux lendemains, notamment en creusant des boulevards à l’extrême droite, ces élus ne sauraient longtemps rendre justifiable une rente économique liée à une prédominance politique, un cumul des revenus, issus tant du secteur public que privé (où la complaisance et le “pantouflage” sont souvent de mise), au point d’atteindre 3, 4, voire 6 fois le salaire médian du simple citoyen. Ou 10 fois l’équivalent du SMIC…
Un citoyen pour lequel le niveau de revenu stagne et se réduit, aujourd’hui plus que jamais, à la faveur d’une inflation galopante et de mutations écologiques et économiques absolument considérables, et encore à venir …
Un vent se lève sur les menaces d’austérité budgétaire qui (re)pointent à l’horizon… « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? ».
je comprends pourquoi les chaussées a Mulhouse sont pleine de trous ,et la signalisation horizontale dans on quartier n’a jamais eté refaite depuis 2003 , oh pardon, je me suis trompé de ligne budgétaire .
Ils ne sont pas républicains ils utilisent le mot République pour persévère de l’argent injustement . La Maire ne mérite pas cette somme de l’argent. Il faut écrire, distribuer des tracts porte à porte pour dénoncer et expliquer aux citoyens voilà la politique d’ensemble ils sont au service d’oligarchie trio capitalisme international ; pas du tout à côté des citoyens !