« Il se vou­lait César, il ne sera que Pom­pée » ! (Clé­men­ceau)

La Pre­mière ministre reve­nait mar­di 21 mars sur le vote de la motion de cen­sure, lors d’une réunion avec les chefs de la majo­ri­té, affir­mant à cette occa­sion que son équipe « a le droit d’employer le mot vic­toire ». Tra­duc­tion directe du mot souf­flé par son employeur, l’enfant-roi de la Répu­blique : « Gagner un vote ne peut pas être pré­sen­té comme une défaite »

S’agissant du vote du report de l’âge de la retraite à 64 ans, il est à craindre que cette « vic­toire » à la Pyr­rhus ne soit le triomphe d’un clan dans un pay­sage social dévasté.

Alors que des syn­di­cats d’a­vo­cats, de magis­trats et des poli­tiques de gauche dénoncent des vio­lences poli­cières, par­tout visibles sur les réseaux sociaux, les­quelles expriment la ten­ta­tion du pou­voir de géné­rer de la peur à l’occasion de l’exercice du droit de mani­fes­ter, Éli­sa­beth Borne ren­dait « hom­mage » aux forces de l’ordre, bras sécu­lier d’une secte réunie autour du culte d’un irres­pon­sable majeur.

Tout cela avant de rap­pe­ler le « devoir d’exemplarité » de ces forces de l’ordre. Le « en même temps » macro­nien est déci­dé­ment deve­nue une forme d’ivresse gouvernementale. 

La réa­li­té paral­lèle dans laquelle s’est enfer­rée la macro­nie n’en finit pas de stu­pé­fier, ou de gla­cer le sang.

Le pire est à craindre, lorsqu’un exé­cu­tif plus iso­lé que jamais, tenu par un chef de l’État réso­lu à s’arcbouter sur sa suf­fi­sance olym­pienne, est confor­té par ses propres sec­ta­teurs dans son sen­ti­ment de toute-puis­sance politique.

Alors que l’Assemblée natio­nale, son ancienne chambre d’enregistrement, dont il a mani­fes­te­ment et spec­ta­cu­lai­re­ment per­du la mai­trise, du fait de la mul­ti­pli­ca­tion d’artifices de pro­cé­dure visant à la squee­zer, est à deux doigt de rati­fier une motion de défiance contre son gou­ver­ne­ment, cela pré­sage de futures gué­rillas légis­la­tives en nombre.

Quant à la démo­cra­tie sociale, le moins « légal » mais le plus légi­time des pou­voirs, celle par laquelle la Répu­blique sociale est adve­nue, et ce fai­sant ses meilleurs acquis sociaux, elle s’exaspère à tra­vers la rue, à défaut de pou­voir se faire entendre poli­ti­que­ment, cor­se­tée par des ins­ti­tu­tions qui ne lui laisse aucun espace.

Emma­nuel Macron se livre­ra mer­cre­di à un exer­cice média­tique à 13 heures, dans les jour­naux télé­vi­sés de TF1 et France 2.

On appre­nait dès mar­di matin qu’il y « répon­dra aux ques­tions des Fran­çais ». Ce qui laisse à sup­po­ser qu’il choi­si­ra de se livrer à un exer­cice de « péda­go­gie » pour une opi­nion publique qu’il estime non-com­pre­nante, mâti­né de consi­dé­ra­tions aus­si oiseuses que dépla­cées sur le res­pect de la « démo­cra­tie », son évident monopole. 

Il y jus­ti­fie­ra sans doute de son seul bien­fon­dé, et de sa seule légi­ti­mi­té, contre celle de la « foule », comme il le déclare de manière si mépri­sante, ou de « la rue », à pro­pos de laquelle, à défaut de la tra­ver­ser en com­pa­gnie d’un chô­meur pour lui trou­ver un emploi, il pour­ra se livrer à un exer­cice de vic­ti­mi­sa­tion et de ren­ver­se­ment accu­sa­toire, dont il est deve­nu coutumier.

Et la tri­bune média­tique qu’il s’est choi­sie pour se faire entendre sont les deux ren­dez-vous télé­vi­sés pré­fé­rés… des retrai­tés ! C’est à dire sa base élec­to­rale, avec la haute et moyenne bour­geoi­sie. Les seules aux­quelles il compte res­ter fidèle. 

Les frères des écoles chré­tiennes dis­sua­daient la pra­tique de l’onanisme dans les dor­toirs ado­les­cents, en pré­ten­dant que le fait se livrer à ce péché de chair leur pro­met­trait sur­di­té, voire aveuglement. 

Emma­nuel Macron, qui a pas­sé toute sa sco­la­ri­té dans un éta­blis­se­ment catho­lique, doit en avoir tiré quelque enseignement.

A ceux qui pres­sen­taient décou­vrir cet après-midi un Pré­sident dis­sol­vant, rema­niant, réfé­ren­du­mi­sant, en seront pour leur frustration.

Au lieu de cela, à en croire quelques confrères, le per­son­nage, qui n’a pas grand-chose d’un homme d’État, pré­pa­re­rait ses troupes à faire « d’i­ci deux à trois semaines maxi­mum » des « pro­po­si­tions » en vue d’un « chan­ge­ment de méthode et d’a­gen­da des réformes ».

Le pré­sident vou­drait en effet « iden­ti­fier quelques pro­jets clairs, sur un agen­da clair », au moins jus­qu’aux JO 2024, « avec une méthode claire », pour « évi­ter de se retrou­ver dans une contes­ta­tion de la légi­ti­mi­té d’un texte ».

C’est en effet très clair.

La Répu­blique de 1958, celle de la Vème Répu­blique, est défi­ni­ti­ve­ment caduque. Et refu­ser d’admettre que la France, en son corps social, aspire ardem­ment à rede­ve­nir le maitre de son des­tin, relève de la logique de l’incendiaire.

Ce corps social repo­li­ti­sé exige de toute évi­dence inclu­sion poli­tique et jus­tice sociale, ne serait-ce que compte tenu les défis à affronter.

De fait, la bour­geoi­sie fran­çaise, à tra­vers les choix opé­rés par son élite, conduit le pays à sa dévas­ta­tion démo­cra­tique et sociale, en chauf­fant à blanc l’opinion publique, qu’elle cherche à frac­tu­rer au point de l’atomiser.

Plu­tôt que de se deman­der si cette bour­geoi­sie a brû­lé ses der­niers vais­seaux, en pré­pa­rant l’ad­ve­nue de l’ex­trême droite au pou­voir, mieux vaut sup­po­ser qu’un prin­temps fran­çais sera au ren­dez-vous de l’Histoire…