Cré­dits gale­rie pho­to­gra­phique : Mar­tin Wilhelm

Une inter­ven­tion du Pré­sident de la Répu­blique à la télé ? Et voi­là 9.000 mani­fes­tants à Mul­house. 3,5 mil­lions dans toute la France ! Si j’étais syn­di­ca­liste, je sou­hai­te­rais une inter­ven­tion par jour de M. Macron ou de ses affi­dés, ministres et dépu­tés ! En toute état de cause, la crise pro­fonde que vit notre pays ne peut se régler par des logor­rhées si chères à M. Macron et qu’il nous sert depuis trop long­temps. Le retraite de cette loi reste, plus que jamais, à l’ordre du jour.

Les mani­fes­tants parlent, comme nous le voyons sur les pho­tos de Mar­tin Wil­helm publiées dans notre jour­nal. La mani­fes­ta­tion à Mul­house fut, comme 99% des autres, paci­fique et déter­mi­née. Les car­tons bran­dit par des ano­nymes dans la foule valent mieux que les dis­cours et le pou­voir ferait bien de les prendre en compte. Des phrases et des maximes qui en disent long sur ce que pensent les citoyens de la poli­tique dans notre pays. Des phrases et des maximes qui démontrent qu’ils ont bien com­pris les enjeux, qu’il ne s’agit pas d’« attar­dés » comme le pense le pré­sident Macron, des gens qui n’auraient rien com­pris à ce qui se passe.

Quand une large par­tie de la popu­la­tion d’un pays s’exprime ain­si, qui peut igno­rer leur mes­sage ? Soit un fou ou un imbé­cile, me direz-vous ! Non, il y a une troi­sième voie : celle de l’individu qui, coûte que coûte, veut faire fruc­ti­fier les inté­rêts d’un petit nombre au détri­ment de l’intérêt général.

JOUER LE POURRISSEMENT

Rare­ment, le pays a connu une telle uni­té dans le rejet d’un texte… et donc d’une poli­tique ! Mal­gré toute la « péda­go­gie » déve­lop­pée par les macro­nistes pour bien expli­quer leur pro­jet, mal­gré l’aide des médias qui véhi­cu­laient promp­te­ment les élé­ments de lan­gage concoc­tés par les cabi­nets de com­mu­ni­ca­tion si cher payés grâce à nos impôts, rien n’y fait. Plus on explique et plus aug­mente le rejet. C’est donc dire qu’ils ont bien com­pris, les « gens » !

Des éco­no­mistes, les syn­di­cats unis et de nom­breux par­le­men­taires ont mis en évi­dence les men­songes per­pé­trés par la Macro­nie pour jus­ti­fier une réforme qui n’est pour­tant pas néces­saire dans cette forme pour sau­ver le sys­tème par répartition !

Mais peu importe, pour ces gens « qui ont tout com­pris » ! M. Macron, ses porte-flingues (par ex. Mme Aurore Ber­gé) conti­nuent d’asséner les mêmes argu­ments écu­lés qui ont été balayés par une majo­ri­té écra­sante des Fran­çais qui ne veulent qu’une seule chose : le retraite de cette loi, point barre !

Appa­rem­ment, M. Macron n’en tient pas compte et espère que la mobi­li­sa­tion cesse par faute de com­bat­tants, épui­sés, qui jet­te­raient le manche par dépit. Ose-t-on s’imaginer ce qui en décou­le­rait ? Une majo­ri­té de ce pays se sen­ti­rait encore plus flouée et la poli­tique per­drait tout cré­dit. Mais on peut se poser la ques­tion si tel n’est pas le pro­jet de la Macro­nie. Gou­ver­ner un pays par des décrets venant de « ceux qui ont com­pris » s’imposant sans dis­cus­sion à la popu­la­tion. Le dis­cours de M. Macron le mer­cre­di 15 mars laisse entendre qu’il pour­rait faire adop­ter des lois par décret. En effet, cela serait par­fai­te­ment consti­tu­tion­nel puisque la Consti­tu­tion donne au gou­ver­ne­ment le pou­voir d’a­gir ain­si, c’est-à-dire qu’il peut se pas­ser du vote d’une loi au Par­le­ment pour légiférer.

En France, avec un peuple poli­ti­sé de longue date, les citoyens res­tent atta­chés à l’écoute dont devrait faire preuve les gens qu’ils élisent ! Pour­tant, cette carac­té­ris­tique propre tend à dis­pa­raître avec les pra­tiques poli­tiques ins­tau­rées depuis de nom­breuses années.

Mais il faut bien com­prendre que le rejet des pra­tiques poli­tiques ne signi­fie pas la dis­pa­ri­tion de l’intérêt pour la « chose publique » telle que la poli­tique devrait l’appliquer. Comme le défi­nis­sait Pla­ton : « le rôle de la poli­tique consiste à créer l’u­ni­té et assu­rer l’har­mo­nie dans la Cité, à tra­vers, notam­ment, la ver­tu et l’é­du­ca­tion. » Cette aspi­ra­tion n’est pas dis­so­luble dans le Macronisme…

LA CONTRAINTE ET LA RÉPRESSION

Pour arri­ver à ses fins, chaque pou­voir à deux méthodes à sa dis­po­si­tion : la contrainte et la répression.

La contrainte, c’est ce que fait M. Macron depuis son pre­mier man­dat : trou­ver les argu­ments pour vendre sa poli­tique à tout prix quitte à uti­li­ser le men­songe direct et celui par omis­sion. Il y a des exemples à foi­son où les annonces pré­si­den­tielles étaient tout sim­ple­ment du vent sur­tout à pro­pos des amé­lio­ra­tion sociales dont il ne cesse d’esquisser des contours qui ne voient jamais le jour. Contrai­re­ment aux mesures condui­sant à des reculs des droits sociaux et des mesures de pro­tec­tion du salariat.

Mais évi­dem­ment, cela ne dure qu’un temps. Se faire abu­ser pen­dant un cer­tains temp, c’’est pos­sible. Tout le temps, n’est pas tenable… Et un men­songe s’avérera tou­jours pour ce qu’il est, ce n’est qu’une ques­tion de temps.

A pré­sent, M. Macron doit rendre compte de ces actes, les pirouettes pour s’en sor­tir de suf­fi­ront plus. Et cela vaut pour tous ses sou­tiens : les élus macro­nistes de ter­rain devront, qu’ils le veuillent ou non, jus­ti­fier leurs déci­sions. Et qu’on cesse de pleur­ni­cher sur telle ou telle menace dont ferait l’objet les dépu­tés : on a envie de leur dire : « Assu­mez bon sang, vous vou­liez le poste, alors assu­mez-en les conséquences ! »

Quand les contraintes ne suf­fisent plus, il reste la force : c’est l’évolution qu’on constate actuel­le­ment avec le défer­le­ment de vio­lences poli­cières. Les poli­ciers eux-aus­si sont vic­times ? Évi­dem­ment, la vio­lence appelle la vio­lence, c’est vieux comme le monde. Mais cette vio­lence a un but : éveiller dans la popu­la­tion, un sen­ti­ment de craintes, voire de peurs qui jus­ti­fient le déve­lop­pe­ment de la répression.

Or, les mani­fes­ta­tions orga­ni­sées par les syn­di­cats se passent bien, sans heurts, ni dif­fi­cul­tés. Les ser­vices d’ordre des syn­di­cats, avec une expé­rience qua­si sécu­laire de l’organisation d’initiatives syn­di­cales, font un tra­vail admi­rable pour empê­cher les inter­ven­tions des « idiots utiles du gou­ver­ne­ment » que sont les cas­seurs qui, par leurs, actes, per­mettent au pou­voir d’intensifier les inter­ven­tions poli­cières. On le constate aus­si dans d’autres pays : la volon­té de res­treindre les liber­tés de mani­fes­ter, de grèves, s’expriment des gou­ver­ne­ment de nom­breux pays euro­péens, dont la Grande-Bre­tagne, l’Allemagne, l’Italie. Et la France…

ET LA SUITE…

Pas du tout impres­sion­nés par ces dis­po­si­tifs, le citoyens pour­suivent ! Les syn­di­cats, tou­jours aus­si unis, appellent à une nou­velle jour­née d’action, de grèves et de mani­fes­ta­tions, mar­di 28 mars.

Il y a peu de chance que le pour­ris­se­ment vou­lu par M. Macron s’opère. Les syn­di­cats pour­raient peut-être mul­ti­plier les formes de ces expres­sions popu­laires. La pré­sence de nom­breux musi­ciens de l’Orchestre sym­pho­nique de Mul­house per­met-elle de rêver à l’organisation d’un concert de sou­tien mêlant le reven­di­ca­tif au cultu­rel dans la cité du Boll­werk? Par le pas­sé, l’engagement du milieu cultu­rel dans des mani­fes­ta­tions sociales per­met­taient de tis­ser les liens entre le monde du tra­vail et celui de la culture au plus grand béné­fice de cha­cun d’entre eux !

Ou bien pour­rait-on ima­gi­ner, comme me le sug­gé­rait Ber­nard Umbrecht, une confé­rence sur l’évolution du tra­vail orga­ni­sée par les syn­di­cats, des cher­cheurs (éco­no­miste, socio­logues, phi­lo­sophes) et le monde de l’entreprise pour faire le point sur les logiques de pré­ca­ri­té qui marquent aujourd’hui le monde salarié…

En somme, est-ce que ce bouillon­ne­ment intel­lec­tuel, poli­tique et social auquel nous assis­tons, pour­rait-il débou­cher sur un prise en main citoyenne de l’avenir ? Et per­mettre de jeter les bases de nou­veaux prin­cipes démo­cra­tiques dans la cité et dans l’entreprise et qui sont si néces­saires dans ce vieux monde voué aux gémonies.