Crédit photos : Martin Wilhelm

À Mulhouse, ce samedi 22 novembre 2025, une centaine de personnes se sont rassemblées place de la Bourse pour dénoncer l’escalade des violences faites aux femmes, à l’approche de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, célébrée le 25 novembre.

En dépit des restrictions imposées par la préfecture – un refus de marche motivé par le marché de Noël et un manque de forces de l’ordre – les manifestantes et leurs alliés ont transformé ce rassemblement statique en un moment de solidarité puissante, marquée par des discours émouvants, des chants et une minute de silence en mémoire des victimes.

Cette mobilisation, organisée par le collectif de solidarité internationale féministe, met en lumière une réalité alarmante : en France, le nombre de féminicides a déjà dépassé les 134 en 2025, soit une augmentation par rapport à l’année précédente.

Le deuil de Leïla et l’urgence locale

Au cœur de ce rassemblement, le meurtre de Leïla, une Mulhousienne assassinée par son ex-conjoint, a cristallisé la douleur collective. Ses amis et son employeur étaient présents, exprimant leur frustration face à l’inertie judiciaire : sur les rares plaintes déposées par les victimes (seulement 10% des cas), à peine 10% aboutissent à une sanction effective.

Les intervenantes ont rappelé que ces violences ne sont pas des incidents isolés, mais le symptôme d’un système patriarcal qui banalise les humiliations, les coups et les dominations, souvent dans l’intimité des foyers.

À Mulhouse, les associations comme le CIDFF ou le Planning familial signalent une hausse de 10% des accueils pour violences conjugales en 2024, sans que les moyens suivent, laissant les victimes en première ligne face à un silence municipal assourdissant.

Solidarité intersectionnelle : Au-delà des frontières

Les prises de parole ont élargi le combat à une dimension internationale et inclusive. Des représentantes de la FSU et de la Queer Stub ont dénoncé les liens entre violences sexistes, précarité économique et discriminations : 9% des viols ont lieu sur le lieu de travail, et 30% des salariées ont subi des harcèlements, souvent sans recours ni protection.

Des voix ont évoqué les 281 femmes trans assassinées l’année dernière, soulignant que les minorités de genre subissent une violence exacerbée. Le tract du Mouvement des femmes a rappelé les résistances historiques, des sœurs Mirabal aux militantes actuelles en Syrie ou au Soudan, où les guerres amplifient les féminicides et les viols comme armes de domination.

À l’échelle mondiale, 86 000 femmes et filles sont tuées chaque année, souvent par des proches, transformant le foyer en piège mortel.

Obstacles et résistance face à l’indifférence institutionnelle

Malgré les négociations infructueuses avec la sous-préfecture et les renseignements généraux, les organisatrices ont maintenu le rassemblement sur place, refusant de se laisser museler par les priorités sécuritaires du marché de Noël.

Des syndicalistes et écologistes ont pointé du doigt les coupes budgétaires dans les services publics et l’éducation affective, imputables à des politiques libérales et austéritaires qui perpétuent la vulnérabilité des femmes.

La chorale Coven Cantores a clos l’événement par des chants réécrits en hymnes féministes, comme “Debout, femmes sauvages“, invitant à briser la cage patriarcale, et appelant à une organisation collective : “Aucune femme ne devrait se sentir seule“, dans un monde où la misogynie se nourrit du capitalisme et du racisme.

Cette manifestation mulhousienne, bien que contrainte, incarne une résistance sororale qui refuse la fatalité. Elle invite à une mobilisation plus large, locale et globale, pour que les féminicides cessent d’être une “conséquence” tolérée, et deviennent une urgence prioritaire.