Nous venons de rece­voir le com­mu­ni­qué daté du 28 jan­vier 2016, d’I­ni­tia­tive citoyenne alsa­cienne, asso­cia­tion ani­mée par Pierre Klein, sur l’a­ve­nir du Régime locale d’as­su­rance mala­die. Nous le publions bien volon­tiers puis­qu’il apporte une pierre de plus à l’exi­gence du déve­lop­pe­ment de ce régime en Alsace-Moselle.

Com­mu­ni­qué au sujet du RLAM

28/1/2016

L’Initiative citoyenne alsa­cienne (ICA) tient à expri­mer son inquié­tude quant aux menaces qui pèsent sur le régime local d’assurance mala­die (RLAM). Elle rap­pelle que ce régime a été et reste d’un grand béné­fice pour l’Alsace et la Moselle et leurs habi­tants (coti­sants et ayants droit : sala­riés, retrai­tés, inva­lides, étu­diants). Il rem­plit par­fai­te­ment les fonc­tions de régime com­plé­men­taire, Il est très bien géré et de sur­croît sur place, c’est-à-dire par les syn­di­cats de sala­riés d’Alsace et de Moselle. Cette ges­tion par­te­na­riale et décen­tra­li­sée est incon­tes­ta­ble­ment un avan­tage. Que l’ensemble de la popu­la­tion fran­çaise puisse pro­fi­ter à son tour d’un régime com­plé­men­taire d’assurance mala­die, comme le sou­haite le gou­ver­ne­ment, est une très bonne chose. Faut-il pour autant déman­te­ler ce qui existe et qui a fin ses preuves ? Non n’en voyons pas l’intérêt.

Mais sans doute l’occasion est-elle trop bonne pour cer­tains esprits jaco­bins de rame­ner l’Alsace et la Moselle sur « le droit che­min » du droit com­mun ? Une occa­sion de plus pour décons­truire le bien propre alsa­cien et mosel­lan ? Mais au pays du « tous égaux, tous iden­tiques », un bien propre ça n’a pas de rai­son d’être, dit le jacobin.

Nous tenons à rap­pe­ler que si des par­ti­cu­la­rismes ont par le pas­sé été main­te­nus, c’est parce qu’ils étaient lar­ge­ment en avance sur l’existant dans le reste de la France et aus­si parce que les Alsa­ciens et les Mosel­lans se sont bat­tus pour leur préservation.

Nous reven­di­quons un droit à la dif­fé­rence, un droit à l’exception ! C’est aus­si cela, la démocratie !

Nous appe­lons qui­conque a le sou­ci de pré­ser­ver et même d’améliorer ce régime par­ti­cu­lier et notam­ment les ins­ti­tu­tions, la classe poli­tique, les syn­di­cats de sala­riés et patro­naux, les asso­cia­tions… à se rejoindre sur une pla­te­forme.

Contact : ica2010@orange.fr

Mer­ci !

Pierre Klein


Nous par­lons sou­vent de ce « droit local » d’assurance-maladie qui s’applique dans les seuls trois dépar­te­ments d’Alsace-Moselle. L’Alterpresse68 essaie, dans cet article, d’en expli­quer les ori­gines, les par­ti­cu­la­ri­tés et les dan­gers qui le guette avec la signa­ture par cer­tains syn­di­cats d’un Accord Natio­nal Inter­pro­fes­sion­nel géné­ra­li­sant la com­plé­men­taire mala­die qui fait la part belle aux assu­rances pri­vées qui lorgnent sur le « mar­ché » de la mala­die et de la retraite.

Son ori­gine 

En Alsace-Moselle, l’histoire de la pro­tec­tion sociale est liée à l’appartenance de ce ter­ri­toire à l’empire alle­mand entre 1870 et 1918. Sous l’ère prus­siennes, des assu­rances sociales furent créées en 1883 à la demande d’un mou­ve­ment ouvrier puis­sant for­te­ment orga­nisé (SPD et Freie Gewerk­schaf­ten) par le chan­ce­lier Bis­marck qui voyait dans ces cou­ver­tures sociales un moyen de déve­lop­pe­ment du capi­ta­lisme allemand.

Elles per­mirent aux sala­riés de l’industrie et du com­merce de béné­fi­cier d’une cou­ver­ture mala­die qua­si-totale. Ce sys­tème de caisses locales était admi­nis­tré par les repré­sen­tants des sala­ries via l’organisation syndicale.

Lors du retour de l’Alsace Moselle à la France en 1918, cette conquête sociale était lar­ge­ment en avance sur les lois sociales fran­çaises. Le sys­tème d’origine alle­mande fut main­te­nu pen­dant l’entre deux guerres mondiales.

En 1945, même la créa­tion de la Sécu­ri­té sociale sur l’ensemble du ter­ri­toire fran­çais  (avec un reste à charge de l’assuré après rem­bour­se­ment de l’ordre de 20 %) ren­dait le régime alsa­cien-mosel­lan plus favo­rable, ce qui lui a assu­ré une péren­ni­té jusqu’à nos jours.

Le régime local à l’heure actuelle

Aujourd’hui, et ce depuis 20 ans, le régime local est recon­nu de manière défi­ni­tive dans le code de la sécu­ri­té́ sociale française.

Le décret D325‑1 du 31 mars 1995 pré­cise que le régime local d’assurance mala­die des dépar­te­ments du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle est un régime légal obli­ga­toire et com­plé­men­taire du régime géné­ral. Il assure à ses affi­liés des pres­ta­tions défi­nies léga­le­ment en com­plé­ment de celles ser­vies par le régime général.

Le finan­ce­ment est assuré par une coti­sa­tion dépla­fon­née assise sur le salaire ou les reve­nus de rem­pla­ce­ment (la pen­sion des retrai­tés, l’indemnité́ des chô­meurs, …) dont le taux uni­forme est fixé par le conseil d’administration dans le cadre d’une four­chette variant de 0,75 à 2,5 %. Le taux actuel est de 1,5%.

Les assu­rés n’ayant pas les res­sources suf­fi­santes sont exo­né­rés de la coti­sa­tion. Il n’y a pas de coti­sa­tion à la charge de l’employeur. Les béné­fi­ciaires sont au nombre de 2,9 mil­lions de per­sonnes (actifs, retrai­tés, ayants droits, chô­meurs, inva­lides) dont 1,6 mil­lion de cotisants.

Le régime local d’assurance mala­die assure un com­plé­ment de rem­bour­se­ment à hau­teur de 90 % pour les soins ambu­la­toires (alors que le régime géné­ral ne rem­bourse qu’à hau­teur de 60%). Il a ver­sé en 2014 près de 480 M€ (mil­lions d’euros) de pres­ta­tions et encais­sé près de 429,3 M€ de coti­sa­tions. Il a inves­ti 652 000 € en 2014 dans des actions de pré­ven­tion, 8 M€ depuis 1999.

Une ges­tion irré­pro­chable et pas de défi­cit abyssal

La ges­tion du régime local appar­tient au conseil d’administration. Il dis­pose de pou­voirs net­te­ment plus éten­dus que ceux accor­dés aux CPAM et à la CNAM (fixa­tion du taux de coti­sa­tion, de la liste des pres­ta­tions et de leur taux). Ce conseil d’administration est com­posé de 23 membres avec voix déli­bé­ra­tive dont 21 repré­sen­tants des assu­rés par le biais des orga­ni­sa­tions syn­di­cales représentatives.

Les coûts de ges­tion du régime local sont infé­rieurs à 1,1 % contre en moyenne… 20 % pour les opé­ra­teurs pri­vés. « En 2014, pré­cise l’actuel pré­sident du conseil d’administration, Daniel Lor­thiois, les coûts de ges­tion des orga­nismes com­plé­men­taires s’élevaient à près de 6,5 mil­liards d’euros, soit le niveau du défi­cit de la branche mala­die de la Sécu­ri­té sociale… »

Le régime local est hau­te­ment appré­cié́ par ses béné­fi­ciaires. Il pro­cure un haut niveau de pres­ta­tions de manière soli­daire tant entre malades et bien por­tants qu’entre les hauts et les bas reve­nus. Ses frais de ges­tion très faibles du fait de l’adossement au régime géné­ral (dont il peut être consi­dèré comme une exten­sion) font de lui un sys­tème imbat­table en termes de coût.

La loi du 14 juin 2013

Elle est la tra­duc­tion légis­la­tive de l’ANI (accord natio­nal inter­pro­fes­sion­nel) du 11 jan­vier 2013 signé par la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC mais pas par la CGT et FO. Elle pré­voit dans son article 1er la géné­ra­li­sa­tion d’une cou­ver­ture col­lec­tive à adhé­sion obli­ga­toire pour l’ensemble des sala­riés en matière de rem­bour­se­ments com­plé­men­taires de frais occa­sion­nés par une mala­die, une mater­ni­té́ ou un acci­dent à comp­ter du 1er jan­vier 2016. La cou­ver­ture devra garan­tir à ses béné­fi­ciaires un niveau mini­mal de pres­ta­tions. Celles-ci fixées par le décret du 8 sep­tembre 2014 sont supé­rieures aux pres­ta­tions ser­vies actuel­le­ment par le régime local d’Alsace-Moselle.

Les orga­nismes d’assurances com­plé­men­taires (mutuelles, caisses de pré­voyances, assu­rances pri­vées) sont en concur­rence pour four­nir un contrat col­lec­tif d’entreprise. Le prix des garan­ties pour­ra donc varier mais devra être sup­porté à part égale par le sala­rié pro­té­gé́ et l’employeur. Ce dis­po­si­tif ne concerne que les seuls sala­riés de l’entreprise à l’exclusion des ayants-droits (donc de la famille du sala­rié, contrai­re­ment au droit local qui couvre tout le monde).

Les consé­quences de la géné­ra­li­sa­tion des com­plé­men­taires santé

La géné­ra­li­sa­tion peut être consi­dé­rée comme béné­fique pour les 4 mil­lions de sala­rié qui à l’échelle de la France étaient pri­vés d’une com­plé­men­taires col­lec­tive avec par­ti­ci­pa­tion finan­cière de l’employeur.

Pour tous les autres, il n’y a pas d’avancées. Rap­pe­lons que la popu­la­tion sala­riée en France est de l’ordre de 21 mil­lions de personnes.

En Alsace-Moselle, le régime local couvre déjà̀ envi­ron 72 % des garan­ties pré­vues dans le décret d’application mais au béné­fice d’une popu­la­tion net­te­ment élar­gie (ayants droits, retraites, chô­meurs, inva­lides). Par contre la cou­ver­ture est à la charge de l’assuré seul sans par­ti­ci­pa­tion de l’employeur. Il en résul­te­ra donc une inéga­li­té́ de trai­te­ment entre sala­riés des 3 dépar­te­ments où existe le régime local et les autres ter­ri­toires où les employeurs devront coti­ser eux-aussi.

Le réta­blis­se­ment de l’égalité́ sup­po­se­rait le ver­se­ment d’une coti­sa­tion à la charge de l’employeur au régime local à un taux cou­vrant 50% des couts des pres­ta­tions ser­vies aux sala­riés actifs (taux estimé aujourd’hui à 0,7%). Les employeurs par le biais de leurs orga­ni­sa­tions MEDEF, CGPME et UPA d’Alsace Moselle refusent de voir les choses de cette façon et sont opposes au ver­se­ment d’une coti­sa­tion au régime local.

Les syn­di­cats contre-attaquent…

Dans une péti­tion, les syn­di­cats sié­geant dans le conseil d’administration du Régime local, CGT, CFDT, CFE-CGC, CFTC, UNSA, font deux pro­po­si­tions pour mettre le régime local en adé­qua­tion avec la loi du 14 juin 2013 :

  1. Ins­tau­rer une coti­sa­tion dite patro­nale. A comp­ter du 1erjan­vier 2016, tous les employeurs seront tenus par la loi de coti­ser à une assu­rance com­plé­men­taire. Il suf­fit de déci­der que celle-ci soit ver­sée au Régime Local,
  2. Sup­pri­mer la bar­rière légis­la­tivequi inter­dit au Régime Local de fixer libre­ment (en tenant compte de ses pos­si­bi­li­tés finan­cières) le mon­tant des pres­ta­tions ver­sées à ses ressortissants.

Cette péti­tion n’a, pour l’heure, pas por­tée ses fruits puisqu’un rap­port éta­bli par quatre par­le­men­taire PS et Les Répu­bli­cains venant d’Alsace et de Moselle, n’a pas don­né suite aux demandes de l’intersyndicale.

Mais il reste encore du temps pour exer­cer les pres­sions néces­saires. En effet, l’application de la loi a été repor­tée de 6 mois en Alsace et Moselle, elle n’entrera donc en vigueur que le 1er juillet 2016. Six mois pour faire lan­ter­ner les Alsa­ciens-Mosel­lans ou pour faire bou­ger les lignes en faveur du droit local ? Ce sera la mobi­li­sa­tion des prin­ci­paux concer­nés, les assu­rés sociaux des trois dépar­te­ments qui ont à pré­sent l’issue entre leurs mains…

Michel Mul­ler