Le mar­di 27 jan­vier 2015, la MNCP Haut-Rhin sud (Mou­ve­ment Natio­nal des Chô­meurs et Pré­caires) a tenu une confé­rence de presse à la Mai­son de la Citoyen­ne­té Mon­diale, rue Schüt­zen­ber­ger à Mul­house.

En coor­di­na­tion avec les autres antennes locales de l’association pré­sentes dans l’hexagone et en liai­son avec 17 autres orga­ni­sa­tions, la date avait été choi­sie en rai­son de l’annonce ce même jour des chiffres men­suels du chô­mage : la conco­mi­tance était oppor­tune, puisqu’ils ont atteint un niveau inédit.

L’action s’est vou­lu coup d’éclat, et c’est bien un coup de gueule et de colère qu’a lan­cé un des ani­ma­teurs du mou­ve­ment mul­hou­sien, André Bar­noin, porte-parole à cette occa­sion de l’indignation de la ving­taine de membres et de sym­pa­thi­sants présents.

Indi­gna­tion et cri d’alerte : l’inexorable mon­tée du chô­mage a entraî­né un niveau de pau­vre­té insup­por­table. Mul­house est par­ti­cu­liè­re­ment tou­ché : ce ne sont pas moins de 70 asso­cia­tions qui se pré­oc­cupent de la situa­tion, pal­liant avec le concours de béné­voles les carences des pou­voirs publics en la matière.

Car la pré­ca­ri­té crois­sante est, pour André Bar­noin, incom­pa­tible avec le carac­tère démo­cra­tique, ou reven­di­qué comme tel, de notre socié­té, anti­no­mique avec les poten­tia­li­tés d’une éco­no­mie «avan­cée», et scan­da­leuse au vu des inéga­li­tés qui se creusent. Et André Bar­noin de rap­pe­ler le constat fait récem­ment par l’OXFAM du fos­sé gran­dis­sant entre le 1% de la popu­la­tion mon­diale déte­nant autant de richesses que les 99% res­tant (voir l’ar­ticle : On « cause » à Davos, on vote Syri­sa en Grèce ? ).

Ce n’est certes pas la loi Macron qui contri­bue­ra à réta­blir un équi­libre, mais une meilleure répar­ti­tion des richesses, qui passe par une mise à contri­bu­tion des grandes for­tunes, en lieu et place de l’optimisation fis­cale, la sépa­ra­tion des acti­vi­tés ban­caires de dépôt, à réorien­ter vers l’investissement pro­duc­tif, d’avec celles pure­ment spéculatives.

Car le pro­blème est fon­da­men­ta­le­ment celui de la dés­in­dus­tria­li­sa­tion du pays, et comble d’ironie, c’est aus­si l’argent des sala­riés et des pri­vés d’emploi qui tran­sitent sur des comptes ban­caires qui finance l’exode des entre­prises et, par voie de fait, du travail.

Les 9 mil­lions de chô­meurs, de plus en plus mal indem­ni­sés, et ceux qui ne le sont pas ou plus, ou encore ceux et celles qui subissent un tra­vail à temps par­tiel contraint, repré­sentent pour­tant une force éco­no­mique qui pour­raient peser.

Com­ment s’organise pour l’heure la popu­la­tion tou­chée ? Peu, et pour plu­sieurs rai­sons : elle est sou­mise à des cam­pagnes de culpa­bi­li­sa­tion répé­tées –dont celle, récente, du ministre Fran­çois Reb­sa­men – qui fait por­ter aux chô­meurs eux-mêmes la res­pon­sa­bi­li­té de leur situa­tion. A quoi s’ajoutent, à l’échelle indi­vi­duelle, le déni de réa­li­té pour cer­tains, ain­si que le sen­ti­ment que le fait de s’afficher dans une orga­ni­sa­tion de chô­meurs consti­tue­rait un han­di­cap pour la recherche d’emploi.

Les pistes d’action pour une asso­cia­tion telle que MNCP ? Inter­pe­ler sans relâche les pou­voirs publics et Pôle-Emploi pour dénon­cer les dis­fonc­tion­ne­ments, dans des condi­tions de dia­logue dif­fi­cile en rai­son d’un manque d’officialité de ce type d’organisations.

On évoque encore la néces­si­té de fixer, à défaut de créer des emplois en nombre suf­fi­sant, un reve­nu d’existence digne : le RSA, quand il est attri­bué (un inter­ve­nant signale qu’en tant que «tra­vailleur indé­pen­dant» il n’y a pas eu droit), est lar­ge­ment insuf­fi­sant pour sub­ve­nir aux besoins les plus élémentaires.

Les poli­tiques d’austérité, dic­tées par Bruxelles, sont bien sûr en arrière-plan de cet état des choses, mais c’est bien en France que l’on choi­sit de renon­cer aux soli­da­ri­tés sociales.

Si rien ne change, rap­pelle André Bar­noin, la situa­tion pour­rait deve­nir explo­sive : les actes ter­ro­ristes eux-mêmes sont en lien avec la pau­pé­ri­sa­tion à l’œuvre.

Au-delà, l’urgence est éga­le­ment dic­tée par la des­truc­tion des vies que pro­voque la pré­ca­ri­té, car si on se tue aujourd’hui au tra­vail, l’absence de tra­vail – source de reve­nu autant que d’inscription sociale – est tout aus­si meurtrière.

Et Dédé Bar­noin de faire part, approu­vé en cela par plu­sieurs membres de l’association, de l’anormalité du recours au béné­vo­lat pour ten­ter de por­ter solu­tion à un état de fait qui relève entiè­re­ment de la res­pon­sa­bi­li­té publique, et donc du politique.

Daniel Murin­ger

NB c’est l’occasion de faire un petit point de voca­bu­laire : le terme de «pré­caire» qua­li­fiant une per­sonne m’a tou­jours sem­blé inap­pro­prié ; ce sont les condi­tions de vie qui sont pré­caires, pas un indi­vi­du en tant que tel.

Pour télé­char­ger la décla­ra­tion du MNCP, cli­quer ici