Démocratie-Vote

C’est fait, le Haut-Rhin est diri­gé par un conseil entiè­re­ment à droite. Certes, une élue socia­liste, Marie-France Val­lat dans le can­ton de Wit­ten­heim, siè­ge­ra. Mais son par­te­naire de binôme, Fran­çois Vogt, s’est empres­sé de rejoindre… la majo­ri­té de droite (L’Alsace du 3 avril)! Fau­dra m’expliquer com­ment un tan­dem pour­ra rou­ler simul­ta­né­ment à droite et à gauche sur le che­min… Encore un évé­ne­ment qui va redo­rer le bla­son de la politique…

L’abstention se confirme au second tour, vic­toire rela­tive de la droite

56,2% d’abstentions au second tour, plus qu’au pre­mier tour. Mais comme nous l’avions pres­sen­ti lors d’un article pré­cé­dent (« Tout le monde il est content ») les vain­queurs du second tour éva­cuent cela d’un revers de la main. Et se contentent d’être élu avec une mino­ri­té de voix tout en se féli­ci­tant des « excel­lents résul­tats » qu’ils ont obtenus.

Si la droite peut pavoi­ser en Alsace, elle ne peut pour­tant pas se glo­ri­fier du résul­tat dans un cli­mat de défiance à l’égard du gou­ver­ne­ment : au pre­mier tour, la gauche engrange 36,7% des suf­frages, la droite « clas­sique » obtient 37,5% et le Front Natio­nal passe de 4,8% en 2008 et 15.1% en 2011 à 26% en 2015. Sar­ko­zy ne peut décem­ment pas par­ler de « vic­toire », car recueillir 36,7% des voix sur 50,8% de votants est loin d’être glo­rieux… sur­tout avec le désas­treux bilan de la gauche au pouvoir.

Le nou­veau pou­lain de Mme Baldeweck

Je ne crois pas que tout le monde connaisse Mme Bal­de­weck. Elle est jour­na­liste « poli­tique » à L’Alsace… Enfin, quand on la lit régu­liè­re­ment, elle donne l’impression d’être l’attachée de presse de M. Richert, le pré­sident de la Région. Elle fut éga­le­ment un des chantres du conseil unique, prête même à mani­pu­ler l’opinion en publiant, le dimanche du réfé­ren­dum, une carte à la une du jour­nal où elle sévit… un « son­dage » pré­voyant la vic­toire du « Oui »… Bref, une jour­na­liste à laquelle il faut rap­pe­ler sans cesse le mot de Beuve-Méry : « L’objectivité n’existe pas, l’honnêteté si… ». Mais l’école de jour­na­lisme est déjà bien loin­taine pour Mme Baldeweck.

Elle a donc trou­vé un nou­veau pou­lain à sup­por­ter : M. Oli­vier Becht, vice-pré­sident du Conseil géné­ral sor­tant, maire de Rix­heim… En son temps (2008) élu comme le plus jeune maire de France, il est deve­nu la coque­luche de la droite haut-rhi­noise… et a eu droit, à un entre­tien domi­ni­cal dans le quo­ti­dien mulhousien.

Ce qui frappe chez cet homme de 38 ans, c’est qu’il a déjà pris tous les plis des vieux poli­ti­ciens dignes de la 4e Répu­blique. Raide comme un cierge de Pâques, sou­rire écla­tant au soir des résul­tats des élec­tions, il se réjouit béa­te­ment de son score. « Nous avons réa­li­sé le score le plus haut de tout le dépar­te­ment » se vante-t-il… en bran­dis­sant ses 71,27% de voix. Heu­reu­se­ment que l’article du jour­nal L’Alsace réta­blit la réa­li­té. Oui, sur 46,98% de votants… M. Becht a donc été élu avec 31,6% des suf­frages de ses concitoyens…

Et il a une expli­ca­tion pour jus­ti­fier son « triomphe » : il « tient 100% de ses pro­messes ». Sym­pa pour le sor­tant du can­ton, Ber­nard Not­ter, qui est loin d’avoir démé­ri­té, mais a sûre­ment payé le prix de son rejet du conseil unique. Exit Ber­nard Not­ter, voi­là le jeune loup qui arrive…

Nous avons gar­dé la pro­fes­sion de foi de M. Becht : nous véri­fie­rons scru­pu­leu­se­ment ses dires, mais il ne pour­ra jamais tenir ses pro­messes à 100% car elles sont incom­pa­tibles avec une baisse des res­sources des dépar­te­ments qui se pro­file… D’autant plus qu’il pro­met de ne pas aug­men­ter les impôts. Là aus­si le « jeune » Becht uti­lise les mêmes ficelles écu­lées de ses vieux pré­dé­ces­seurs : les pro­messes n’engagent que ceux qui y croient…

Oli­vier Becht : le « jeune » qui fait du neuf avec du vieux…

Le « neuf » de M. Becht est la copie conforme du vieux… Comme l’actuel pré­sident de la Région, il refuse le recours au réfé­ren­dum sur la réforme ter­ri­to­riale, comme lui il consi­dère que la loi étant votée on ne peut y revenir…

S’il estime qu’il faut « se battre pour sau­ver (…) le droit local, le Concor­dat, le régime de la sécu­ri­té sociale, la poli­tique de bilin­guisme », il prend comme exemple de réus­site alsa­cien… le modèle incar­né par l’EuroAirport. Rap­pe­lons à « l’homme qui tient 100% de ses pro­messes » qu’il est pré­vu de liqui­der le droit social fran­çais pour les socié­tés tra­vaillant dans l’aéroport… Est-ce bien com­pa­tible avec l’objectif de pré­ser­ver le « droit local » ?

Et com­ment arri­ver à cet objec­tif ? « Il faut que le Haut-Rhin et le Bas-Rhin soient unis dans ces com­bats ». Sous-enten­dus, les deux assem­blées dépar­te­men­tales ! Pour l’heure, pas ques­tion de fusion des dépar­te­ments mais « cela pour­rait être un objec­tif ». Il est vrai que dans les « pro­messes » de M. Becht, il n’est pas pré­vu de res­pec­ter l’expression démo­cra­tique des citoyens et donc le résul­tat du réfé­ren­dum sur le conseil unique. Le « jeune » fait du neuf avec du vieux, on vous l’a dit !

Les régio­nales en perspective

Déjà se pré­parent les élec­tions régio­nales de décembre, moment clé pour l’avenir de l’Alsace. Et il y a de quoi s’inquiéter si on doit faire confiance aux élus des dépar­te­men­tales pour défendre les inté­rêts alsaciens.

A l’examen des résul­tats de ces der­nières élec­tions, il s’avère que le Front natio­nal n’a certes pas eu d’élus mais il a réus­si à récu­pé­rer une par­tie impor­tante du mécon­ten­te­ment et de l’opposition au gou­ver­ne­ment incar­nés par Marine Le Pen sur le plan natio­nal. On a vu des can­di­dats FN par­fai­te­ment incon­nus faire des scores impres­sion­nants… en étant tota­le­ment absent sur le ter­rain. Les choses seront dif­fé­rentes aux Régio­nales, car le vote à la pro­por­tion­nelle avan­ta­ge­ra cette fois-ci le par­ti d’extrême-droite…

La per­cée d’Unser Land est étran­ge­ment mino­rée, du moins offi­ciel­le­ment, par tous les par­tis. Il est d’ailleurs inté­res­sant de noter que le par­ti régio­na­liste n’a pas don­né de consignes de vote pour le second tour tout en reje­tant le vote FN. Sur son site, il se défi­nit comme « majo­ri­tai­re­ment de ten­dance démo­crate-chré­tienne ». Mais pour l’heure, il est dif­fi­cile de voir une orien­ta­tion pré­cise car les aspects éco­no­miques et sociaux sont très peu trai­tés par ce par­ti. Pour lui aus­si, les Régio­nales pour­raient être une occa­sion de rebon­dir… mais comme les listes seront éta­blies au niveau de la « grande Région », il n’est pas sûr qu’il y ait une can­di­da­ture Unser Land. Alors, tous ces élec­teurs et sou­tiens poten­tiels, seraient-ils pri­vés de pos­si­bi­li­té d’expression aux élec­tions régio­nales avec le risque de voir les abs­ten­tions grim­per encore plus ?

Une recons­truc­tion de la gauche : une plate-forme pour les Régionales ?

Cela est vrai sur le plan natio­nal. S’il est vrai que ceux qui se réclament de « gauche » ont fait qua­si­ment jeu égal avec la droite et que des replâ­trages hâtifs entre les deux tours ont per­mis quelques alliances poli­tiques, il n’y a pas une poli­tique de gauche qui ras­semble l’ensemble des for­ma­tions poli­tiques de cette tendance.

Ni de Syri­za, ni de Pode­mos à l’horizon en France… Bien au contraire : devant l’échec, la direc­tion du PS consi­dère qu’il faut conti­nuer dans la même voie… Peut être  une rec­ti­fi­ca­tion cos­mé­tique avec rema­nie­ment minis­té­riel limi­té à quelques départs et sur­tout à l’entrée d’alliés, éco­lo­gistes  notam­ment, dans le gou­ver­ne­ment, et le cap devrait être main­te­nu. On ne change pas une équipe qui « gagne » avec un tel brio !

Alors que dire dans notre Région !

Ce qui est vrai pour l’Alsace l’est aus­si pour la gauche : ce ne sont pas les com­bi­nai­sons d’appareils poli­tiques qui per­met­tront de sor­tir de la crise, c’est bien à par­tir des attentes de la popu­la­tion que pour­ra se recons­truire des poli­tiques nou­velles et rega­gner de la cré­di­bi­li­té auprès des citoyens.

Une « gauche alsa­cienne » peut-elle se recons­ti­tuer dans l’épreuve actuelle et com­ment ? Il est para­doxal que dans une crise sociale, démo­cra­tique, cultu­relle, poli­tique, les forces pro­gres­sistes dis­pa­raissent qua­si­ment des ins­tances poli­tiques de notre région. Elles devraient, au contraire faire émer­ger de nou­velles idées. Des orga­ni­sa­tions de la socié­té civile,  des cercles de réflexion au sein des par­tis poli­tiques, avancent de nou­velles pistes. Mais elles semblent tel­le­ment éloi­gnées des pré­oc­cu­pa­tions de la popu­la­tion qu’elles res­tent des théo­ries inappliquées.

L’Alterpresse68 veut s’impliquer dans ces élec­tions régio­nales en ouvrant ses colonnes essen­tiel­le­ment autour de plu­sieurs thèmes qui nous semblent réunir quelques pré­oc­cu­pa­tions fortes de nos conci­toyens : la ques­tion éco­no­mique et sociale et le déve­lop­pe­ment du droit local, le renou­veau démo­cra­tique en favo­ri­sant la déci­sion citoyenne, les moyens de pro­mo­tion de la culture régio­nale et des langues, les  col­la­bo­ra­tions trans­fron­ta­lières  qui s’ac­cé­lèrent et sont un axe fort de déve­lop­pe­ment des régions et métropoles…

Car lais­ser ces ques­tions uni­que­ment dans les mains des assem­blées qui viennent d’être élues est le meilleur moyen de les voir enter­rées pour longtemps.

Michel Mul­ler